J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
De l’élégance du pardon

Ma priorité est d’acquérir une carte téléphonique afin que l’on
m’attribue un numéro local. Quand je ressors de la boutique de
téléphonie l’attroupement qui s’est formé autour du vélo grossit
rapidement. Une bonne quinzaine de villageois m’entourent maintenant.
Les questions habituelles fusent de toutes parts en anglais et en
arménien :



  • Quel âge as-tu?

  • Ta femme t’a laissé partir?

  • Tu fais la sieste sur ce vélo?

  • Pourquoi ce vélo tu es handicapé?

  • D’où viens-tu où vas-tu?

  • Tout seul? Vraiment seul?

  • Tu n’as pas peur le soir?

  • Combien vaut cet engin?
    Question délicate à laquelle j’ai été régulièrement confronté.
    Comment y répondre avec honnêteté sans paraître indécent sachant que
    mon vélo représente environ dix mois du salaire moyen ici? Je tente
    d’esquiver la question afin de ne pas raconter de bobards tout en
    essayant d’éviter de frustrer les curieux. Par exemple en répondant avec
    force détails que tout dépend de l’équipement que l’on choisit ou en
    noyant l’explication dans le marché de l’occasion.


J’ai un sésame qui va se révéler utile ici. Il me suffit de sortir la photo
de ma famille et les exclamations jaillissent je suis presque un des
leurs! Je prends en photo le groupe et j’observe que seuls des hommes
sont présents. Aucune femme ne s’est approchée. Elles ne sont pas
intéressées? Ont-elles été écartées?
Je sors de la ville et après un temps de pédalage perplexe j’ai comme
un pressentiment : j’ai dû me tromper de direction! Je veux me rendre à
Gumry où m’attend un contact appelé la veille. Un doute me traverse.
Après vérification des traces de roues et des signaux de fumée je
comprends que je me suis malencontreusement engagé sur la route de
Stepanavan. Ce n’est pas le bon cap. Comme un novice j’ai raté la
bifurcation en ville. Effectuer un demi-tour me prendrait pas mal de

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