J'irai manger des khorovadz

J'irai manger des khorovadz

voyais déjà sur mon vélo avançant au rythme du soleil puisant dans mes
ressources enfouies à l’affût de nouvelles sensations m’ébahissant
devant des paysages chatoyants ou mélancoliques. Je m’imaginais
humant des odeurs inhabituelles ou enivrantes découvrant les clés de
l’ailleurs aux portes de la terre promise dans un tête-à-tête fascinant et
revitalisant avec la nature. J’avais hâte de parcourir le monde avec
l’envie de vivre un voyage empreint de sens pour moi et pour les autres.
C’est alors que j’entendis vaguement au loin une voix m’interpeller.

• Chéri tu peux sortir la poubelle?
  Retour brutal dans le quotidien. Extirpé du rêve.
  En catastrophe je rangeai les précieux documents dans mon dossier
  secret intitulé « Voyage ». J’ajoutai fébrilement « Arménie » avant de le
  remettre dans le tiroir. Pour l’instant je n’avais pas de vélo approprié pas
  de tente pas de matelas pas de réchaud rien. Pas d’expérience non plus.
  Une page vierge était devant moi tout était à construire. Plus j’avançais
  dans mes réflexions plus j’entrevoyais combien ce pays de destination
  allait faciliter l’organisation. En effet j’avais des relations avec la
  communauté arménienne et mon gendre en faisait partie. Ce n’est pas ce
  qui au préalable avait influencé ma décision mais ces connexions
  allaient aider à la mise en place de cette première aventure au long cours.
  Il était temps que j’en fasse part à ma femme. Elle allait finir par
  soupçonner des cachotteries curieuse et futée comme elle est et
  s’imaginer que je la délaissais. Elle n’aurait pas raison mais pas
  complètement tort non plus : j’avais prévu une idylle – limitée à deux

mois – avec une autre petite reine^3 qui m’attendait.
Un dimanche de février 2012 nous étions tous les deux le long du
Rhône à vélo nous laissant transpercer par les rayons d’un soleil
presque printanier. Un événement rare car nous sortons très peu pédaler
ensemble. Toutes les conditions étaient réunies pour faire de cette balade
une réussite une parenthèse bienfaisante dans le maelström de nos
activités. Humant l’écume de l’eau qui glissait doucement à l’appel de la

(^3) Surnom donné à la bicyclette.