La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

leur ordonnant d’embrocher les coupables. Après cette épreuve, les mvôn sont battus à l’aide des tibias
et autre fémur ainsi que de baguettes chargées de puissances. Après quoi ils sont appelés à descendre
individuellement dans la fosse creusée à côté du souterrain et abritant des restes d’ossement, ici les
initiés qui étaient cachés dans le souterrain malmenant autant que possible l’arrivant.
Au sortir, le nnom ngi lance ou dépose un os long (tibia ou fémur) sur les épaules ou le dos de chacun.
Le coupable voit l’os suspendu sur son épaule sans pouvoir tombé ; tandis qu’il tombe sur le dos d’un
innocent. Au cas où les accusés persistaient dans la dénégation, ils étaient battus, forcés de prendre les
braises dans leurs mains. Certains en venaient à succomber. Les femmes convaincues de culpabilité
étaient sévèrement punies et les hommes devaient payer de lourdes amendes. Parfois le coupable d’un
crime était tué. Les aveux obtenus, les mvon et les initiés devaient danser pensant que les blessés étaient
soignés par le grand-maître. Cette phase terminée, il restait la phase de blindage et d’interdits.
Le nnôm ngi fait boire des breuvages aux mvôn à l’aide du crâne-calebasse-gobelet, il lui fait consommer
un aliment fait de sanie d’un récent cadavre mélangée à une poudre de vertébrés broyées avec du maïs,
dans une sauce d’arachides, mélangée à des poissons frais non vidés, et au crapaud venimeux (mvon)
avec de l’huile de palme. On y adjoint un lézard, un mille-pattes et un évù. Le tout est appelé « ebol
mbim » : « pourriture de cadavre ».
Ce poison absorbé, le désormais initié ne peut plus mourir d’empoisonnement, il est hors danger de
sorcellerie, il peut se déplacer d’un lieu à un autre à la vitesse de l’oiseau et aussi il est difficile à tuer
d’un fusil, d’une lance... c’est selon un observateur ce qui aurait été le cas de Martin Paul Samba, car il
avait été initié au ngi. Une autre partie de la protection était la vaccination. On rappelle d’abord au mvôn
les interdits du rituel dont les pires se résumaient ainsi :


 Ne plus faire de sorcellerie ni voler, sinon on mourrait ;
 Ne plus commettre l’acte sexuel de jour sinon l’initié restait paralysé sur place.

Ainsi purifiés et engagés à une vie saine, les initiés étaient des hommes nouveaux qui scellaient leur
engagement par des incisions faites aux articulations, enduites des éléments qui ont constitués le repas
du blindage. Les mvôn vont ensuite séjourner en brousse dans l’esam ngi, probablement pour découvrir
les autres secrets de l’association mais aussi pour danser et ainsi attirer les bénédictions sur le pays.
De retour, ils sont fêtés dans leurs familles respectives. Le Ngi apparaît bien sous cet angle comme un
moyen efficace de limiter la sorcellerie dans le village, de réglementer les actes posés, de punir (de mort)
ceux des initiés qui violent le serment. Seulement son côté manipulateur des restes humains en fait une
horreur notable.


Le Sô : Initiation Des Garçons


Première Partie : De L’origine Du Rituel

Le nom « Sô » désigne dans plusieurs dialectes Beti-Fang un animal, une antilope huppée à ventre blanc
avec une raie dorsale noire, un animal rapide, donc difficile à attraper. Ce nom indique également un
rituel autrefois pratiqué par les Beti ; rituel expiatoire et initiatique, il désigne une force de la nature,
punissante, qu’il faut apaiser par l’offrande d’une victime consentante proche du coupable. C’est
pourquoi nous verrons dans cette étude comment les initiés dépècent et mangent vif l’animal que se
substitue au coupable, sans que cet animal qui aura été drogué pendant longtemps à travers la nourriture
qui est donnée, sans que cet animal ne crie. C’est le signe de son consentement. Il faut cependant
remonter très loin dans les récits légendaires de ce peuple pour retrouver son origine.
En effet, selon les traditions beti, le rituel Sô nait après la traversée de la Sanaga par les migrants venant
du nord, sur les rives même du Yom. Selon la légende, après la traversée du Yom, sur le dos du grand
python Ngan Medza, les Beti font face à deux grands arbres (adzap : pour d’autres groupes, c’est un seul
arbre fendu au milieu). La piste passait entre ces deux arbres sans qu’on puisse les contourner. Devant
les arbres, régnait un monstre qui s’employa aussitôt à les charger, les menaçant de mort. C’est alors
que devant la panique et l’effroi des arrivants ; un des leurs, un chasseur, l’affronta et le tua de ses lances.
Il improvisa aussitôt sur le cadavre du monstre un chant qui sera le « chant du So », chanté lors de

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