La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

C’est le deuil des initiés, des hommes riches donc polygames qui étaient aussi l’occasion de nombreuses
cérémonies. C’est lui donc qui nous intéresse également aujourd’hui.


L’Evolution du Canal de Communication


En premier lieu, le premier changement survenu est le canal utilisé pour annoncer les deuils. Le
Nkul/Nkùu, téléphone traditionnel utilisé par nos grands-pères autrefois, excellent moyen de
télécommunication à l’époque est aujourd’hui dépassé et reste un vague souvenir que beaucoup
évoquent souvent sans pour autant savoir avec exactitude de quoi il était question. Même les hommes
considérés de nos jours comme des patriarches dans nos sociétés sont incapables de produire leur propre
Ndan ; code personnel attribué à tout homme, et qui jouait dans le message du Nkùl, le rôle joué
aujourd’hui par la carte SIM dans la téléphonie moderne.
Et l’on ne devrait pas s’étonner de voir qu’aujourd’hui, la seule utilisation du Nkùl est restée son
utilisation comme instrument de musique dans de nombreuses danses exécutées par les Beti.
Les raisons de la perte du Nkùl-téléphone sont multiples : des jeunes qui ne sont plus intéressés par les
outils traditionnels, des vieux ou patriarches qui sont autant déboussolés que les jeunes, mais surtout
l’avènement des moyens de télécommunications modernes, plus sophistiqués... autant d’éléments qui
ont signé l’acte de décès du tam-tam télécommunicateur donc annonceur du deuil.


Le canal utilisé aujourd’hui n’est d’ailleurs unidimensionnel : entre autres, les Beti-Bulu-Fang utilisent
le téléphone, fixe et mobile portable, qui connaît d’ailleurs chaque jour des innovations. Également le
Beti utilise la radio, pour l’annonce des deuils ainsi que des programmes des obsèques. En plus, le Beti
voyage, les moyens de transports s’étant considérablement multipliés et améliorés ; nous pouvons enfin
parler de la correspondance ou bien de la lettre, les messages et appels téléphoniques ainsi que les
réseaux sociaux. Les multiples moyens expliquent l’abandon du tam-tam qui ne pouvait bien sûr pas
résister à la concurrence. L’on peut néanmoins regretter le côté « secret » du tam-tam car le décodage
du message du Nkùl n’était pas à la portée du premier venu.


La Disparition des Grands Initiés


Autre aspect à avoir subi des bouleversements notables, la disparition des grands initiés. En effet, la
société Beti-Bulu-Fang ne connaît plus de grands initiés comme ce fut au temps des anciens. La
conséquence immédiate est l’abandon des multiples rituels observés à l’époque des anciens lors du deuil
d’un initié.
Néanmoins, autant l’initiation était un facteur de rituels appropriés pour les anciens, autant la richesse
matérielle et financière est aujourd’hui facteur de cérémonies funèbres fastes, véritables occasions
budgétivores. En fait ce qui caractérise le deuil d’hommes riches ; c’est le gaspillage d’énormes moyens
financiers et matériels, déployés par des familles, plus pour faire étalage du poids de leurs bourses, que
pour servir le défunt ou sa progéniture qui reste.
L’on peut très vite comprendre pourquoi les Beti ne se rendent plus aux deuils pour pleurer la perte d’un
être cher, ou pour assister la veuve et la famille qui perdent un homme ; ils se rendent désormais au deuil
de personnes nanties pour s’empiffrer de nourriture, ingurgiter autant que possible la très forte quantité
de boisson offerte par la famille. Vivement que les habitudes changent. Nous ne le dirons jamais assez,
le Beti-Bulu-Fang doit se réapproprier les valeurs qui étaient siennes autrefois.


Continuant notre examen de la société Beti-Fang, il apparait qu’un aspect ayant beaucoup évolué est à
coup sûr les exactions commises par les neveux sur les veuves laissées par leur oncle.
En effet, avec l’introduction de nouvelles croyances, notamment sur le christianisme, et avec l’action de
l’administration coloniale, les exécutions sommaires, les ordalies ont été interdites. Il n’est plus question
aujourd’hui de faire violence sur les veuves. Mieux la loi de l’Etat du Cameroun protège de plus en plus
les veuves et leur progéniture pour assurer leur survie après le départ ou alors la disparition de leur père.

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