La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

échappe. N’a-t-on jamais entendu les gens se demander le pourquoi il n’y a pas d’entente entre la femme
et sa belle-famille. Or, ceci n’est pas observable entre l’homme et sa belle-famille. Il est très rare de
trouver les familles où règne l’entente et la cohésion totale et si tel est le cas, c’est que : l’une des parties
fait d’énormes sacrifices et des fois après la mort du (mari ou fils) un éclatement s’en suit, donc cette
paix n’était qu’apparente.
Voici une autre situation qui prévaut. Dans les sociétés ou ethnies où l’on prône le respect absolu ou que
dans les familles où la chrétienté étouffe les élans, les belles-filles ne sont que « chose de la cuisine » de
la « chambre ». Elles ne peuvent pas exprimer leurs sentiments, car elles sont peu de chose pour oser
l’expression publique. Ce cas nous rappelle la société ancestrale où la femme et les enfants n’étaient que
des êtres humains sans personnalité sociale. Dans un cadre très réduit, cela est encore observable surtout
là où certains se croient tout permis : mépriser les autres, les violenter et les dépersonnaliser au nom de
Dieu Tout-Puissant et de Jésus-Christ son fils.
Comme tout système doit être renversé par les déviants, (notons que la déviance ici n’est point péjorative
car est déviant, celui qui s’insurge contre l’ordre habituel des choses). L’Ekamba va alors réorienter les
choses, selon son caractère déviant.


Les Circonstances De La Pratique De l’Ekamba

La culture de Ekamba est du genre danse théâtrale. Les belles-filles dansent l’Ekamba à l’occasion des
obsèques, d’une cérémonie de noces... d’un beau-parent.


Le Déroulement

Dans une occasion où l’Ekamba doit intervenir, toutes les belles-filles se réunissent et organisent leur
prestation. Chacune d’elles va arborer la tenue d’un beau-parent qu’elle va imiter. La culture de Ekamba
est la reproduction en filigrane du comportement d’un beau-parent donné. Il faut noter que ce n’est pas
chose facile d’obtenir ces vêtements. Il faut furtivement entrer dans les chambres des beaux-parents pour
les leur subtiliser. Car si les beaux-parents soupçonnent au préalable que l’Ekamba sera bientôt
opérationnel, ils vont fuir le lieu du deuil, fermeraient leur chambre à double serrure... Car, faut-il noter
que les danseuses d’Ekamba l’ont toujours fait contre le gré de leurs beaux-parents qui redoutent d’être
pris en proie aux railleries.
L’Ekamba offre un spectacle pittoresque. Cela va sans dire. Une fois l’accoutrement obtenu, les actrices
font alors irruption dans la cour chantant et dansant au rythme de tambours, de tams-tams, de
castagnettes, ensuite, chacune et à tour de rôle invitera un beau-parent de son choix (le défunt ou celui
qui est en l’honneur y compris) et surtout celui qu’elle avait déjà bien observé.
A titre d’exemple : le matin au village, les habitants ont l’habitude de raconter leur nuit, c’est-à-dire
comment ils ont passé la nuit, ce qu’ils ont eu, ont fait et ont entendu ; un tel a eu une diarrhée sifflotante,
tel autre a été rongé par les rongeurs qui grouillent naturellement dans le corps humain ; celui-ci a livré
la bataille toute la nuit aux fourmis magnans qui ont pris d’assaut son local, celui-là raconte comment il
a été torturé par ses rhumatismes et dit que ses os sont tous fendus en cette matinée tel le bois de
chauffage par un bûcheron et dans un style ironique, il le raconte en l’illustrant par des onomatopées tel
a kpwang, kpwang ou a kpwebegue, a kpwebegue et un autre infortuné racontera comment il n’a pas
fermé l’œil de la nuit justement parce que tous les hiboux (oiseau de mauvais augure) de la contrée sont
venus livrer leur concert à son chevet, il va même confirmer avoir reconnu les voix de ses voisins qui
réclamaient ses boyaux...). Et les belles-filles très discrètement suivent souvent tous ces beaux récits et
attendent le moment opportun pour les reproduire.


Il faut reconnaître que dans nos villages on retrouve un discours d’un style très relevé, si bien qu’en
ville, lorsqu’un individu use d’un style qui remue toujours la matière grise de ses auditeurs, l’on conclue
à priori que la socialisation de ce dernier a une trame de fond villageoise. Ceci dit, nos villages sont
incontestablement des creusets, des havres de la culture, et ils doivent se constituer en véritables foyers
d’instruction et de protection des legs culturels. Car cela vient de nos aïeuls.

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