J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
Police!

vaches sacrées. Un peu plus loin ce seront des cochons. Les animaux
sont libres. Bientôt des antilopes?
À distance régulière je remarque le long de la chaussée des petites
échoppes de fortune qui proposent des denrées alimentaires de
producteurs locaux. On y trouve également des cailles ou des pintades
avec ou sans les plumes que les grand-mères géorgiennes accrochent au
bout d’un bâton par dizaines et agitent au bord de la route dans le but de
bien aguicher les automobilistes. Il y a aussi ces espèces de gousses de
pois géantes en grand nombre marron foncé ou clair suspendues à une
poutre. Je me demande quelle en est la composition. Je découvrirai en
fait que ce sont des noix (ou noisettes) trempées dans un jus de raisin
épaissi : la tchourtchkhela ou sоudjukh en arménien. Cette friandise très
appréciée sèche ensuite une petite semaine avant d’être prête à la
dégustation. Une bonne source de calories pour les sportifs. Diabète en
vue pour les autres. On peut se consoler en se disant que tout est naturel
et fabriqué artisanalement.
Je cherche sans succès un endroit où je pourrais me restaurer. Je me
ravitaille alors dans une épicerie : pain saucisse tomates gâteaux. Je
crois que j’ai constitué des réserves importantes il m’en restera pour
plusieurs repas. C’était sans présumer de ma prochaine rencontre.
Quelques kilomètres plus loin je suis interpellé par un indigent en
haillons debout à côté de son vélo en décomposition. Son jean est
déchiqueté et on voit le bout de ses orteils à travers ses chaussures. Il
porte les stigmates d’une vie chaotique. Il me tend la main dans l’espoir
d’une petite pièce. J’ai comme principe de ne jamais remettre d’argent
directement dans la rue car on ne sait pas comment il va être utilisé. Je
lui propose plutôt le surplus de mon repas : il est ravi. Je comprends
pourquoi j’ai été inspiré d’acheter de telles quantités! J’échange mon
pain contre le bonheur de donner. Je revois encore son visage sous sa
casquette bleu indigo s’illuminer d’un sourire de contentement sans fard
quand il prend possession du sac de victuailles et pose pour la photo.
Après les 104 km du jour et avant d’arriver à Koutaïssi c’est le
moment de trouver un lieu où planter ma tente. L’espace ce n’est pas ce

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