Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1
“Cette photo vient des albumsde famille de ma mère. Elle est
là, avec le maillot debain bustieràpetits carreaux [enbas, àgauche], au
milieu de ses amies, sur une plage de Pinamar,enArgentine. Celam’évoque
le documentaireLa Traversée du désirdans lequel on demandaitàArielle
Dombasle :«Quel aété votrepremier désir?»Moi, j’auraisrépondu :«Être
belle...»Et je tiens ça de ma mère.Le plus frappant, etformateur,aété pour
moi l’importancequ’elle donnaitàl’apparence. J’aurais pu prendrele
cont re-pied detout cela, car la sociétéargentine dans laquelle elleévoluait
quand j’étaispetiten’était pastrèsmoderneparrapportaux femmes.Mais
il m’en restevraimentquelquechose. J’ai vu trèstôtque paraîtreàson
avantage, defaço nparfois obsédante,confèreunpouvoir immense.Tout
mon travail, unefois adulte,aété de fairedecettecertitude quelquechose
de moderne, d’essayerd’êtrepertinente dans l’équation quotidienne qui
consisteàêtreàlafois belle et libre.
Évidemment, ma mèreétait d’une grandebeautéetavait une garde-robe
géniale dans unechambreconsacréeàcela!Jepassais des heures dansce
cabinet de magie qui métamorphosait lesfemmes.Avec mes deux sœurs
aînées,nousétion sdinguesd’admiration pour notremère, qui étaittou-
joursàlapointe de la nouveauté.Dans les années 1970, elle se musclait,
avec les électrodes Slendertone sur lecorps, pendantqu’onregardait un
film!Elle avait aussi un style trèsavant-gardiste,fantaisiste,chic maispas
classique.Car ellefabriquait elle-mêmepasmal de chosescommeses cein-
turesouses chapeaux avec voilette. Elle adorait sefaireremarquer.Lepire
pour elle aurait étéqu’on ne lavoie pas. Ellen’étaitpasgênéeparcequi
semblait “mauvais genre”:elle craignait davantage ce qui pouvait nepas
lui aller.Elle nevoulaitpasêtrelabourgeoise, lafemme de diplomate dans
un Buenos Aires d’après-guerrecosmopoliteethuppé. Ellevoulait êtreplus
que ça. Comme l’actricedesaproprevie. Moiévidemment,àcôté, j’étais
comme la fille dans la sérieAbsolutelyFabulous.Timide.
Dans les albums defamille, ilyaplein d’autres images qui montrentmes
grands-parents enInde ou en Chine. Ils onttoujoursune allureincroyable,
chev eux crantés, petit foularddegaucho etchandail douillet...Parcequ’ils
sontenvoyage, leursvêtements sontconfortables. Ils sontàl’aise.Ma mère,
qui avait besoin d’êtrerassurée,parvenaitàl’êtregrâce àses vêtements. J’ai
la mêmeattitude dans ma viepersonnelle, et dans mon travail. Cette his-
toireque jeracont edans mescollections, êtreune femme, séduisante mais
pastropsexynitropmodeuse.D’êtrebien dans ses fringues, derester cré-
dible, de se sentir soutenue.Le confort, leréconfort,tout ça... C’estpour
avoir et donnerconfiance.” ProposrecueillisparCarolineRouSSEAu

LE goûTDE...

Vanessa


Seward.


La créatrice demode signecetautomne
unecoLLaborationavecLa redoute.
sonstyLe, chicet féminin,doitbeaucoupà
L’ éLégancefantasqueetavant-gardiste desa
mère,ici avec desamiesdansLesannées19 50.

RetRouvez
le podcast “legoût
de M” suRleMonde.fR
et suRtoutes
les platefoRMes.
invité:pieRReHaRdy.

114


Archiv

epersonnelle

Vanessa Seward
Free download pdf