J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
Police!

pas si les conditions d’hygiène sont vraiment réunies ce n’est pas
important. On vient ici pour les bains et les massages et aussi pour
l’ambiance et la convivialité. La vie a dû s’arrêter il y a quelques
centaines d’années. Ce lieu historique accueille le public depuis le XVIIe
siècle – mais des bains originaux y étaient présents depuis le VIIe siècle.
L’eau est chaude naturellement sulfureuse alimentée par des sources à
proximité ce qui d’après la légende a donné son nom à la ville : Tbilissi
signifie « endroit chaud ». Ceux qui les fréquentent doivent venir
chercher ici les souvenirs de la vie d’avant la mémoire de Tbilissi avant
qu’elle ne se dilue et s’efface dans tous les aménagements modernes.
J’observe la vie en cet endroit hors du temps plongé dans une
ambiance qui fait oublier le monde extérieur s’il existe encore. On dirait
un vase clos sans moyen d’y échapper. Je suis ramené à la réalité par un
de ces colosses à la mine non réjouie carrure d’athlète d’allure pas
sympathique. Sérieux et déterminé il me demande ou plutôt me montre
et m’ordonne sans me laisser le choix de me coucher sur une de ces
tables de pierre. Soulevant un seau rempli d’un liquide mousseux
blanchâtre il le vide d’un coup sur mon corps. Il saisit ensuite une
espèce de gant râpeux qu’il va consciencieusement passer sans
ménagement de haut en bas sur mon corps en prenant bien soin de frotter
en appuyant. Et de nouveau un seau d’eau. Puis retournement et même
opération de l’autre côté. C’est fini suivant!
J’ai besoin de me remettre de mes émotions. Je vais replonger dans un
de ces bains chauds et transparents en laissant ramollir ma peau agressée
par ce masseur-râpeur prévenant. Les vieux Tbilissiens apprécient
sûrement ce service qui doit rajeunir leur épiderme un peu usé par le
temps. Au-delà du bain en tant que tel on vient chercher le contact et les
échanges dans un environnement à l’écart de toute distraction. Une
tradition sociale et culturelle unique. Je pourrais presque m’exclamer
comme Alexandre Dumas après son passage par ces bains : « Le
sentiment merveilleux de liberté et du bien-être m’a envahi. Toute ma
fatigue s’est envolée et je me suis senti assez fort pour monter la
montagne. » Et le poète géorgien Joseph Grishashvili traducteur fidèle
de nombreuses œuvres arméniennes a écrit : « Ne pas visiter les bains

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