Le Monde - 15.10.2019

(Ron) #1

0123
MARDI 15 OCTOBRE 2019 économie & entreprise| 17


Genève est une habituée des
grandes ambitions internationa­
les. La vieille dame du Léman,
austère et détachée, aurait à dire
sur la vanité des hommes et sur
leurs espérances. Lundi 14 octo­
bre, elle en accueille une nou­
velle, celle de créer un nouveau
système financier mondial, sup­
posé moins cher et plus juste
pour les consommateurs de la
terre entière. Pour la première
fois, ce n’est pas un pays qui en
est porteur, mais une entreprise.
Facebook entend créer une mon­
naie supranationale, le libra,
et ses supporteurs se réunissent
officiellement pour avaliser leur
engagement.
Mais déjà, avant que le moindre
centime ne soit émis, la tempête
fait rage. Sur la vingtaine de
membres fondateurs annoncés
avant l’été, les plus éminents, du
moins ceux qui sont les plus pro­
ches du métier de la finance, ont
déclaré forfait in extremis.
D’abord PayPal, la plus populaire
des solutions de paiement inter­
national sur Internet, puis, ven­
dredi 11 octobre, les réseaux Visa
et Mastercard, ainsi que les socié­
tés eBay et Stripe, ont annoncé
qu’ils quittaient le navire.
Un coup dur pour la crédibilité
du système, si ce n’est pour sa
viabilité. Il faut dire que la pres­
sion était forte. Deux sénateurs
américains ont ainsi personnelle­
ment écrit à Visa, Mastercard et
Stripe pour les encourager à lais­
ser tomber l’affaire. Un peu plus

tôt, le patron du Conseil de stabi­
lité financière, l’organe qui repré­
sente les principales places finan­
cières mondiales, s’était adressé
aux ministres des finances du
G20 pour pointer les risques que
ferait courir cette monnaie alter­
native non régulée par les Etats,
notamment en termes de protec­
tion du consommateur et de l’in­
vestisseur, de données privées, de
blanchiment d’argent, de concur­
rence et d’évasion fiscale.

Une révolte sur trois fronts
La révolte anti­libra provient de
trois fronts différents. Celui des
Etats, d’abord, qui redoutent une
perte de souveraineté si leur
monnaie est d’un coup concur­
rencée par un avatar sans fron­
tière. Celui du monde de la fi­
nance, ensuite, et notamment
des banques centrales, qui crai­
gnent de ne pas maîtriser le
monstre en cas de crise. Et, enfin,
le front anti­Facebook. Partout, le
réseau social inspire la défiance.
Imaginer que cette société sera
derrière la première monnaie
non étatique donne des sueurs
froides au personnel politique.
Or, il n’y a pas d’économie pros­
père ni de capitalisme de long
terme sans une alliance objective
entre la puissance publique et
son appareil financier, qu’il soit
public ou privé. Il ne suffit pas de
se réunir sur les bords du Léman
et d’invoquer la révolution nu­
mérique pour penser s’affranchir
de cette loi d’airain.

PERTES & PROFITS|FACEBOOK
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

Libra, tempête


cybermonétaire


Le gouvernement donne le coup d’envoi


de la privatisation de la Française des jeux


L’Etat, qui veut céder quelque 50 % du capital de la FDJ, ouvre la souscription des actions
à partir du 7 novembre. Les particuliers obtiendront une action gratuite pour dix achetées

A


ttendue depuis des mois,
l’introduction en Bourse
de la Française des jeux
(FDJ) est désormais lancée. « Les
Français et les investisseurs pour­
ront souscrire à des actions FDJ en­
tre le 7 et le 20 novembre », a dé­
claré le ministre de l’économie et
des finances, dimanche 13 octo­
bre, dans un entretien au Journal
du dimanche (JDD). Bruno Le
Maire « souhaite que cette privati­
sation soit un succès populaire et
que le plus grand nombre y parti­
cipe » afin d’en tirer plus de 1 mil­
liard d’euros. La première cota­
tion devrait intervenir avant la fin
novembre. Ce sera la première
privatisation du quinquennat
d’Emmanuel Macron, rendue
possible par la loi Pacte (plan d’ac­
tion pour la croissance et la trans­
formation des entreprises), qui
concerne aussi Engie et Groupe
ADP (ex­Aéroports de Paris).
Au préalable, la FDJ aura déposé
cette semaine son document
d’enregistrement auprès de
l’Autorité des marchés financiers
(AMF), suivie immédiatement
d’une présentation de l’opération
à la presse et aux analystes finan­
ciers par la PDG du groupe, Sté­
phane Pallez. Une fois le feu vert
du gendarme de la Bourse acquis
s’ouvrira une période de souscrip­
tion, au terme de laquelle on con­
naîtra le prix de vente des titres de
la FDJ et la répartition de l’offre
entre souscripteurs individuels et
investisseurs institutionnels.

