La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

La conception du monde et la philosophie du Beti allient étroitement le monde visible au monde
invisible, celui de la sorcellerie, des forces surnaturelles et des pratiques magiques. C’est fort de cette
vision du monde que le Beti éprouve toujours le besoin de s’attacher ou de se procurer le pouvoir et
l’influence des charmes, afin de se protéger, de contre attaquer les pouvoirs du mal, mais également
dans le but de s’assurer la richesse, l’habileté et la réussite de ses activités. C’est ce qui justifie le recours
permanent aux sorciers (ngengañ) maîtres et donateurs de charmes.
Seulement, ces charmes vont habituellement ensemble avec des interdits qui renforcent et pérennisent
le pouvoir du charme. Car un adage beti dit qu’un bon charme ne va jamais sans interdit fâcheux ». Nous
rappelons néanmoins que l’on rencontre aussi des interdits imposés par la société pour des raisons autres
que celles imposées par les charmes.


Dans cet autre article sur la vie des Beti anciens, leurs pratiques et culture, nous essayerons de présenter
des charmes et interdits observés par le Beti-Fang.


Selon les observations de Tolra, Tessmann ou encore Mallart, le mot biañ (charme), procédé magique,
renvoie à toute acquisition dans le but de conserver, d’augmenter ou de restaurer la force et l’efficacité
d’un homme ou d’un groupe d’hommes. Il s’agit le plus souvent de l’acquisition d’une force qui sert à
obtenir le bonheur et à détourner les ennuis. L’acquisition d’un charme puissant, donc capable de
grandes prouesses présente cependant bien de difficultés.
La possession d’un évù puissant, capable de grandes manœuvres ; car la manducation d’un biañ puissant
impose aussi des épreuves à subir pour tester la capacité du candidat, son habileté, mais également pour
mériter les pouvoirs que va procurer la force acquise. Tolra dit à propos que le biañ (charme) est « ce
qui réveille l’évù utile ». On doit cependant signaler que certains charmes servent leur possesseur à faire
du mal.


L’acquisition d’un charme puissant impose également un interdit au minimum qu’il faut jalousement
respecter et dont le bris entrainerait soit la mort, la folie ou tout simplement, la déchéance du fautif. Et
partout en pays beti, des exemples sont légion de ces personnes qui n’ont pas respecté tel interdit imposé
lors de la manducation d’un charme, et qui par le bris de cet interdit sont devenus des malades mentaux,
ou au pire sont mortes.
L’acquisition d’un charme, quel qu’il soit nécessite également des compensations auprès du donateur,
compensations dont la nature et le montant dépendent exclusivement du donateur. La nature va des biens
matériels à la vie humaine, en passant par les membres ou parties de son corps.
Pour la compensation en vie humaine, c’est l’interdit d’un charme qui en découle qui est le plus
rigoureux, et presque toujours il est transgressé et entraine la mort du fautif. Voilà l’une des raisons pour
lesquelles chaque lignage, charme famille beti interdit à ses enfants fils et filles de « manger du remède
sans avoir pris connaissance de l’interdit et du prix à payer ». Plusieurs familles beti ont de ces histoires
de mort survenue parce qu’un membre n’a pas pu procurer la vie humaine demandée lors d’une
manducation de charme.
Toujours à propos des compensations, nous précisons que ce sont elles qui assurent l’efficacité du
charme qui confèrent alors son pouvoir à son possesseur ; car un biañ reçu gratuitement perd son
efficacité.
Et la dernière précision à donner à propos de la manducation d’un biañ, est qu’elle se passe le plus
souvent hors du lignage. En effet, dans la philosophie beti, il n’est pas souvent indiqué qu’un père puisse
accorder un charme puissant à son enfant. C’est toujours un homme étranger au lignage qui le fait. Il en
va de même d’ailleurs pour la médecine traditionnelle. Nul ne peut se soigner soi-même, de même qu’il
est difficile voire rare qu’un père, une mère soigne son enfant malade. Le seul cas de donation d’un
charme à un enfant qui porte son sang est celui du charme de richesse : (biañ akum/biañ akùma). C’est
celui que le neveu va chercher auprès de ses oncles maternels et plus précisément de l’oncle qui a profité
de la dot de sa mère pour se donner une épouse.

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