J'irai manger des khorovadz
puis je mâarrête pour laisser la priorité. Une voiture me dépasse. Jâai le
pressentiment quâun événement incontrôlable va survenir avec
lâautomobile qui me suit. Intuition justifiée. Elle me frôle puis touche
mon vélo avec son pare-chocs et stoppe brusquement. Je ne chute pas. Je
vérifie quand même lâétat de ma sacoche et de la béquille câest là que
sâest produit lâimpact. Tout semble normal mis à part quelques rayures.
Il nâen va pas de même pour le véhicule qui mâa percuté. Comme il a
freiné soudainement la voiture qui le suivait lâa embouti. Le conducteur
se dirige vers moi en mâaccusant dâêtre responsable de lâaccrochage. Je
suis là planté au milieu de cet immense carrefour entouré de Moldaves
parlant moldave et commençant à élever le ton. Je ne comprends rien Ã
leurs invectives je ne suis pas très à lâaise. Je parviens enfin à joindre
par téléphone lâami dont je suivais la voiture. Il ne sâest aperçu de rien et
revient rapidement sur place ; cinq minutes plus tard son intervention
apaisante en langue autochtone réussit à calmer la tension des
protagonistes.
Dans tous les pays la tolérance envers le cycliste est un vrai problème.
Même sâil est la plupart du temps respecté une minorité dâirréductibles
se prennent pour les seigneurs du bitume et oublient quâeux sont
protégés contrairement aux pédaleurs vulnérables et désarmés! Nous
sommes fragiles et câest précisément cette fragilité qui nous rend
accessibles et ouverts aux autres.
Les habitants de ce territoire ne sont pas habitués à voir des vélos. Il
nây en a pas ou si peu. Lâune des raisons serait quâils symbolisent la
pauvreté le dénuement donc la honte de ne pas avoir de moyens. Quand
on a de lâargent il faut lâexhiber par exemple avec un de ces 4x4
rutilants nombreux dans les rues de cette capitale aux côtés dâautres
voitures de luxe. Une réalité troublante que je constaterai souvent dans
les contrées au faible pouvoir économique. Quel paradoxe quand on
découvre que le salaire mensuel moyen brut moldave est dâenviron
170 euros !... Le plus bas dâEurope!
Vitalie Sabrian et leurs deux enfants mâaccueillent avec jovialité. Ils
me conduisent dans une chambre où je ne suis pas seul : une trentaine de