La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Après la danse, chaque nouvel initié porte son abùb melân au coup, et reçoit sa corne tirée de la marmite
médicinale. Les initiés ayant reçu leurs attributs pouvaient maintenant les faire voir tel un trophée gagné.
Et un festin clôturait l’événement, festin au cours duquel les ancêtres étaient loués : on leur gardait leur
part de repas et de boisson, on leur chantait des louanges.
Ces éléments dont disposaient maintenant les initiés, comment s’en servaient-ils? Plusieurs
observateurs et chercheurs ont recueilli des témoignages à propos de l’usage de ces attributs. En effet
nous avons dit que le rituel visait à conférer à l’initié protection et richesse : Protection contre tout ce
qui lui voudrait du mal et surtout la sorcellerie. Il suffisait pour cela de brûler la résine-encens reçue lors
de l’initiation d’un bout à l’autre du village pour écarter toute menace sorcière. De même un initié
malade était soigné pour le melân.
On entourait le malade des crânes sur lesquels on brûlait la résine (otù) avec des invocations aux ancêtres
dont les crânes sont ici. Ensuite on sacrifiait un coq qui devait mourir à la place du malade. Si le sacrifice
était accepté des ancêtres, on leur offrait le sang du coq, la viande était préparée et servie aux ancêtres
pendant un certain, puis les vivants se la partageaient y compris le malade. On était dès lors sûr de son
rétablissement. Cet aspect du melân a beaucoup participé à sa condamnation par l’église catholique
lorsque les missionnaires européens arrivent au Cameroun.
Pour ce qui de la prospérité apportée par le rituel, le possesseur du gnun melân pouvait invoquer les
ancêtres lorsque sa famille était menacée de disette. Pour cela, l’homme prenait le crâne enduit du bâ de
l’ancêtre fondateur, le posait sur un lit propre et lui parlait comme à une personne vivante, demandant
du gibier à profession, ou des récoltes abondantes, il prenait un coq qu’il arrachait la tête avec les mains,
aspergeait le crâne du sang.
Après, le coq était préparé et enfermé dans la chambre avec le crâne et les statues pendant un certain
moment. Puis le plat était retiré et partagé entre tous. Si la chasse avait lieu le lendemain, la prise devait
être importante ; dans le cas des récoltes, c’était l’abondance. Nous ne saurons clore cette partie sans
soulever que le ngun melân, considéré comme une personne vivante qui devait être nourrie et entretenu
par son propriétaire. Son régime consistait au coq et son entretien, d’être toujours propres, nettoyé et
oint de padouk.


Le Ngi Ou l’Inquisition


Dans leur souci de contrôler les événements qui survenaient dans la société, les Beti ont adopté un autre
rituel : le Ngi. Il est d’origine Mekuk comme le Melân, ressemble à ce dernier sur plusieurs points
cependant qu’il présente également beaucoup de spécificités. Le mot Ngi signifie dans plusieurs langues
beti : « gorille » ; il renvoie à une association qui confère à ses adeptes une efficacité censée absolue
face aux attaques sorcières, avec le pouvoir de neutraliser l’évù (sorcellerie), de démasquer et de châtier
les sorciers. Le châtiment étant la mort. L’initiation au Ngi fait de l’initié un être inexorable, inaccessible
à tout sentiment de pitié sinon redoutable comme le « gorille », terreur des forêts.
Au stade primaire de l’association, on retrouve le « Mvôn ngi » ; toute personne (homme, femme, enfant)
soupçonnée d’avoir pratiqué la sorcellerie ou tué. Le deuxième grade est celui des hommes de mains du
grand initiateur : les Omoa. Ils obéissent aveuglément aux ordres du grand maître.


Enfin il y avait le cercle des grands initiés où l’on retrouve le Mod Esam : c’est le chef de famille chez
qui l’Esam Ngi (le sanctuaire du Ngi est installé), les Prêtres du Ngi (porteurs de sac) et un Nnôm Ngi
ou Dzi Ngi ; le grand prêtre : c’est le plus grand sorcier de tous, le plus puissant, celui qui connaît mieux
que tous. Lors des cérémonies, le grand officiant porte un masque de bois, de l’arbre ekug, le même qui
sert à faire les minkug (génies) du melân.


Durant ces cérémonies, il est appelé pour ce par « asu ngi » : visage du ngi, personne ne le voit, seuls
les initiés. Il est strié de noir de fumée et de « fem » (argile blanche) qui forment d’un côté du corps des
raies blanches sur fond noir, et de l’autre des raies noires sur fond blanc, des cornes sur la tête, le torse
su et cache-sexe sur la taille, le reste du corps en kaolin blanc. Les autres officiants n’étaient pas aussi
cyniquement fardés. Bien que masqué, également torse nu, ils portaient un cache-sexe, une queue de
singe et étaient peints de noir, blanc et rouge.

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