J'irai manger des khorovadz

Le pays invisible

commence à fracasser les œufs les uns après les autres. Il veut cuire les
six! Je le remercie de sa générosité mais je lui fais comprendre que la
quantité est trop abondante d’autant plus pour un estomac en
convalescence. Il a du mal à l’admettre. Finalement je réussis à enrayer
son charitable élan et il s’arrête au bout de trois. Mais pas question
d’esquiver la suite de ce qui atterrit sur la table : salade pain fruits
légumes pastèque yaourt et tisane de tilleul... Un festin après le petit
déjeuner pris une heure auparavant! Pariogu vit là dans son petit paradis
entouré de son chien pékinois tout de poils roux vêtu et de son chat. Ses
seuls compagnons.
Au moment de partir il me propose un énorme bocal en verre rempli
d’appétissantes cerises. Je lui explique courtoisement et à regret la
difficulté à transporter sur le vélo cet objet encombrant. Je devine qu’il a
l’air de comprendre mon refus puis il m’accompagne jusqu’à la route.
Je roule en passant devant un arrêt de bus et j’entends des personnes
qui m’interpellent. Pariogu décide alors de revenir sur ses pas et me
rejoint. Il les connaît et leur raconte l’histoire de notre rencontre fier de
leur montrer le vélo. L’une des filles s’exprime en français : je la vois
ravie de pouvoir pratiquer la langue qu’elle étudie!

J’atteins Chisinau capitale de la Moldavie grande métropole de près
de 800 000 habitants qui s’étale sur sept collines. Avec un passé
mouvementé à l’instar du pays dévastée de nombreuses reprises soit par
la convoitise des nations voisines soit par des catastrophes naturelles
elle a su se relever et conserver son aspect rural. L’ami moldave qui
m’attend vit habituellement en France et il m’invite au restaurant pour le
repas. Au menu pizza. La gastronomie du pays ce sera pour une autre
fois! Dommage. Il m’amène ensuite dans la famille chez qui je vais
loger ce soir. Je roule sur mon vélo derrière sa voiture. Nous longeons
l’un des quatre parcs de cette ville parmi les plus vertes d’Europe
notamment grâce à ses vingt-trois lacs. À l’extrémité d’une grande
avenue encadrée d’arbres nous abordons un énorme rond-point. La
circulation n’est pas dense ce dimanche. Je surveille dans mon
rétroviseur les véhicules qui me suivent. À un certain moment je ralentis