L’Etat détient actuellement 72 %
de l’opérateur public (loterie, jeux
de grattage et de tirage, paris spor­
tifs) et en restera actionnaire à
hauteur d’environ 20 %. Mais
toute montée au capital supé­
rieure à 10 % d’un actionnaire sera
soumise à l’autorisation préalable
de l’Etat. Si le ministre des finan­
ces se refuse à donner un chiffre,
certains analystes estiment que le
budget de l’Etat pourrait engran­
ger 1,5 milliard d’euros. Ils servi­
ront à la fois à désendetter l’Etat et
à alimenter un fonds de 10 mil­
liards d’euros dont le produit des
placements financera innova­
tions et technologies de rupture.
L’enjeu politique de cette priva­
tisation est important pour le
gouvernement, qui veut stimuler
l’actionnariat populaire. Il entend
aussi favoriser les salariés de la
FDJ, qui en possèdent 5 %, et les
buralistes (2 %). « Pour les particu­
liers, une action gratuite sera ac­
cordée pour dix actions achetées,
si ces actions sont conservées dix­

huit mois, précise M. Le Maire au
JDD. Je souhaite, par ailleurs,
qu’une décote de 2 % sur le prix de
l’action achetée soit appliquée. »
Cette décote est une incitation
pour les épargnants, toujours fri­
leux devant le risque inhérent à la
détention d’actions.
Jusqu’à présent, le gouverne­
ment d’Edouard Philippe n’a cédé
des participations (Engie, Renault
et Safran) qu’aux investisseurs
institutionnels. La dernière priva­
tisation ouverte aux petits sous­
cripteurs remonte à l’automne
2005, quand celui de Dominique
de Villepin avait mis sur le mar­
ché 15 % du capital d’EDF. Une
mauvaise opération pour ceux
qui détiennent encore des titres
du géant de l’électricité : vendues
32 euros, elles ne valent plus que
9,50 euros, un effondrement dû à
la libéralisation du marché de
l’énergie et aux incertitudes sur
l’avenir du nucléaire.

Le groupe se porte bien
La vente du « papier » FDJ ne de­
vrait pas poser de problème.
Deuxième loterie européenne et
quatrième mondiale, le groupe se
porte bien. Au cours des neuf pre­
miers mois de l’année, les mises
ont augmenté de 8 % et le groupe
prévoit un volume de 16,9 mil­
liards en 2019. Soit, une fois les
gains reversés aux joueurs et sa
contribution aux finances publi­
ques, un chiffre d’affaires de
1,9 milliard et une marge opéra­

tionnelle de 19 %. Ce dynamisme
inquiète ses concurrents. Notam­
ment les casinos, qui redoutent
que la multiplication des points
de vente (30 000 actuellement) et
des bornes de jeux d’argent dans
les bureaux de tabac, voire dans
d’autres lieux publics (galeries
marchandes...) ne sonne la mort
de leurs « bandits manchots ».
M. Le Maire assure qu’il ne laisse
pas la bride sur le cou des opéra­
teurs puisque la nouvelle Autorité
nationale des jeux (ANJ) exercera,
à partir du 1er janvier 2020, un
contrôle très strict (jeunes, addic­
tion et blanchiment), et pourra
infliger de lourdes sanctions à
tous. Elle contrôlera 32 milliards
d’euros de mises, sur un total de
48 milliards en 2017 ; les casinos,
eux, resteront sous la tutelle du
ministère de l’intérieur, le gou­
vernement jugeant que les ris­
ques d’addiction et de blanchi­
ment y sont plus élevés – ce que
contestent les opérateurs (Bar­
rière, Partouche, Tranchant...).
Autre sujet sensible : les recettes
pour l’Etat. A ceux qui dénoncent
une vente pénalisante pour les fi­
nances publiques, M. Le Maire ré­
pond qu’il perdra bien une
grande partie des dividendes
(90 millions en 2017), mais « con­
servera l’intégralité des recettes
fiscales et sociales, soit 3,5 mil­
liards » par an. Une manne qui
gonflera si l’entreprise accroît ses
résultats.
jean­michel bezat

Un enjeu
politique
important
pour l’exécutif,
qui veut stimuler
l’actionnariat
populaire

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