J'irai manger des khorovadz
déterminée loin de lâapocalypse prédite par certains. Lâaudace du rêve
en pleine conscience. Le vélo mâa décomplexé : en me libérant de la
crainte de lâautre il a chassé tous les préjugés que jâaurais pu entretenir
et il a aboli la distance que je mettais parfois dans mes rencontres.
Il faut que je continue. Pas le temps de prolonger cette délicieuse
parenthèse de grâce. Heureusement comme je connais la suite du
parcours je nâai pas la nécessité de consulter la carte que je nâai pas de
toute façon! Il reste encore 100 km de plat avant de rejoindre Valence et
en vérifiant lâheure bien avancée je constate que je suis en retard. Pas le
choix je dois foncer. Le Rhône défile jâenfile les ponts les passerelles
les chemins bordés dâarbres téméraires les champs anonymes les
carrefours coquets et les rives séduisantes. Je délaisse le vacarme des six
voies dâéchappement pour le clapotis du bord du fleuve. Jâimaginais
rouler sereinement loin de toute pression pour me permettre de faire le
point sur le vécu de ces semaines passées et pour me préparer à la
conférence de presse qui mâattend. Câest raté. Jâai une allure à maintenir
un engagement à honorer sinon les Valentinois vont mâen vouloir. Je
cale ma moyenne horaire entre 20 et 25 km. Une course contre la
montre. Pas trop le temps de laisser vagabonder mes pensées. Rester
attentif aux nids de poules et à la circulation. En chemin je croise un
autre cyclovoyageur qui est en période de test et part dans quinze jours
en Turquie afin de rejoindre lâIran et lâInde avec un vélo bas de gamme
dâoccasion et des bagages réduits au minimum : deux sacoches plus une
tente! Pas de popote : la pause restaurant est prévue tous les jours. Nous
échangeons nos connaissances il me pose de nombreuses questions sur
le voyage à vélo. Les rôles sont à présent inversés : il y a peu de temps
moi aussi je posais les questions maintenant je suis en mesure de
communiquer des réponses après lâexpérience de ce périple qui mâa tant
appris et nourri. Nous roulons de front pendant une dizaine de kilomètres
avant de nous perdre de vue. Lui vers son départ moi vers mon arrivée.
Je suis rejoint à Tain-lâHermitage par Roger qui mâavait également
accompagné au départ. Jâai failli rater le rendez-vous car jâai abandonné
inopinément lâitinéraire officiel de la ViaRhôna durant la traversée de la