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VENDREDI 29 NOVEMBRE 2019 france| 11
Les départements
franciliens dénoncent
le « racket » de l’Etat
Le gouvernement veut leur retirer 75 millions
d’euros pour financer le Grand Paris
L
a conférence de presse était
organisée au siège de l’As
semblée des départements
de France, mercredi 27 novembre,
en même temps que devait avoir
lieu le conseil de surveillance de la
Société du Grand Paris, qui n’a pu
se tenir, faute de quorum. Les pré
sidents des sept départements
franciliens et Emmanuel Grégoire,
premier adjoint de la maire de Pa
ris, marquaient leur courroux
contre ce qu’ils qualifient de « rac
ket organisé par l’Etat ».
En cause, un amendement du
gouvernement introduit lors de
l’examen à l’Assemblée du projet
de loi de finances pour 2020, qui
vise à affecter à la Société du Grand
Paris une fraction des droits de
mutation à titre onéreux (DMTO)
- communément appelés frais de
notaire –, perçus par les départe
ments franciliens, pour un mon
tant de 75 millions d’euros
en 2020, puis de 60 millions
d’euros à partir de 2021. Il s’inspire
d’une proposition formulée par le
député (LR) du ValdeMarne Gilles
Carrez dans le rapport qu’il avait
remis en septembre 2018, en vue
de financer le surcoût du projet du
Grand Paris Express, passé de
25 milliards à 35 milliards d’euros.
Lors de la discussion de l’amen
dement en séance, M. Carrez
l’avait d’ailleurs approuvé. « Si
nous ne nous donnons pas les
moyens de financer des travaux de
venus indispensables parce que l’ef
fort n’a pas été fourni durant une
décennie, nous courons à la catas
trophe », avait insisté l’ancien pré
sident de la commission des fi
nances de l’Assemblée nationale.
« On ne peut pas vouloir le Grand
Paris sans les dépenses d’infrastruc
tures qui vont avec », expliquait
pour sa part le ministre de l’action
et des comptes publics, Gérald
Darmanin, rappelant que « les
nouvelles infrastructures vont per
mettre aux communes et départe
ments concernés d’enregistrer une
hausse des DMTO ».
Faisant front commun, les prési
dents des départements franci
liens et la Ville de Paris balaient ces
arguments. MarieChristine Ca
vecchi, présidente (LR) du
Vald’Oise, dénonce « un désenga
gement de l’Etat ». Elle relève
qu’une partie du produit généré
par ce prélèvement sur les DMTO
sera affectée au financement d’in
vestissements contractualisés
dans le contrat de plan Etatrégion.
Une « grivèlerie » également si
gnalée par Patrick Devedjian, pré
sident (LR) des HautsdeSeine.
« Ce n’est pas aux départements de
financer la part de l’Etat dans les
contrats de plan Etatrégion, et ce
n’est pas aux départements de fi
nancer les transports », martèle
l’ancien ministre, évoquant un
« coup de force ». Il estime que les
départements ont été mis devant
le fait accompli. « Il n’y a aucune
concertation quand on est convo
qué à 8 h 30 pour 14 h 30, fulmine
til. Même une femme de ménage
n’accepterait pas ça! » Et s’en prend
aux « comportements de gouver
neur colonial » du préfet de région,
Michel Cadot, et à son « obsession
à vouloir porter atteinte aux dépar
tements de la petite couronne ».
« Schizophrénie »
« Aujourd’hui, l’Etat décide sans
payer puisqu’il puise dans nos cais
ses pour régler ses propres problè
mes », appuie François Durovray,
président (LR) de l’Essonne, qui an
nonce « des mesures de rétorsion »
si la disposition était maintenue.
« Quelle confiance pouvonsnous
avoir dans la parole de l’Etat? »,
s’indigne Stéphane Troussel, pré
sident (PS) de la SeineSaintDenis,
jugeant que, s’agissant de son dé
partement, le gouvernement, qui
a présenté fin octobre une batterie
de mesures de soutien pour ce ter
ritoire « hors normes », fait preuve
de « schizophrénie ».
« Tous les départements n’ont pas
la même progression des DMTO,
rappelle Christian Favier, prési
dent (PCF) du ValdeMarne.
En 2018, nous en avons perdu, mais
les dépenses sociales, elles, conti
nuent d’augmenter. C’est à l’Etat
d’assumer ses responsabilités. »
Quant à Pierre Bédier, président
(LR) des Yvelines, il a reçu cet
amendement comme « un bourre
pif », et il dénonce le « crétinisme »
du gouvernement. « Même si ce su
jet ne concerne que l’IledeFrance,
il est symptomatique du mépris
dans lequel le gouvernement tient
les collectivités de manière géné
rale, et les départements en particu
lier », conclut M. Grégoire.
