La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Dimension Psychothérapeutique Du Bikutsi


Nous disions tantôt que lorsqu’on danse le Bikutsi on secoue le corps, on trépigne et on claque les mains.
Précisons et notons que, les plantes de pieds et les paumes de mains ont toutes les terminaisons nerveuses
que soient, et toutes les représentations des organes du corps humain s’y trouvent allégrement. En les
tapant au sol, en les tapant l’une contre l’autre, il s’occasionne un énorme massage au corps et qui sera
suivi d’une bienfaisante relaxation au repos à la maison. Le cri vocal « oyenga » occasionne lui aussi
des vibrations sur le corps de chacun (celles ou ceux qui crient et ceux qui ne le font pas) et ceci masse
aussi tous les points méridiens de l’organisme. Ainsi, le stress et l’angoisse sont expulsés chez tous.
C’est pour dire aussi que le Bikutsi chez les femmes innovantes était une thérapie de groupe. Ce cercle
de danse fut aussi un vrai cadre d’écoute, de conseil et même d’accompagnement. Toutes les
participantes y sortaient vidées et épanouies. Le trépignement et le claquement de mains sont aussi signe
de projection et soulagent vachement.
Le fait que le Bikutsi donne les mots pour pouvoir s’exprimer est aussi thérapeutique et ceci nous fait
penser aux personnalités en grande précarité de Marie-Thérèse Ensmault, musicothérapeute française,
dont les patients n’avaient au départ pas des mots pour exprimer leur angoisse, leurs troubles mais que
seule la musique a pu enclencher.


Dimension Socio-Culturelle Et Anthropologique Du Bikutsi


Le Bikutsi est bien un rythme socio-culturel. Social car la relation jadis dans le cercle de danse est
conflictuelle. Nous notons aussi qu’entre la chansonnière et le chœur existe une interaction. La chanson
exécutée est sous forme de « Réponse ».


La dimension culturelle consiste en le genre discursif que dénote le Bikutsi. En réalité, nous sommes ou
nous assistons à une querelle déguisée. Aussi, de nos jours, les générations contemporaines peuvent se
contenter du Bikutsi comme leg culturel et patriarcal. Le Bikutsi jadis non initiatique est devenu
aujourd’hui un « rythme » à enseigner dans les cabarets, dans les groupes d’affinité et chez des
particuliers. La pratique de la musique caractérise toutes les sociétés humaines


Nous rappelons-nous des origines du Jazz, inventé par les anciens esclaves noirs pour se libérer un peu
de l’esprit de souffrance et de pénitence. A en croire les origines du Bikutsi, on se demande si tous les
rythmes musicaux ne sont pas créés sur le même cliché comportemental à savoir la volonté de se libérer
de quelque chose, en un mot se « défouler »! Chez les Fang-Beti, chanter et danser est caractériel. La
musique est employée pour son identité culturelle. Un vrai Beti est celui qui se distingue par ses
capacités musicales. Les soirées au village au « coin du feu » étaient animées par des contes chantés. Et
ceci était une véritable initiation à la musique et à la philosophie, je veux dire à la critique.


Evolution Et Perspective


Le Bikutsi a évolué, nous sommes partis d’un rythme simplement émotionnel où le modèle n’était pas
différent de celui des femmes pleureuses professionnelles de l’Ouest, dans lequel la forte intuition du
chœur donnait de répondre aux initiatives de la chansonnière et l’on pouvait enfin obtenir une pièce plus
ou moins cohérente. Ceci est essentiellement heuristique. Ensuite ce modèle émotionnel et heuristique
est devenu traditionnel. Ici, on pouvait composer des pièces plus savamment et ceci pratiquement pour
toutes les couches sociales Fang-Beti. De nos jours, le Bikutsi est moderne et joué par toutes les tribus,
toutes les races. Il préside aujourd’hui aux destinées musicales de notre pays et dans le monde. Depuis
quelques années les distinctions les plus élevées sont ravies par les artistes musiciens du Bikutsi. Ces
derniers sont adulés par toutes les foules. Il est souhaitable que les artistes musiciens du Bikutsi se
mettent davantage au travail afin de se maintenir au sommet car « il est plus facile d’y arriver, mais s’y
maintenir est tout autre chose ».

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