8 |france SAMEDI 9 NOVEMBRE 2019
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Plus de 3 000 « gilets jaunes » condamnés
Chiffre inédit pour un mouvement social, 400 condamnations ont donné lieu à des peines de prison ferme
U
n anniversaire et un
premier bilan des
condamnations. Alors
que le mouvement
des « gilets jaunes » fêtera, le
17 novembre, ses un an, Le
Monde a pu rassembler des indi
cateurs chiffrés de la réponse pé
nale apportée, à l’échelle natio
nale, aux divers débordements
qui ont eu lieu au cours de l’an
née écoulée. Notamment à l’oc
casion des confrontations répé
tées entre manifestants et forces
de l’ordre.
Ces données – nombre de gar
des à vue, classements sans suite,
condamnations, etc. – sont une
synthèse des remontées qu’ont
fait parvenir ces derniers mois, à
la chancellerie, l’ensemble des
parquets de France.
Il ne s’agit que d’un bilan
provisoire couvrant une période
allant du premier samedi de ma
nifestations des « gilets jaunes »
en novembre 2018, jusqu’au
31 juin. Mais ces données réunis
sent néanmoins les sept mois où
la mobilisation a été la plus forte,
et permettent d’ores et déjà de
dégager les grandes tendances
des suites judiciaires données à
cet affrontement hebdomadaire
inédit.
Un des chiffres les plus impor
tants qui ressort est celui du
nombre de condamnations pro
noncées : plus de 3 100. Un record
pour un mouvement social,
même si la mobilisation des « gi
lets jaunes » a constitué, en soi,
une première dans sa forme et
dans sa durée. Autre donnéeclé :
sur l’ensemble de ces condamna
tions, environ 400 ont donné
lieu à des peines de prison ferme
avec incarcération immédiate
(dites « avec mandat de dépôt »).
Utilisation « préventive »
Même si les autres peines pro
noncées ont toutes été assorties
de sursis ou de possibilités
d’aménagement (types travaux
d’intérêt général ou joursamen
des), leur nombre demeure non
négligeable, loin des accusations
de laxisme dont a pu faire l’objet
la justice lors de certains débats
politiques. Selon nos informa
tions, les peines prononcées sont
allées, en moyenne, de quelques
mois à trois ans de prison, avec
ou sans sursis.
L’autre grand indicateur est le
nombre de gardes à vue. Plus de
10 000 personnes ont été rete
nues et entendues dans toute la
France dans ce cadre procédural
au cours des sept mois les plus in
tenses de manifestations. A
l’échelle nationale, environ 2 200
se sont terminées par un classe
ment sans suite et 2 400 par des
mesures alternatives aux pour
suites (rappel à la loi, interdiction
de paraître, etc.)
A Paris, cependant, zone où
Le Monde a pu également obtenir
des éléments auprès du parquet,
et où se sont concentrées envi
ron le tiers des gardes à vue (3 166
à la date de miseptembre), envi
ron la moitié (1459) ont fini par
un classement sans suite. Un
chiffre qui illustre ici leur utilisa
tion massivement « préventive »
afin d’éviter les débordements,
en particulier à l’égard de mem
bres identifiés de l’ultragauche et
de l’ultradroite. Cet usage dé
tourné de la garde à vue, justifié
tacitement en coulisses dans les
cercles régaliens par le contexte
parisien particulier – notam
ment la prise pour cible régulière
des bâtiments institutionnels – a
prêté le flan à d’importantes con
troverses.
Pour les gardes à vue qui n’ont
pas abouti à un classement sans
suite, les « orientations », comme
elles sont appelées dans le jargon
judiciaire, ont, en revanche, à
l’échelle nationale comme à Pa
ris, été très diverses. Preuve, mal
gré tout, estimeton à la chancel
lerie, d’une grande « individuali
sation » des situations. En clair,
tout le contraire d’une justice ex
péditive à la chaîne comme cela a
pu être dénoncé au plus fort des
tensions. « L’orientation se fait
classiquement en fonction du
type de faits, de leur gravité, de la
personnalité de l’auteur et de ses
antécédents », détailleton au
parquet de Paris.
Concrètement, sur l’ensemble
du territoire, une fois évacué les
mesures alternatives aux pour
suites et les classements sans
suite, les plus de 10 000 gardes à
vue initiales ont donc débouché
sur quelque 5 300 « poursuites ju
diciaires ». Leur répartition s’est
faite de la façon suivante : envi
ron 2 100 personnes ont été ju
gées en comparution immédiate
et 2 000 autres ont eu une convo
cation judiciaire à une date ulté
rieure. Des juges des mineurs ont
par ailleurs été saisis dans quel
que 410 cas, tandis qu’environ
620 personnes ont préféré une
procédure de « plaidercoupa
ble ». Cent cinquante informa
tions judiciaires ont en outre été
ouvertes pour les faits les plus
graves et les plus complexes,
dont quatorze à Paris.
Ressentiment
La justice a en tout cas travaillé
relativement vite dans les dos
siers impliquant des manifes
tants. Un constat beaucoup
moins vrai pour les membres des
forces de l’ordre mis en cause
dans des affaires de violences.
Ces procédures sont mécanique
ment plus lentes que celles visant
les manifestants, car elles doi
vent passer par le filtre de l’ins
pection générale de la police na
tionale ou de l’inspection géné
rale de la gendarmerie nationale.
Elles sont en outre très sensibles
dans un contexte de fatigue gé
nérale des policiers.
Cet écart de traitement nourrit
bien sûr une partie du ressenti
ment de certains militants. Seuls
deux fonctionnaires, sont, à ce
stade, renvoyés devant un tribu
nal correctionnel, à Paris.
élise vincent
Un an après le début du mouvement, les chires de la réponse pénale
400 peines de prison ferme
avec incarcération immédiate
920 peines alternatives à la prison
(travaux d’intérêt général, etc.)^600 avec possibilité d’aménagementpeines de prison ferme
1 240 peines avec sursis
Classement sans suite Poursuites judiciaires Mesures alternatives aux poursuites
2 100 convocations
judiciaires à une date
ultérieure
2 000 comparutions
immédiates
410 saisines
du juge des enfants
150 ouvertures d’information
judiciaire (cas les plus graves)
620 « plaider-coupable »
5 300
Condamnations : plus de 3 100
2 200 2 400
ORIENTATION DES DOSSIERS (pour les cas renseignés)
Gardes à vue :plus de 10 000dans toute la France
SOURCE : MINISTÈRE DE LA JUSTICE INFOGRAPHIE : LE MONDE
Bilan provisoire au 30 juin
Bilan à partir des données transmises par les parquets
à la chancellerie. Certains chires ont été arrondis.
CENT CINQUANTE
INFORMATIONS
JUDICIAIRES ONT ÉTÉ
OUVERTES POUR LES FAITS
LES PLUS GRAVES ET
LES PLUS COMPLEXES,
DONT QUATORZE À PARIS
M O U V E M E N T D E S « G I L E T S J A U N E S »
A PARIS, SUR
LES 3 166 GARDES
À VUE, LA MOITIÉ
A FINI PAR
UN CLASSEMENT
SANS SUITE
QUESTIONS POLITIQUES
DIMANCHE 10 NOVEMBREÀ12H
ÉLISABETH BORNE
MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
ALI BADDOU,CARINE BECARD,FRANÇOISE FRESSOZETNATHALIE SAINT-CRICQ
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