La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Les Fang-Beti l’identifient sous l’appellation de « Evu ». Il se matérialise selon Alexandre et Binet non
pas sous forme spirituelle, c’est un être vivant, un animal ressemblant à un crabe ou à une scolopendre
et logeant dans les viscères du cœur (Nlem).
Il faut noter que l’Evu » peut se présenter sous plusieurs formes, il peut être comme un crapaud, une
araignée couleur de chair, une sorte de chauve-souris. La définition la plus rigoureuse est celle de Briault
(citée par Balandier, 1963 p 147). « C’est une bête pourvue de pattes avec deux yeux, une bouche et des
dents : ce sont les dents qui permettent à « l’Evu » de mordre et de manger... ».
Dans la société bantu, les actions sont mises en œuvre pour venir à bout des maladies, les malheurs,
sensés provenir de la sorcellerie.
Les actions relevant des stratégies défensives expiratoires ou le contre-attaque contre les maux
provoqués par la sorcellerie. On emploi la pharmacopée qu’on appelle la nature de symphonies et on
tente de neutraliser le sorcier.
Pour faire du mal, le sorcier doit faire usage des objets de la personne visée ou autres objets ésotériques
(les morceaux de verre recueilli d’une tombe, de la terre recueillie d’une tombe, le bout du tissu, les
objets utilisés d’une fille lors de ses menstrues, la salive d’un cadavre, le cœur d’un coq, les ongles, les
cheveux et surtout ceux des jumeaux), l’effet de ces travaux occulte est l’envoûtement, il peut aller de
la simple mise en demeure à la mise à mort.


L’envoûtement


Il consiste en fait à tenir quelqu’un à sa merci ou à l’amoindrir sans le tuer nécessairement, il s’agira
parfois seulement soit de berner la puissance d’un adversaire présumé soit de s’attacher plus étroitement
un allié. Ainsi une personne attaquée peut être victime d’une maladie incurable et dont la médecine
clinique s’est déclarée incompétente. (Blessure inguérissable, éléphantiasis, crise psychique, stérilité,
mort-né).


L’Aka’aé (Pacte)


On fait manger de l’ « évu » à l’enfant d’un peu moins de deux ans, trop petit pour se rendre compte et
assez grand pour bien avaler : un homme, ou encore une femme inspirée par jalousie, peut nuire à un
lignage en imposant l’ « évu » à un enfant en échange de la vie d’un membre de sa famille. En voici par
le chef Enama Elundu de 80 ans environ en 1967.


« La femme qui est femme du mal donne l’évu aux enfants quand ils sont très petits (les hommes le font
aussi d’ailleurs) dans la nourriture. C’est un mets dans lequel entre un crabe et une écrevisse, après que
l’enfant ait mangé cela, celui qui le lui a donné lui réclame son père ou sa mère. Si c’est une fille qui ne
veut pas les donner, on lui réclame son frère ou le premier fils qu’elle mettra au monde. Si tu es un
garçon, on te réclame ta mère, ou ton frère aîné ou ton premier fils ou encore ta première femme. Si tu
n’en donnes aucun, le sors retourne sur toi-même et cela étant incontournable : la mort ».


Voici un autre témoignage parallèle de Philomène Nangaï de Minlaaba, qui devait avoir alors aussi 80
ans : « Maman me disait toujours d’aller à la pêche avec précaution : si une femme plus âgée que toi te
demande de chercher un poisson dans un trou, refuse! C’est un piège constitué par un tronc d’arbre. Si
tu acceptes, cette vieille te saisit par la main et dit « donne-moi quelqu’un, ton père ou ta mère, ou tes
futures enfants ». Quelquefois, une maligne refuse en disant « Je te donne toi-même ». C’est alors la
vieille qui meurt. Sinon elle te ferme la bouche : tu ne peux rien raconter. Si tu acceptes, cette femme te
donne l’évu : alors c’est le « dzongô », c’est-à-dire la ruine (idée opposée à celle d’Evu qui veut dire
prospérer, car l’évu ne fait jamais prospérer réellement ni longtemps celui qui le porte.
Ces deux récits s’éclairent mutuellement : « l’Aka’aé » est un échange : une vie contre une autre : l’« évu
» ; et c’est parce que cet échange est virtuellement réalisé, mais inéluctable, que dans le deuxième cas,
la femme commence par demander une vie.

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