J'irai manger des khorovadz
Opération pénible lâinsolence du mal qui me déstabilise. Je parviens
malgré tout à avaler mais laborieusement trois cuillerées. Impossible de
faire mieux. Le panneau du cabinet médical réapparaît dans mon champ
de vision. Dans un moment de lucidité et de détermination je range
vigoureusement ma carte Vitale en songeant que ce ne sera pas cette
fois-ci que je la testerai à lâétranger. Non ils nâauront pas le privilège de
recevoir un Français. Quelques jours plus tard je sourirai bien en
repensant à cette anecdote quand je vais comprendre enfin la
signification de lâenseigne accrochée face à moi. Ce que jâavais pris pour
un cabinet médical était en fait un centre dentaire. Ils ne mâauraient pas
été dâun grand secours!
Est-ce le fait dâavoir passé ces coups de fil à mon médecin et à ma
femme ou lâeffet bénéfique de ce bref temps de repos toujours est-il que
je repars avec un niveau dâénergie bien plus élevé en attaquant la côte de
4 km qui mâattend. Mais cela je ne le sais pas encore. Mon Everest du
jour. Je mâarrête au sommet afin de récupérer et de sécher le matériel.
Me voici anéanti par lâeffort de lâascension. Après une longue pause
bienfaisante jâaborde tranquillement la descente sous le soleil en
doublant même un poids lourd. Au bas du col jâaperçois sur le bord de la
route un vendeur de miel. Il est présent sur son stand avec ses ruches
remplies dâabeilles dans la remorque derrière lui. Je mâarrête pour
acheter un pot de 500 g et consomme dans la foulée deux cuillerées.
Seulement deux. Câest tout ce qui peut naviguer dans mon Åsophage.
La journée continue et jâévolue à mon rythme avec beaucoup de
pauses. Je doute de tenir longtemps dans cet état. Je décide alors quâil
serait peut-être sage ce soir de loger dans une pensuine (hôtel-pension).
Je traverse la grande ville carrefour une zone touristique agitée puis je
mâengage sur une route plus petite en espérant trouver un établissement
au calme en vue de me reposer. Je mâarrête pour mâenquérir dâun lieu
louant des chambres : « Oui à 2 km ». La distance largement
dépassée aucun bâtiment ne se profile à lâhorizon! Je commence à mâen
vouloir de ne pas avoir fait étape dans la ville. Et je râle intérieurement
après ces personnes bien intentionnées qui donnent involontairement de
fausses attentes à un cycliste fourbu. Je nâai quâun souhait mâarrêter.