Il est probable que le Sénat, qui
examine actuellement le projet de
loi de finances, supprimera cette
disposition, mais le gouverne
ment, de son côté, n’entend pas y
renoncer. « Entre 2014 et 2018, les
DMTO ont progressé d’un milliard
d’euros en IledeFrance : 75 mil
lions, c’est une paille, cela a été cali
bré pour être soutenable, défend
Bercy. C’est quelque chose qui n’a
pas vocation à être remis en
cause. » En 2019, les recettes de
DMTO devraient augmenter de 1,
à 1,5 milliard d’euros sur la France
entière, dont 260 à 380 millions
d’euros pour l’IledeFrance.
patrick roger
LRM incapable de trouver le candidat idéal
La présentation de la tête de liste à Marseille devrait être de nouveau repoussée à midécembre
C’
est un feuilleton qui
n’en finit pas. Une
équation complexe que
La République en marche (LRM)
n’a jamais réussi à prendre dans le
bon sens. A quatre mois des mu
nicipales, le mouvement prési
dentiel n’a toujours pas acté offi
ciellement sa stratégie à Mar
seille, ni annoncé l’identité de son
candidat, qui se lancera dans la
bataille pour succéder au maire
Les Républicains (LR), JeanClaude
Gaudin. Attendue pour fin no
vembre, la présentation de la tête
de liste devrait une nouvelle fois
être repoussée à midécembre.
Un retard à l’allumage qui crée
des tensions en interne. Certains
« marcheurs » locaux évoquent
même « un gâchis », surpris de
« la condescendance avec laquelle
Paris traite Marseille ». « On me di
sait d’abord que le candidat LRM
devait sortir avant l’été, puis en
juillet, puis novembre et mainte
nant on nous parle de décembre!
Nous sommes dans la zone
rouge », a regretté, le 19 novem
bre, le député macroniste des
BouchesduRhône, Saïd Aha
mada, en se déclarant « candidat
quoi qu’il arrive ». « C’est un nau
frage pour LRM, le dossier mar
seillais... », se désole un responsa
ble de la majorité, en notant que
la réflexion a démarré depuis
plus de six mois.
Nouveau tour de casting
Certains, au sein de LRM, expli
quent ces tergiversations par la
mainmise d’Emmanuel Macron,
accusé d’avoir « beaucoup pro
crastiné sur ce sujet ». Depuis plu
sieurs semaines, le chef de l’Etat
suit de près le dossier de Mar
seille sans avoir le temps de s’y in
vestir pleinement.
Sa visite, le 24 juin, dans la
deuxième ville de France, qu’il
dit apprécier, avait pourtant sus
cité l’espoir d’une solution ra
pide. Quatre mois plus tard, il a fi
nalement délégué à JeanMarc
Borello, l’un de ses proches, le
soin de refaire un tour de casting,
afin d’identifier des candidats
pour chaque secteur, avant que
soit désignée une tête de liste
pour l’ensemble de la ville. De
puis octobre, ce dernier a vu plus
de 80 personnes... sans tomber
sur la perle rare.
Son diagnostic n’a pas encore
été rendu public, mais les diri
geants de LRM s’accordent désor
mais sur les grandes lignes de la
stratégie à adopter pour le scrutin
de mars 2020. Le parti se lancera
sous ses propres couleurs au pre
mier tour. Et, parmi les candidats
à l’investiture, l’exprésident
d’AixMarseille Université, Yvon
Berland, fait figure de favori,
étant perçu comme « le plus
avancé et le plus structuré ».
Les stratèges macronistes le
voient en chef de file d’un large
rassemblement de candidats sou
tenus par la majorité dans les huit
secteurs de la ville. Avec l’idée de
présenter « un maximum de jeu
nes issus de LRM et de la société ci
vile » autour de lui, afin de « rajeu
nir » ce candidat de 68 ans, qui
peine à incarner « le renouvelle
ment ». Une volonté cosmétique
qui agace ce professeur de méde
cine, qui dit avoir « joué le jeu se
lon les règles imposées par LRM ».
Considéré comme « hors
course », malgré sa déclaration du
19 novembre, Saïd Ahamada re
fuse d’évoquer une quelconque
dissidence et s’active à construire
« un arc progressiste », qui le ren
drait incontournable. Ancien d’Eu
rope Ecologie LesVerts (EELV), il
échange avec la tête de liste écolo
giste, Sébastien Barles, et a pris
rendezvous avec le socialiste
Benoît Payan, qui entend structu
rer une large union à gauche.
