La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Manifestation la plus cruelle et la plus terrifiante de la
« police judiciaire » beti, l’installation d’un esam ngi
est l’expression de la gravité du sujet. En effet pour
maintenir ses femmes ainsi que ses dépendants dans
le droit chemin, un chef aura besoin d’un sanctuaire
dans son village. Pour ce faire après l’approbation
d’un dzi ngi d’un village voisin, il s’agira de
construire la cabane, en brousse à une certaine
distance du village.
Ce travail revient aux hommes de mains du grand
maître, ses soldats. La cabane est hermétiquement
fermée côté village, un souterrain est creusé allant du
sanctuaire au village, ce qui à chaque fois que
l’officiant apparaît et rugit dans ce conduit donne
l’impression aux villageois de suivre une voix
d’outre-tombe. Reste à équiper la cabane et le
souterrain pour les cérémonies.
On y doit pour cela exhumer des cadavres récents car
outre les os, l’on utilise également la sanie issue des
chairs en décomposition. Pour cette raison d’ailleurs,
l’utilisation des restes d’un initié était prévue. La
sanie, mélangée aux herbes et autres produits tel les
lambeaux de peau de la grenouille venimeuse appelée « mvon », était utilisée pour faire un poison qu’on
faisait boire au mvôn lors de la confession-initiation. Les os des phalanges sont cuits, séchés et mêlés à
d’autres éléments pour en faire une prise.
Les os des tibias, fémur et clavicule étaient utilisés pour faire une herse dans le souterrain, le crâne sert
de calebasse-gobelet. D’autres os sont insérés dans une figure d’argile couchée dans l’esam. A côté de
cette statue partait le souterrain qui aboutissait en dessous du village pour faire entre le cri du nnom ngi.
Dans ce souterrain, il y a également des os humains disposés en tas. Les os hérissés à côté de la statue
sont appelés Mimban mi Ngi c’est-à-dire « défenses du ngi », par analogie aux défenses de l’éléphant.
Le décor ainsi planté n’attend plus que les rites d’ordalie et d’initiation.


Le début des cérémonies est
donné par le rugissement
souterrain du dzi ngi. Les
mvôn, suspects ou du moins
présumés coupables de
méfaits quelconques sont
triés par les initiés devant le
tribunal du nnom ngi. C’est
le début d’épreuves et
d’ordalies destinées à
arracher des aveux aux
coupables. L’occasion était
bonne pour un chef d’être édifié sur tous les méfaits des siens. La première épreuve consiste à sauter au-
dessus d’un feu allumé devant l’esam ngi, au son des tam-tam et des chants.
Ceux qui ne sont pas sorciers ou coupables tombent dans le feu, sans se brûler cependant car le ngi le
guérit aussitôt. Les sorciers et coupables sont ceux qui passent sans problèmes. Parfois, la simple fermeté
de prendre l’élan pour sauter suffisait à disculper certains tandis que le refus obligeait son auteur à
confesser ses forfaits. Cette épreuve terminée, les mvon devaient poursuivre le nnom ngi à travers la
brousse où les initiés leur tendaient des obstacles.
De retour à l’atelier, les suspects devaient à travers les os hérissés devant la statue d’argile couchée dans
l’esam. Ces os étant bien effilés tels des lances. Avant de sauter, le maître-officiant parle aux lances,


Figure 2 : Panier de Chasse Bulu, objet no 4538,
Galerie Bruno Mignot
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