La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Dans nos premiers articles, nous avons signalé que l’ancêtre occupait une place d’une grande importance
dans la conception du monde du Beti-Fang. C’est lui qui a créé le groupe social, c’est à lui que l’on
s’adresse pour avoir la paix, la santé, l’abondance de récoltes, en un mot la réussite. C’est lui qui en fait
est garant du bien-être de l’individu et du groupe.
Transgresser un interdit est par conséquent lui désobéir, ainsi que son représentant/remplaçant sur terre
: le père (et la mère), et par déduction c’est appeler la malchance, la disette, le déséquilibre social, l’échec
en amour, en affaires... En un mot c’est mourir moralement.
La seule personne habilitée à redonner la vie reste donc celui-là même qui est victime du mauvais acte
: l’ancêtre c’est-à-dire celui qui l’a remplacé à la tête du groupe (familial ou social), car c’est lui seul
qui peut donner la vie, libérer du poids de la faute : et les paroles prononcées pour la circonstance
montrent de manière implicite cette renaissance du fautif.
Une fois que la faute a été commise, le parent le plus souvent pour exprimer qu’il maudit le fautif avale
la salive et retient en même temps le souffle. Il retire par ce fait le souffle qui maintient le fautif en vie
; car c’est lui qui donne la vie, c’est lui seul qui peut donc la retirer selon la conception Beti-Fang. Pour
lever cette malédiction, il doit donc expulser ce souffle, et cette salive avalés, d’où prononciation des
paroles particulières, chargées de signification. Il peut associer ses frères et sœurs à ce rite qui n’a pas
besoin d’un lieu spécifique ; se déroulant le plus souvent dans la cour.


Pour ce qui est du moment, le rite de bénédiction a lieu tôt le matin, avant que le soleil ne lèche la rosée
sur les herbes. Le petit matin renvoie ici au commencement, de la vie, du monde, des temps. En
accomplissant ce rituel à ce moment, le célébrant confond ses paroles à celles du verbe qui fit l’ordre
des choses, la vie du néant, ce rituel ressort ce qui fut tout au premier matin du monde, à l’inverse du
chaos primordial que le fautif par son acte a tenté de réinstituer. Le célébrant, qui est à jeun au moment
du rituel travaille donc à l’aurore du temps, pour refaire un nouvel homme, libre de toute entrave, de
tout désordre ; il rétablit l’ordre. Cet aspect ressort clairement la religiosité du rite de bénédiction chez
les Fang-Beti. Cependant avant toute cérémonie, le fautif aura au préalable offert un présent (de
préférence un bouc) à son parent, par l’intermédiaire des autres personnes de la classe d’âge de ce
dernier, car il ne peut directement s’adresser à lui. Puis le célébrant va se procurer du matériel nécessaire
pour la circonstance.


Les paroles

Elles ne sont pas figées ; elles sont de plusieurs versions, mais le fond ou le sens principal restant le
même, car reposant sur certains éléments primordiaux dont nous essayerons d’expliquer le sens, la
signification.
Le père ou le célébrant mélange une fleur de bananier non épanouie ; symbole d’une vie non encore
souillée par le mal, la désobéissance aux ancêtres donc aux parents, aux interdits, cette fleur pilée est
mélangée à la poudre de padouk rouge, symbole de vie. Ce mélange est enduit sur la poitrine du fautif,
puis le célébrant crache à ses pieds en expirant, pour donner la vie une nouvelle fois à son enfant ; car,
le crachat en jaillissant d’une bouche à jeun confère au verbe la pureté du discours prononcée.


Dans nos recherches, nous sommes entrés en possession de 5 (cinq) versions de paroles de bénédiction
; de ces cinq versions, nous avons essayé de ressortir une version qui fait apparaître tous les contours du
discours. Ainsi, la formule de bénédiction que nous avons ressortie est la suivante :


J’enlève comme on enlève
Un gros morceau de cuivre
Toutes les transgressions.
Je redresse comme on redresse
Un gros morceau de fer.
Je rends droit
Comme une flèche d’arbalète
Je prends la colonne vertébrale du chien mort.

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