De lâélégance du pardon
- Brunet Marc Jean-Luc Yves Lydie et Marlyse vous êtes attendus.
Le vol à destination de Marseille-Marignane va partir. Lâembarquement a
commencé.
Le message de la liberté bientôt retrouvée! Prendre lâavion câétait une
grande première! Un baptême de lâair. On aurait aimé le vivre dans
dâautres circonstances et dans des conditions différentes mais nous
nâavions pas le choix. Je ne comprenais rien à tout ce qui arrivait je
mâen remettais à mes parents eux devaient tout savoir en tant quâadultes.
Pourquoi les gens étaient-ils tués pourquoi tous ces soldats pourquoi
avions-nous été contraints dâabandonner la maison? Pourquoi les
Algériens ne voulaient-ils plus des Pieds-Noirs? On était pourtant
copains à lâécole!
Pourquoi? Tout se bousculait dans ma petite tête dâenfant.
Et pourquoi nâavons-nous pas su écrire une Histoire commune? Que
nous soyons Européens ou Algériens nous étions devenus les otages
dâune guerre qui nous dépassait une guerre qui pour la plupart ne nous
concernait pas.
Cette année 2012 marque le cinquantenaire de ces événements et
ravive tous les douloureux souvenirs. Les regrets les espoirs les
attentes les controverses nâont pas tous été évacués de nos vies
chamboulées. Des questions restent en suspens avec lâenvie de
déchiffrer lâincompréhensible.
Nous sommes sortis de ce hangar avec le peu dâeffets personnels que
nous avions pu conserver dans lâurgence du départ. Seulement deux
valises par individu : personne nâavait le droit dâen emporter davantage.
Pas après pas sur ce tarmac de La Sénia lâaéroport flambant neuf
dâOran nous nous précipitions vers notre destin vers une nouvelle vie
que nous nâavions pas choisie. Dâautres avaient décidé pour nous. La
chaleur était pesante sous ce climat nord-africain. Nous étions habitués Ã
ces saisons estivales chaudes et bienfaisantes mais trois jours sous un
hangar de tôle en plein été nous avaient épuisés. Il fallait avancer. Pas de
retour en arrière possible. Lentement marche après marche nous avons
gravi dans la fatalité la passerelle qui nous séparait de la Caravelle
lâappareil emblématique des années 60. La découverte de lâavion effaçait