Le doyen de la faculté de droit
d’AixMarseille, JeanPhilippe
Agresti, vient, lui, d’écrire au dé
légué général de LRM pour lui
dire son intention d’être candi
dat. De son côté, la sénatrice
(exPS) Samia Ghali, qui a rencon
tré M. Guerini et son adjoint
Pierre Person la semaine der
nière, croit toujours à la possibi
lité d’un accord avec LRM dès le
premier tour. Une perspective
qui, selon d’autres sources,
aurait du plomb dans l’aile.
Sans candidat idéal, certains
macronistes se montrent peu op
timistes sur les chances de vic
toire de leur camp à Marseille.
« On devra s’allier », estime un
membre de la CNI, anticipant un
accord avec LR dans l’entredeux
tours.
alexandre lemarié
et g. r. (à marseille)
Marseille : adoubée par Gaudin,
Vassal rafle l’investiture LR
La présidente de la métropole AixMarseilleProvence a été désignée
tête de liste pour les municipales. Son rival, Bruno Gilles, reste candidat
M
artine Vassal a ga
gné son premier
combat sur la lon
gue route qui, espè
retelle, peut la mener jusqu’à la
mairie de Marseille en mars 2020.
Mercredi 27 novembre, en début
de soirée, la présidente (Les Répu
blicains ; LR) de la métropole Aix
MarseilleProvence, 57 ans, a été
désignée à vingtsept voix contre
onze par la commission natio
nale d’investiture (CNI) pour re
présenter son parti lors des élec
tions municipales. Officiellement
candidate à la succession de Jean
Claude Gaudin depuis septembre,
elle affrontait un rival déterminé
en la personne du sénateur Bruno
Gilles, 58 ans, président de la fédé
ration LR des BouchesduRhône,
dont la campagne en solitaire
dure depuis quatorze mois.
Battu, ce dernier a confirmé, dès
la sortie de la CNI, ce qu’il répète
depuis plusieurs mois : avec ou
sans investiture, il « reste candidat
à la mairie de Marseille ». « Je
prends acte de cette décision prise
par ma famille politique que j’ai
pourtant servie avec fidélité et
loyauté pendant près de qua
rante ans », regrettetil, évoquant
un « crèvecœur » et déplorant
« que le poids du système l’ait em
porté », une allusion non voilée
au soutien apporté par Jean
Claude Gaudin à Martine Vassal.
Sa détermination ouvre la porte
à un combat fratricide dont cha
cun s’accorde à dire qu’il peut
coûter la deuxième ville de
France à LR. « Maintenant, je suis
libre », confiait M. Gilles à ses pro
ches, mercredi, au sortir du siège
de son parti, alors que le camp
Vassal promettait de « tout faire
pour trouver un accord et éviter le
pire ». Dans la soirée, la candidate
LR appelait ainsi son rival « à [la]
rejoindre pour associer forces et
idées au service des Marseillaises
et des Marseillais ».
En conflit ouvert depuis plu
sieurs mois, ces deux membres
importants de la majorité muni
cipale – depuis 2001 pour elle,
1995 pour lui – n’avaient pas sou
haité s’entendre lors des deux
réunions de concertation tenues
par le nouveau président de LR,
Christian Jacob, les 13 et 20 no
vembre. Chacun avait rejeté les
propositions de l’autre, préférant
s’en remettre au vote de la CNI et à
ses propres réseaux d’influence.
Dans une commission où qua
rante membres siégeaient, sur les
cinquantehuit titulaires, le doute
n’a pas duré longtemps, et Mar
tine Vassal a largement emporté
la bataille.
Soutien de nombreux élus
Cette désignation relève d’une
certaine logique. Devenue prési
dente du département des Bou
chesduRhône en 2015, prési
dente de la métropole AixMar
seilleProvence deux ans plus
tard, Martine Vassal pilote deux
des plus importantes collectivités
de la région ProvenceAlpesCôte
d’Azur (PACA). Elle a reçu, depuis
son entrée en campagne, le sou
tien de très nombreux élus dépar
tementaux. L’ensemble des parle
mentaires de Marseille – Bruno
Gilles excepté –, mais aussi 91 des
119 maires des Bouchesdu
Rhône, ont signé une tribune
pour lui dire leur soutien.
