J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
La vie d'avant

ville. Ce sera une allure non-stop jusqu’à l’entrée de Valence. Voilà enfin
le panneau qui se profile au bout de la rue. Avant de me rendre sur la
place où je suis attendu je me détourne pour un pèlerinage fugace au
square Charles-Aznavour lieu du départ le 21 juillet. Arrêt pour
l’histoire. Il s’agit de boucler la boucle vertueuse.
S o u s l a h a l l e S a i n t - J e a n j e m ’ e n g o u ff r e p o r t é p a r l e s
applaudissements des amis de la famille du maire et des officiels. Une
sensation curieuse m’envahit : me voilà de retour et pourtant je n’ai pas
l’impression d’être parti si longtemps! Après les discours les photos et
les questions suit encore le moment des interviews. Je suis comblé de
retrouver tous ces visages connus et de revoir ma famille après ces
longues semaines de séparation. La petite Emma qui a fêté ses deux ans
de vie pendant mon absence manifeste un doute sur son papy. Est-ce
toujours le même? C’est quoi tous ces poils sur sa figure? Elle n’osera
pas m’approcher de la soirée... ni pendant les jours suivants.
À l’invitation de Pascal – ancien collègue et organisateur du
programme du retour arménien lui aussi – nous nous arrêtons avec ma
femme afin de partager un verre. Échanges à rayons rompus durant ce
premier débriefing. Ma tête est encore ailleurs. Je suis étourdi par un
rythme que j’avais oublié. Il fait nuit dehors. Il fait jour en dedans.
Je remonte sur mon vélo afin d’entamer l’ultime portion de l’étape du
jour. Seul. Retour au bercail. Je tiens à terminer ces 13 derniers
kilomètres dans les conditions du jour du départ. Avec tout mon
équipement et sur ma monture de l’endroit précis d’où je suis parti pour
mettre un point final à cette épopée. Je m’enfonce dans la ville en
traversant le quartier arménien mon itinéraire de toute manière. J’ai
envie de crier à tous les passants que je croise : « Je reviens d’Arménie –
le pays des khorovadz! » Ils ne peuvent pas imaginer ce que j’ai vécu.
Ils ne comprendraient pas mon enchantement.
Chemin roulant une fatigue sournoise germe avec effronterie sans
compassion ni respect pour mon état. Brusquement exténué je sens
poindre la défaillance. Mes limites sont-elles atteintes? La tension de la
journée le tempo de l’étape l’émotion des rencontres l’intensité du
retour ont vidé toute mon énergie. Mon fluide vital s’étiole et se dilue

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