J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
La vie d'avant

recherche improbable de ma tente et de mon vélo dans l’herbe – la
moquette. J’essaie d’éviter les arbres – la commode et le placard – pour
retrouver la route – derrière la porte sur la mezzanine. Je ne sais plus si je
suis arrivé ou encore en chemin. La nuit le jour les buissons les
champs les bruits de la forêt – celle d’Arménie ou celle du voisin? –
tout se confond fusionne et se mélange dans ma vision troublée. Illusion
de l’imaginaire ou désenchantement de la réalité. Il faudra que je me
raisonne pour retrouver le sentier de la chambre et de mon lit.
Le lendemain matin dès 8 heures mes dossiers m’attendent entre les
quatre murs de mes douze mètres carrés quittés soixante-quatorze jours
auparavant! Un choc... Mes collègues ont soigneusement préparé mon
retour. Des ballons multicolores de bienvenue virevoltent un peu partout
et je découvre même sur mon siège une bombe de mousse à raser à côté
de l’instrument pour l’utiliser qui ne m’a pas manqué durant mon
absence! Mon look du jour ne leur plaît pas?
Rien n’a bougé en revanche tout a changé pour moi. Mon être
intérieur a été remodelé ma vision du monde renouvelée. Je regarde par
la fenêtre : j’ai le privilège d’avoir une vue sur une petite prairie et le
parc du voisin. Je m’évade à nouveau. C’est comme un tropisme à
repartir comme si les arbres qui agitent leurs feuilles et leurs branches
les tendaient vers moi pour m’inviter à les rejoindre à m’échapper à
travers la vitre. Je m’imagine planter ma tente au pied de ces arbres. Je
suis comme happé par ces souvenirs prodigieux qui m’envoûtent et me
ramènent sur les steppes de Géorgie au fond des forêts de Slovaquie ou
dans les prairies de Roumanie. Cette vision est une invitation à ressortir
de ces quatre murs et à revivre un rêve. Pourtant ce n’est plus le moment.
Non c’est fini.
Aujourd’hui le bivouac n’est pas nécessaire ma vraie maison est juste
à côté. Il s’agit d’une autre vie maintenant! Il me faudra quelques jours
pour reprendre une existence « normale » ou plutôt normalisée selon les
critères de notre société. Car où est la vie « normale »? Ici ou en
chemin?
Ce jour-là j’ai compris que l’aventure allait désormais faire partie de
ma vie.

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