Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1

Desrésonancesavec l’actualité, mais sans trompette ni
grosse caisse.«Jen’ai pasdemessage àdélivrer,ilnef aut pas se
prendrepour ce qu’onn’est pas.»Elle s’attache égalementànepas
enquiquiner le lecteuravec des descriptionsinterminables:en
quelques phrases, le décor estposé.«Les premières pagessont
décisives, ilfaut queça soit facile, que le lecteur sache immédiate-
mentoùilest et quels sontles personnages.»Pareil pour les senti-
ments.Un hommetombeamoureux de lafemme de son frère,
l’affaireest expédiée en un dîner et deuxparagraphes.
Paslet emps debâiller avec Françoise quin’est pasdugenreàêtre
paralysée parl’angoisse de lapage blanche(«J’ai une imagination
très fertile.»)De temps entemps, elle s’autorise un«pas decôté»,
un roman qui finit mal(Comme unfrèr e,1997), de la transgression
avec l’histoired’un mari qui quitte sa femmepour un homme
(Objet detoutes lesconvoitises,2003). Elleabien observéunpetit
fléchissementdes ventes quandelledérouteses lectrices(80 %de
ses lecteurssontdes femmes), mais jugecetteliber té«néces-
saire»:«Jeneveux pas êtreenfermée dans une mécanique, sinon je
perdrais du plaisiràécrireetmes lecteursàmelire.»


Auparava nt,ill ui arrivait devoyager:enÉcosse, unefois, pour le
besoin d’unroman, un séjour dans le sud de laFrance...Mais avec
Internet, pluslapeine de se déplacer.«Ilsuffit d’aller sur Google
Maps pour décrireune région»,reconnaît-elle.Pareil pour les univers
professionnels,toutes les informations dontelle abesoin sontàpor-
téedeclic. Elleaeuundeuxième mari qu’elleaquitté lui aussi ilya
bien longtemps et elle se ditcont ente de fairecequ’il lui plaît sans
avoir decomptesàrendreàpersonne.
Le week-end, ses deux filles (l’une est notaire, l’autretravaille àla
radio) et sespetits-enfants viennentlui rendrevisite. Elle nefait
que deux ou trois salons littérairesparan, pasdavantage :«Jesuis
un peu sauvage.»De tempsàautre, elle serend àParis où elle
loue un pied-à-terre. Elleyprend sesrendez-vous médicaux,
pass echez son éditeur,voit quelques amis etrentre dare-dare
dans sa campagne.FrançoiseBourdinn’est pasdugenreàclaquer
ses droits d’auteur dans desvoyages ou des bijoux.L’argentdeses
livres, elle l’a investi dans sa grande maison et dans des assu-
rances viepour ses filles.

EllE


semble loin la jeune fille d’autrefois qui carburait à
l’adrénaline et aux sensationsfortes, avecaumoins
la même vitalitéque Sagan.«Galoper sanscasque,
sentir le ventbrûler son visage,entendrelemartèlementdes sabots,
il n’yapas d’émotion plus intense»,se souvientpourtant la ca va-
lière. Elle tiraitàlacarab ine (calibre.22) et adorait la vitesse, au
pointqu’elleracont eaujourd’hui sa vieàtraversdes cylindrées qui
l’on trendue heureuse:une Triumph Spitfire, uneVolvoV40


  • «une vraie petite bombe»–, quelques AlfaRomeo, une Range
    Rover. Elle s’est assagie, s’est achetéune Hyundai car«çanesert
    plus àrien d’avoir unePors che, onn’aplus le droit derouler vite»,
    regret te-t-elle.Pour fêterses vingtans chez Belfond,son patron
    d’alorslui afait le plusbeau des cadeaux:une journée sur un
    circuit auvolantd’unevoitur edotée d’un moteur de 570chev aux.
    L’Expressen afait unreportage. Elle enatiréunroman qui se
    déroule dans le milieu descourses automobiles.


“Plaireaup lus grandnombr e,
c’est ce que tous lesauteurs

veulent,non?Plairen’est
pasforcément suspect.
Et le pl us gran dnombr en’a
pasforcément mauvais goût.”

62

Marion Berrin pour

MLem

agazine du Monde
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