La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Après celle-ci, torse nu, elle va faire plusieurs tours de la concession au pas de course, transportant sur
ses épaules un tronc de bananier traînant des feuilles que les belles-sœurs piétinent par derrière pour
entraver sa marche. Elle est fouettée par les nervures de bananier si elle tombe.
Après cette épreuve, la veuve est envoyée chercher des nœuds en feuilles que les belles-sœurs auront
soigneusement caché au tour du village. Une autre épreuve consiste à danser avec un gros caillou ou une
pierre, criant que c’est son mari qui l’a posée sur sa tête, après la veuve danse accroupie en chantant
comme le font les petits animaux en forêt, elle joue du mvet en l’honneur de son mari, elle est appelée
à fixer, sans sourciller, le soleil. Elle ira ensuite faire des coulades dans la cour après qu’on eut versé de
l’eau dans cette partie de la cour. Elle est battue par ses officiantes, sous prétexte qu’elle a causé la mort
de leur frère, l’a souvent cocufié et méprisé.


Il faut cependant noter que tous ses sévices peuvent être écourtés à condition que la veuve ou sa famille
paye en espèce ou nature. Alors les sévices s’arrêtaient. Durant tout le temps que le rituel se déroulait,
la veuve était tenue de pleurer chaque matin au premier chant du coq. Ces lamentations, consistaient à
exprimer sa douleur, sa perte, de dire du bien de son mari et de clamer son innocence. Les sévices finis,
la veuve était emmenée à la rivière, lavée, habillée d’un cache-sexe (aujourd’hui remplacé par un habit
noir ou bleu sombre). Des interdits à observer lui étaient donnés :


 Interdiction de voyager,
 Ni participer à une fête sans autorisation,
 D’aller au champ,
 Ni d’utiliser ses ustensiles,
 Ni serrer la main à qui que ce soit.
 La veuve ne s’oint pas d’huile, ne se parfume pas et ne se coiffe pas. La tête lui a d’ailleurs été
rasée.
 Pour l’homme, les signes extérieurs du veuvage sont la barbe, les cheveux ébouriffés et le
vêtement noir.

Tous ses sévices terminés, il sera question désormais de purifier et de réhabiliter la personne qui vient
de connaître la souillure de la mort car elle est également considérée comme telle. Ces rites de
purification et de réhabilitation interviennent pour le premier après les vexations et brimades et pour le
second au moment de la levée du deuil (après plusieurs mois).


Pour le rite de purification, il a lieu très tôt le matin qui suit les épreuves de brimades. Les belles-sœurs
conduisent la veuve à la rivière où elle est déshabillée, a la tête rasée ainsi que le pubis et les aisselles,
les ongles coupés. Ces objets ainsi que le vêtement qu’elle arborait sont enterrés dans le marécage ou
alors ils le seront plus tard par la veuve elle-même en cachette. La veuve est alors plongée dans l’eau de
la rivière par la principale officiante. Elle est ensuite lavée avec soin.
Le bain fini, on l’arrose d’une eau tirée d’un récipient contenant des herbes purificatrices connues des
expertes. Dans la tradition beti, les belles-sœurs qui appelaient le défunt « mon mari » étaient également
soumises à ces rites, cependant moins rigoureusement que la principale concernée. Le bain rituel
terminé, la veuve est tenue de payer les services de ses belles-sœurs qui ont officié sans pensées
maléfiques. Elle est habillée de noir ou de bleu sombre, signe extérieur de veuvage, en attendant la levée
du deuil.
Celle-ci intervient plusieurs mois après le décès, au maximum un an. A l’approche de la date fixée par
les belles-sœurs, la veuve informe ses proches-parents, ses amis et connaissances qui lui préparent
plusieurs cadeaux : vaisselle, vivres, habits neufs... Au jour fixé, la veuve est conduite à la rivière par
ses belles-sœurs pour y prendre un bain rituel comme la première fois. Après être sortie de l’eau de la
rivière, elle est arrosée de l’eau médicinale. Pendant cette cérémonie, l’officiante principale prononce
des paroles de bénédiction et d’éloignement de la malédiction :
Exemple : « Voici la prospérité, la santé, la paix que je déverse sur toi et ta famille tandis que la
malédiction s’en va avec cette eau ».

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