J'irai manger des khorovadz

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J'irai manger des khorovadz

ciselée la silhouette d’un cavalier se détache telle une ombre chinoise
dans la lumière du jour neuf. Il marque une pause en ma direction avant
de s’évanouir derrière la colline.
Ma véritable odyssée débute enfin en Arménie. J’entame ce jour pas
comme les autres le cœur en ébullition la tête pleine de questions et
d’expectatives. J’ai l’impression que les relations que je vais nouer ici
seront différentes de celles expérimentées dans les pays précédents.
D’une part en raison du projet humanitaire que je porte et par ailleurs à
cause des liens familiaux qui m’unissent à ce peuple.
La route est déserte je suis le maître du bitume aujourd’hui. Je suis
obligé de m’arrêter en vue d’une nouvelle séance de séchage espérant
que le soleil saura se montrer bienveillant envers moi humble voyageur
à la merci de la volonté du ciel. Heureusement la qualité de la toile
permet l’opération en un temps assez court quand l’atmosphère est
chaude.
J’arrive à Tachir première bourgade d’importance sur mon parcours.
À l’entrée de la ville un attroupement attire mon attention sur le trottoir
de gauche. J’abandonne mon vélo sur sa béquille devant une boutique et
je m’approche. Avec stupéfaction je découvre cinq hommes penchés sur
un cadavre les mains encore pleines de sang. Ils admirent leur forfait
l’un d’eux tenant le couteau de la mort entre ses doigts. Un autre a
plongé ses mains dans la cage thoracique. Le troisième s’occupe de bien
nettoyer un os tandis que le dernier soulève l’estomac. Et le mien en
même temps. Son ami au téléphone désigne de son index la tête
décapitée encore sanguinolente. Peut-être veut-il se dénoncer? Le regard
des passants ne les contrarie pas la scène a l’air banale. La Chicago du
Caucase?
Ils sont en train de découper le bœuf qu’ils viennent de tuer. Sur le
bord de la route ils procèdent au dépeçage artisanal sans complexes ni
règles au moins les odeurs ne sont pas dérangeantes. Les abats sont
déposés dans une brouette dont la rouille n’effraie plus personne.
Boucherie à l’air libre. Cette scène m’interpelle tout de suite sur leurs
conditions de vie bien éloignées de mon quotidien.

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