Police!
Câest ma dernière nuit en Géorgie. Jâai du mal à imaginer que quelques
kilomètres seulement me séparent de ma destination finale après tout ce
long parcours sur deux-roues.
Câest étonnant comment lâenvironnement peut changer en si peu de
distance! Peut-être la proximité de la montagne contribue-t-elle à cette
recrudescence de verdure et dâhumidité avec des plantations différentes.
La situation des familles paraît plus précaire. Beaucoup de charrettes
tirées par des ânes ou des bÅufs. Et nous ne sommes quâà une trentaine
de kilomètres de la capitale. Que de contrastes!
Les habitants sont surpris par lâaspect inhabituel de mon vélo. Bien
souvent ils nâen ont jamais vu de semblable et sont stupéfaits. Quant Ã
moi je suis surpris de voir tous ces chariots tractés par des animaux.
Chacun sa culture chacun ses références. Se déplacer dans une charrette
câest leur vie normale leur vie quotidienne. Pour nous câest une
attraction touristique ou un loisir qui se monnaie. Leur étonnement
répond au mien chacun réagit suivant son contexte et son histoire. Nos
différences sont un enrichissement quand on sait les accepter et les
comprendre à leur juste valeur. Nos questions peuvent les surprendre et
lâinverse est également vrai.
Sur le bord de la route je distingue un homme endormi à lâombre sous
un arbre assis sur un pliant en toile et adossé au mur de sa maison. Les
mains croisées il tient fermement sa canne sur ses cuisses casquette sur
le genou. Son pantalon remonté laisse apparaître au-dessus de ses pieds
un caleçon bleu ou un pyjama recouvert sur le bas par des chaussettes
noires. Sa chemise tachée et dâun blanc passé confirmant lâusure des
années est négligemment ouverte sur son torse bien touffu. Sous les
déchirures et les boutons manquants son sous-vêtement bleu se dévoile.
Devant lui est disposé un magnifique plateau en fer blanc couvert dâune
pyramide opulente de tomates rondes bien rouges quâil est censé
surveiller je présume. Elles sont charnues pas bien jolies mais
certainement très goûteuses. Je prends quelques photos en attendant quâil
se réveille. Il ne bouge pas malgré le bruit que je provoque il est dans le
monde de ses rêves. Il a dû se lever trop tôt le pauvre homme aux 70 ans