Face à cette vague, M. Gilles n’af
fiche l’appui que d’une poignée
de conseillers municipaux, le
soutien de son ami Renaud Muse
lier, président de la région PACA,
et la fidélité d’une partie des mili
tants LR de la cité phocéenne qu’il
a dirigés lors de bon nombre de
campagnes. Martine Vassal, se
crétaire départementale de la fé
dération LR, a aussi mis en avant
les sondages qui, étude après
étude, la placent en tête des inten
tions de vote. Mercredi, elle
a d’ailleurs produit de nouveaux
chiffres devant la CNI, confirmant
son leadership.
Face aux évidences portées de
vant la commission d’investiture
par Martine Vassal, le chiraquien
Bruno Gilles avait peu d’argu
ments. Il a fait valoir ses loyaux
états de service et la nécessité, se
lon lui, « de partager le pouvoir ».
« Marseille doit avoir un maire à
temps plein », atil encore répété
et non un maire, qui, comme le
souhaite Martine Vassal, cumule
cette fonction avec la présidence
de la métropole.
L’argument n’a pas pesé lourd
face à ses pairs, mais sera sûre
ment un des thèmes de la campa
gne qu’il compte poursuivre. « Je
serai ce maire à plein temps que la
population réclame », assuraitil
dans le communiqué publié peu
après sa défaite. Une position qui
peut lui apporter de nouveaux
soutiens. Dont celui de la séna
trice (Union des démocrates et in
dépendants) Sophie Joissains,
élue à AixenProvence, qui, quel
ques heures avant la décision de
la CNI, demandait dans une tri
bune adressée à la presse, « que
Martine et Bruno puissent ensem
ble se porter candidat sur un man
dat plein et entier ».
L’investiture de Martine Vassal
constitue également une énième
victoire politique de JeanClaude
Gaudin sur son exdauphin Re
naud Muselier, président de la ré
gion PACA. Dans un entretien au
Journal du dimanche du 10 no
vembre, ce dernier estimait qu’in
vestir Martine Vassal pour la mai
rie de Marseille était « de la folie ».
Mercredi, au sortir de la CNI, il re
connaissait qu’il n’était pas « sa
tisfait » de la décision. « Je dis de
puis le début qu’il faut partager le
pouvoir, et là on fait le contraire »,
regrettetil. Son statut de
conseiller politique et sa proxi
mité avec le nouveau patron de
LR, Christian Jacob, n’ont pas suffi
à convaincre.
Aplanir la situation
A l’inverse, JeanClaude Gaudin a
su activer tous ses réseaux, no
tamment au Sénat, dont il a été vi
ceprésident jusqu’en 2017, pour
faire adouber Martine Vassal.
Mercredi soir, il a salué la désigna
tion de cette dernière, « la
meilleure candidate pour rempor
ter les élections municipales à Mar
seille ». Fille d’un de ses amis, ori
ginaire du même quartier que lui,
entrée en politique à sa demande,
elle doit l’essentiel de sa carrière
d’élue au maire de Marseille.
Dans l’entourage de Christian Ja
cob, on salue un résultat « net » et
on espère réussir à aplanir défini
tivement la situation. Le principe
d’une réunion entre le président
de LR, Martine Vassal, Bruno
Gilles ainsi qu’Eric Ciotti – le prési
dent de la CNI – est acté, dans des
modalités qui restent à préciser.
Dernier grand obstacle des in
vestitures LR, Marseille donne en
tout cas du fil à retordre à M. Jacob.
Et il lui faudra patienter pour pou
voir revendiquer la pacification de
cette ville. A Paris, il a pourtant
réussi à contenir les oppositions
locales pour désigner Rachida
Dati, même si des tensions subsis
tent sur la question des têtes de
liste par arrondissement.
A Nice, la décision d’Eric Ciotti
de ne pas se porter candidat
contre Christian Estrosi s’est im
posée aussi comme une bonne
nouvelle pour le chiraquien et ses
promesses de rassemblement, et
ouvre la voie à une campagne
sans nuages pour le maire LR sor
tant, investi il y a quelques jours.
« Une fois qu’on aura résolu Mar
seille, on sera tranquilles! », ré
sume un membre du comité stra
tégique.
julie carriat
et gilles rof (à marseille)
L’investiture de
Martine Vassal
constitue une
victoire politique
de Jean-Claude
Gaudin sur
son ex-dauphin
Renaud Muselier
La détermination
de M. Gilles ouvre
la porte à un
combat fratricide,
dont chacun
s’accorde à dire
qu’il peut coûter
Marseille à LR
Chaque
dimanche
16H-17H
Aurélie
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