J'irai manger des khorovadz
15 heures) pour avaler la généreuse portion de riz pilaf que la femme de
Sacha a gentiment glissée dans ma sacoche. Prévenante attention. Après
lâattroupement dâusage une commerçante sâapproche de moi et mâoffre
spontanément avec un grand sourire courtois et chaleureux un énorme
sac de fruits. Alors que je mâassieds sur une marche un Africain
sâapproche. « Vous venez de France? » me demande-t-il. Entendre
parler français ici câest exceptionnel. Après un bref échange il mâoffre
une boisson et mâentraîne vers ses camarades. Achille est étudiant depuis
six ans à Moscou. Il renfloue le compte de ses études pendant les
vacances en profitant des touristes de passage en mal dâexotisme. Il se
revêt dâun pagne en tenue de chef primitif de tribu africaine et se fait
prendre en photo siégeant sur un trône de pacotille aux côtés de ces
vacanciers. Quel cliché! Il me confie que son père est pasteur à Douala
au Cameroun et que son camarade vient de Toulouse. Achille mâemmène
vers un de ses amis qui me fait enfiler un costume traditionnel du fin
fond de la Sibérie : une immense tunique en peau de bête une
formidable toque en fourrure et pour finir il me cale un énorme couteau
de chasse entre les dents. Jâai le look du parfait trappeur dans toute sa
brutalité. Bon pour la photo mais puisque je ne suis pas un touriste
comme les autres il ne me fera rien payer.
Après cette pause direction Arkhipo Osipovka. Je suis attendu pour y
passer la nuit.
En chemin je remarque régulièrement un panneau apposé contre des
voitures stationnées sur le bas-côté : Komhatbl. En général il y a
toujours quelquâun dans le véhicule ou à proximité qui fait signe de
sâapprocher. Jâai mis un moment à comprendre que ces personnes
proposaient une chambre à louer venant faire leur publicité sur le bord
de la route dans lâespoir dâattirer davantage de clients.
Une fois arrivé chez mes hôtes me voici à nouveau embarqué dans
une veillée inédite. Là aussi on va solliciter ma contribution : ce soir je
jouerai du piano. Nous partageons le thé accompagné dâun monstrueux
gâteau prodigieusement coloré et bourré de crème.
Aujourdâhui je nâai pas lâimpression dâavoir roulé. Peut-être parce
que le rythme était moins intense que ces derniers jours.