La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

L’organisation Sociale Chez les Beti-Fang


Une Société Lignagère Segmentaire


Le Lignage

Le lignage « Mvog » traduit chez les Beti du Cameroun, l’ensemble des descendants de l’homme
fondateur d’un groupe : Exemple de Mvog Atangana, Mvog Manga, Mvog Ella
Il désigne l’ancêtre commun remontant à trois ou quatre générations ainsi que l’ensemble de ses
descendants qui se regroupent à part lors des grands palabres ou rituels au sein de l’Ayoñ ou clan. Si le
lignage part presque toujours d’un ancêtre homme, la tradition reconnaît cependant qu’autrefois les
femmes se trouvèrent à l’origine des lignages.
Les enfants naturels, n’appartenaient pas autrefois au lignage de leur grand-père maternel comme l’on
peut le remarquer aujourd’hui. Un tel enfant demeurait au village et s’entendait appeler môn dzâl « fils
du village ».
Il n’avait cependant pas part à l’héritage et était même traité tel un serviteur. Ceci s’explique par le fait
que son père ne lui a pas transmis la véritable puissance ou la véritable humanité qui avait fait de lui un
mfan mod « véritable homme ». Il est donc un « zeze mod » ; homme vide. Si le grand-père ou son oncle
maternel n’ont pas d’autres fils l’enfant naturel était adopté.
Le lignage impose le respect du lien de sang, et par conséquent interdit l’inceste. Cependant chez le Beti
chaque garçon, lorsqu’il devient homme se marie et s’installe seul devenant ainsi chef de la nouvelle
famille. Au départ, le lignage se fragmente tout en gardant des liens solides qui au cours du temps
s’affaiblissent au point que l’interdit d’inceste et de guerre finit par être violé. (C’est le cas avant les
Européens, entre Mvog Zang et Mvog Manzé dans la région de Minlaaba). Cela s’explique d’abord par
l’accroissement des rivalités et compétition entre lignages ; ensuite par l’abandon de l’exogamie et de
l’exopolémie claniques.


Processus de Segmentation

La segmentation renvoie au dépècement du lignage, sa division dans l’espace. Il s’agit ici de
comprendre qu’une fois que le groupe humain atteint un volume considérable, certains se détachent pour
devenir plus indépendants, plus autonomes. Ainsi deux principaux procédés sont observés :


Une segmentation conciliée, décidée par le chef du lignage, ou le fils ainé : lorsqu’un jeune homme
atteint l’âge de se marier. L’initiative était du père ou du fils aîné qui marie le jeune en question. Il lui
montrait un emplacement stratégique (près d’un cours d’eau, sur une colline...), vierge, à une distance
proche du village (300-400 mètres). Le jeune construisait une case pour sa femme, une pour lui et aussi
l’abaa (maison des hommes) en respectant bien sûr les aspects sociaux et rituels de fondation dirigés par
le père. L’endroit où serait la tête du village, la position de l’abaa. Là le père creusait un trou, y déféquait.
C’est dans ce trou que l’on plantait le poteau central de l’aba’a. Le père fondait ainsi le village de son
fils par une substance venant de lui (une fois de plus). Les installations faites, un repas de bénédiction
était offert, précisions que la responsabilité et l’indépendance n’étaient accordées au nom du lignage,
qu’à un « vrai homme » ; un mfañ mod. Cette segmentation conciliée s’explique par le fait que si le fils
a de la personnalité, il peut ravir l’autorité à son père. Il ne peut donc s’affirmer qu’en se distanciant de
son père. D’où les adages : « deux coqs ne peuvent chanter sur une même basse-cour », « Une seule
marmite ne peut porter deux têtes d’éléphant ».


Le deuxième mode de segmentation est de force, par la violence, dans une atmosphère de crise. Cette
segmentation a pour conséquence d’étendre l’aire du lignage en « tache d’huile », un ou plusieurs
éléments se trouvant projeté à une distance plus considérable. Elle a lieu à l’occasion d’une dispute,
d’un conflit entre un père et son/ses fils, entre frères, entre un mari et sa femme qui emporte ses enfants.
(Ainsi le 29 juillet 1891, Esomba Ewodo lors d’une rixe tue son frère, Mbudu Eyamo, il abandonne son
village et s’installe au pied du mont Elumden 42 km plus loin, ou encore l’éclatement des Enoa de

Free download pdf