Police!
Pour ma part jâétais immensément soulagé dâavoir échappé au pire.
Personne ne voulait imaginer où ce projectile avait pu terminer sa course
folle ni ce qui se serait passé si le chapelet de balles sâétait enclenché...
Sur le champ de tir ce jour-là jâétais face à cette silhouette en carton
de forme humaine à lâautre extrémité et je la regardais avec un sentiment
de répulsion. Une vision terrible pour moi. Comment vais-je pouvoir
tirer sur un « homme »? Je nâavais pas le choix. Alors jâai déclenché
mon fusil sans regarder où je visais. Heureusement je suis resté plus ou
moins en face.
Quand est venu le temps du « débriefing » devant le reste de la troupe
le lieutenant sâest adressé à moi sur un ton de réprobation et je savais
pertinemment ce quâil allait me reprocher.
- Soldat Brunet vous lâavez fait exprès ou quoi? Vous avez raté votre
cible. Appliquez-vous dans cet exercice. Vous pouvez mieux faire.
Je suis demeuré silencieux face à ses remontrances. Il mâa relancé. - Quand vous serez sur le terrain en face de lâennemi ce sera vous ou
lui.
Je lui ai répondu du tac au tac : - Ce sera moi.
Il nâa pas apprécié ma réponse et ne sây attendait probablement pas. Il
a commencé à sâénerver. - Soldat Brunet je vous conseille de vous appliquer ou ça va barder.
On va refaire une séance. Si jamais vous êtes dans une attitude
semblable vous allez vous retrouver au trou.
En reprenant lâentraînement jâai agi de manière identique. Je nâavais
aucune envie de consentir un effort supplémentaire afin de bien viser la
cible. Jâétais horrifié et rebuté à la simple vue de cette cible humaine
même en carton.
Nous sommes rentrés à la caserne. Je ne suis pas allé en prison. Mon
côté « doux rebelle » sâest manifesté tout au long de ces mois de service
militaire jusque dans un entretien final pour lequel je mâétais porté
volontaire. Le général et le commandant présents en face de moi doivent
encore sâen souvenir.