Vodka on the beacha un qui lève lâancre dans deux jours. Je serai hébergé chez des amis
arméniens jusquâà mon départ.
Je passe la journée en compagnie dâAvetis et dâAslan. Ce dernier vient
dâOssétie du Nord un pays membre de la Fédération de Russie. Tous
deux mâemmènent déjeuner chez la mère dâAslan médecin de
profession. Elle vit dans un petit appartement sur les hauteurs de la ville
avec son fils et son chat blanc. Jâai rarement vu un minet dâune couleur
aussi uniforme et parfaite. Après le repas ils me racontent leur histoire et
une partie de leur vie. Jâécoute le récit incroyable qui concerne la sÅur
dâAslan âgée de 23 ans. Elle était étudiante en médecine à Sochi. Lors
dâun voyage en Ossétie elle a été kidnappée selon la tradition de lâala
chuu (lâenlèvement dâépouse littéralement « prends et cours »). Câest un
officier de police qui a enlevé la jeune fille. Par peur de représailles
éventuelles personne ne sây est opposé. Lâhistoire quâils me racontent
est convaincante et ne manque pas de détails je crois toutefois percevoir
une certaine gêne de leur part. Derrière leurs mots jâentends une sorte de
fatalité teintée de résignation. Aujourdâhui encore je me demande sâils
ont vraiment subi cet événement ou sâils se sont contentés de lâobserver
avec une certaine complaisance. Malgré mes questions leurs réponses
vont rester évasives et incertaines. La jeune fille nâest jamais revenue.
Elle connaissait son ravisseur ce qui nâest pas toujours le cas.
Cette coutume est maintenant interdite dans nombre de pays mais les
autorités ferment souvent les yeux sur ce rite ancestral pratiqué dans plus
de 30 % des unions comme au Kirghizistan par exemple. Bon nombre
de chercheurs entre autres Djamila Birlikouna soulignent que cette
pratique perdure sans fondement historique : « Lâenlèvement non
consenti de la future épouse est une pseudo-tradition^73. » Théoriquement
la future épouse a le choix. En cas de refus de sa part on la ramène chez
elle au bout de trois ou quatre jours de réflexion tout au plus. Bien que
faisant partie de la tradition cette possibilité est rarement respectée car
une fois la nuit passée on considère que la future épouse est consentante
(^73) Eleonora Vio - Magazine Sept - Nawart Press.