La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

désamorcée par notre attitude, et une fois au village, nous fîmes le récit complet de ce que nous avions
vu. Et l’on nous confia que nous avions bien agi de ne pas fuir car, en fuyant, certaines allèrent subir la
mort, au cas où quelqu’un venait à tomber ou à heurter son pied contre un obstacle. Comme si cela ne
suffisait pas, un oncle très sceptique, n’avait point cru notre histoire, il nous traita de tous les mots, et
finit par déclarer que nous étions victimes de nos propres imaginations. Deux semaines allaient passer,
il nous obligea d’aller lui chercher une semence de l’autre côté, et nous devions traverser notre lieu
phobogène, alors qu’il était 19 heures parlant. Nous nous regardâmes dans les yeux et l’angoisse voulut
nous étrangler et nous pleurâmes de toutes les larmes de notre corps et surtout nous n’étions que trois.
Mais l’autorité de l’oncle était infaillible, il brama tel un lion et nous nous retrouvâmes en route sans
trop savoir comment. Sur nos pas tremblants, notre grand frère alluma la lampe torche à nous remise par
l’oncle, qu’est-ce qu’on vit au pied de la colline, un nabot portant sur son dos une hotte. Il ne bougea
pas, mais garda son poster. Notre grand-frère nous somma de ne point crier. Nous marchâmes à reculons
sans éteindre la lampe torche. Le grand-frère nous demanda d’aller appeler l’oncle et nos autres parents.
Ceux-ci ne tardèrent pas. Eux aussi virent ce nabot et l’identifièrent. Ce fut une vieille femme, notre
voisine. Le lendemain, elle fit une crise qui l’emporta ».


Ces deux témoignages nous rappellent plus d’une histoire. Nous entendons toujours parler des «
Emissaires » « Nnem » en bulu « Nneme » en Ewondo. Ces émissaires rendent phobogènes tous les
bosquets du village surtout la nuit. On parle aussi des « Trimobé » et du sosie « Ntune Bikôp ».


L’Emissaire


Un émissaire comme son nom l’indique, vient souvent attendre
nuitamment son ennemi dans un bosquet non loin du village. On
sait que l’émissaire n’opère que dans les petits bosquets, et chose
curieuse, même si l’infortuné crie de toutes ses forces, personne ne
pourra l’entendre même si on le suivait de trop près par derrière ou
si on arrivait de devant lui. Ce n’est que lorsqu’on arrive à l’endroit
piège qu’on pourra aussi vivre en direct les mêmes misères.


Comment L’émissaire Opère-t-Il?

Si l’émissaire sait par exemple que vous voulez vous déplacer la nuit, il vous devance et vous tend son
piège. Ou bien si vous étiez chez lui dans la nuit, il vous fera la même chose sans que vous vous en
doutiez. Lorsque l’émissaire opère, il verse sur le passage des fourmis magnans, fait souffler un vent
impétueux. Il vous est strictement interdit de courir, sinon, vous tombez et mort s’en suit. Si vous avez
peur, vous pouvez poursuivre votre route mais sachez que si la route est longue, il pourra vous tendre
ce piège en quelque autre bosquet. Mais si vous êtes courageux et fort, il vous est conseillé de vous ôter
les habits (pour que les fourmis ne vous gênent pas continuellement) et de vous cacher le côté de la forêt
tumultueux. Car dit-on l’émissaire se trouve toujours du le côté de la forêt silencieux. Les marabouts et
autres spécialistes en la matière confirment que, lorsque vous vous mettez du côté tumultueux de la
forêt, vous le troublez et il vous perd de vue. Il sort alors et vous recherche. En tenue d’Adam, il vous
cherche et se demande où vous êtes bien allés. C’est à ce moment que vous pouvez bondir sur lui et le
maîtriser.
Ses forces le quittent, il se met à vous supplier en vous promettant monts et merveilles, vous supplie de
ne point le conduire au village. Les spécialistes soulignent le caractère dérisoire de ces promesses et
recommandent de ne point aller vite en besogne. Lorsque vous avez tout rejeté, il arrache une botte
d’herbe tous azimuts et vous la tend.
A votre tour, vous devez l’arracher et voilà, vous avez en mains la synthèse de toutes les promesses à
vous faites il y a quelques temps (enfants si vous n’en avez pas, vous les aurez : les richesses, le pouvoir,
la célébrité et le pouvoir de guérison). Par contre, vous devez toujours le conduire au village et gare à
vous si vous le relâchez. Une fois au village, il sera mis à nu et se verra obligé d’avouer toutes les gaffes

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