Monde
La police pousse des touristes à s’éloigner des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants à Barcelone mardi. Photo B. Armangue. AP
L’exécutif espagnol en difficulté
face aux violences en Catalogne
Alors que la
colère des
indépendantistes
est montée d’un
cran depuis trois
jours, Madrid, qui
ménage les forces
en présence, peine
à gérer la situation
à l’approche
des élections
législatives.
V
enus de plusieurs
villes de Catalogne,
de s dizaine s de
milliers d’indépendantistes
convergent depuis mercredi
vers Barcelone pour protester
contre le verdict du Tribunal
seule journée de mardi, entre
policiers et manifestants) et
interpellations.
Depuis le début de la se-
maine, cette montée de vio-
lence est la grande nou-
veauté qui brouille les lignes
du conflit catalan. A l’inté-
rieur du camp indépendan-
tiste, marqué par sa diversité
sociologique, agissent désor-
mais des groupes cherchant
des altercations avec la po-
lice, à l’instar des comités
de défense de la République
(CDR), d’Anonymous Catalu-
nya, Picnic X la Republica, et
surtout de Tsunami demo-
cràtic. Autant de collectifs
qui échangent et agissent via
les réseaux sociaux et que les
forces de l’ordre ont du mal à
court-circuiter. Ces der-
nières, auteures de charges
violentes contre les manifes-
tants, reçoivent leur lot de
critiques, à commencer par
Reporters sans frontières, qui
a aussi dénoncé des «atta-
ques» contre des journalistes.
Ambiguïté. Les gouverne-
ments en présence ont toutes
les peines du monde à cana-
liser et à gérer ces heurts.
Alors que le chef de l’exécutif
national, Pedro Sánchez,
réclame le triptyque «unité,
fermeté, proportionnalité», le
président de la région cata-
lane, le séparatiste Quim
Par
François musseau
Envoyé spécial à Barcelone
ce procès. Si l’injustice est loi,
alors désobéir est un droit.»
Même si l’ANC lance des mes-
sages d’apaisement, il faut re-
connaître que le mouvement
séparatiste a passé un cap.
Très majoritairement non
v i o l e n t d e p u i s l e s
événements critiques de
l’automne 2017
( r é f é r e n d u m
d’autodétermi-
nation illégal et
déclaration symbolique de
l’indépendance), il n’a au-
jourd’hui plus peur d’aller à
l’affrontement avec les forces
de l’ordre. Ainsi, les quatre ca-
pitales des provinces de la ré-
gion – Barcelone, Gérone,
Tarragone et Lleida – ont vécu
trois nuits de violences con-
sécutives avec routes blo-
quées, voitures et containers
incendiés, ainsi que de nom-
breux blessés (250 pour la
suprême rendu lundi et con-
damnant neuf leaders
sécessionnistes à des peines
de prison comprises entre
neuf et treize années.
Altercations. De Gérone,
de Vic, de Tàrrega ou
d’ailleurs, vieux et jeunes, la
plupart en bat-
tant le pavé,
donneront ainsi
du souffle à la ré-
sistance du camp in-
dépendantiste. Ce dernier
considère que la sentence
judiciaire est un «attentat
contre la démocratie» et exige
que les leaders soient graciés.
Ces longues marches, organi-
sées par le mouvement civil
Assemblée nationale de Ca-
talogne (ANC), ont une «voca-
tion pacifique». Un des slo-
gans proclame : «Nous
sommes tous les condamnés de
L'histoire
du jour
Entre les
séparatistes
et l’opposition
de droite, Pedro
Sánchez fait le
grand écart.
Torra, se meut dans les sables
mouvants de l’ambiguïté :
après trois jours où il n’a pas
hésité à pousser «les Catalans
à exprimer dans la rue leur
colère contre un verdict inac-
ceptable», et à manifester son
soutien public aux CDR ou à
Tsunami democràtic (et leurs
275 000 inscrits sur Tele-
gram), il a fini jeudi par
condamner la violence et dé-
noncer «l’irruption d’infiltrés
et de vandales».
Un tel panorama d’affronte-
ments et d’extrêmes tensions
ne facilite pas la tâche du so-
cialiste Pedro Sánchez, affai-
bli par la précampagne des
législatives du 10 novembre.
Entre des séparatistes jus-
qu’au-boutistes et une oppo-
sition de droite qui réclame
une main de fer, il fait un
grand écart chaque jour plus
difficile, essayant de ména-
ger la chèvre et le chou entre
des positions irréconci-
liables. Devant le Parlement
catalan, mercredi, le prési-
dent Quim Torra a persisté
dans sa volonté sécession-
niste en affirmant qu’au
cours de son actuel mandat,
il compte bien «exercer le lé-
gitime droit des Catalans à
l’autodétermination».
Parallèlement, les trois lea-
ders de la droite espagnole
ont rugi contre les «atermoie-
ments» et la «mollesse» de
Sánchez. Ainsi, le chef de file
des conservateurs du PP,
Pablo Casado, exige la mise
sous tutelle de la région cata-
lane, comme cela avait été
fait en novembre 2017. Le lea-
der du parti libéral Ciudada-
nos, Albert Rivera, pousse le
chef du gouvernement à ap-
pliquer la législation de «sé-
curité citoyenne» qui suppose
la centralisation des corps
des forces de l’ordre, police
nationale, garde civile et
Mossos d’Esquadra, la police
autonome catalane. Le gou-
vernement n’écarte pas cette
hypothèse, mais dit ne pas en
voir la nécessité pour l’ins-
tant : «Tout dépendra de l’at-
titude de l’exécutif séparatiste
à Barcelone», dit-on dans
l’entourage de Sánchez.
Quant à la formation popu-
liste ultra Vox, elle estime
que le verdict a été «trop
favorable aux putschistes ca-
talans», et en appelle à l’éta-
blissement de l’état d’excep-
tion. Une mesure appliquée
pour la dernière fois en
avril 1975, en pleine dictature
franquiste.•
Trump recevra le prochain G7 dans son club
de golf à Miami Non seulement le réchauffement climatique
ne sera pas au programme du prochain G7, prévu en 2020 aux
Etats-Unis, mais il aura lieu dans un des clubs de golf de Donald
Trump en Floride, a annoncé jeudi son chef de cabinet. L’idée,
qui avait été défendue sans complexe par Trump lors du G
à Biarritz avait suscité de nombreuses interrogations sur de
possibles conflits d’intérêts. «Je ne vais pas en tirer d’argent
du tout», avait balayé le magnat de l’immobilier. Photo AFP
10 u Libération Vendredi^18 Octobre 2019