J'irai manger des khorovadz

J'irai manger des khorovadz

un peu la difficulté et l’angoisse de la situation. Un dernier regard sur la
ville au loin où nous abandonnions tant de souvenirs et une tranche de
vie irremplaçable. L’odeur du kérosène qui flottait dans l’air nous
confirmait que le départ était imminent. Pas de temps à perdre car par
milliers des personnes attendaient et si nous ne prenions pas nos places
elles seraient enchantées de pouvoir les occuper.
Une fois dans la cabine nous nous sommes assis en silence. Alors j’ai
lancé une question innocente et naïve comme seul un enfant peut la
poser :

• Et papa il ne vient pas?
  Silence embarrassé dans cet avion où chacun se refermait sur son
  drame personnel ne voulant pas rajouter de la douleur au malheur. Ma
  mère a pris ma main m’a regardé nous a regardés tous les trois et a
  simplement répondu :


• Il faut prier.
  J’entends encore sa réponse j’ai encore en mémoire son visage. Il y a
  dans la vie d’un enfant de 7 ans des moments qui marquent : des larmes
  ont commencé à glisser doucement sur ses joues. Ses yeux se sont
  tournés vers le hublot essayant d’arracher un dernier souvenir une
  dernière image avec le souhait d’oublier l’instant présent et ma question
  dérangeante. Ses larmes étincelaient comme des diamants illuminées par
  les rayons du soleil qui traversaient le hublot. C’était mon trésor. Le seul
  qui restait après cet exil. L’amour de mes parents pour nous pour les
  autres.
  Dans mes yeux aussi les larmes ont commencé à poindre. Nous avons
  décollé ne sachant pas de quoi serait composée notre nouvelle vie. Mon
  père était resté pour tenter de sauver quelques affaires et procéder au
  déménagement de ce qui était transportable. Rien n’était moins sûr dans
  ce contexte où tout était bouleversé. Plus de repères juste nos souvenirs
  sur lesquels nous pouvions nous appuyer. Nous espérions seulement être
  réunis en famille le plus tôt possible.
  Quelques jours plus tard le jeudi 5 juillet mon père est allé rendre
  visite à ses parents de l’autre côté de la ville pour partager le déjeuner
  avec eux. Au moment de rentrer à la maison interpellé par une intuition