Les Echos - 18.10.2019

(Grace) #1

Les Echos Vendredi 18 et samedi 19 octobre 2019 ENTREPRISES// 21


« Pas chez HGCT : nous avons signé
pour 150.000 tonnes d’accords de
vente », assure Julien Blanchard. A
220 euros la tonne, cette alternative
verte coûte deux fois plus cher que
du ciment. Ce surcoût reste accepta-
ble dans la construction, souligne la
société, car le béton contient 7 % seu-
lement de ciment. Mais il existe des
obstacles techniques et réglemen-
taires. « Holcim a fait breveter en
2000 le Cemroc, un produit similaire
à l’un de ceux de HGCT, se souvient
un ancien d’Holcim. Il a été aban-
donné, car, faute de rentrer dans les
normes, il était exclu pour les structu-
res porteuses et nécessitait à chaque
fois un avis technique. C’était ingéra-
ble. » L’urgence climatique pourrait
forcer le barrage normatif à l’avenir.

Mesurer l’impact
environnemental
Reste une autre inconnue : com-
ment cerner l’impact environne-
mental de ces produits de construc-
tion réputés verts? Selon un cadre
d’un groupe cimentier classique, « ce
produit n’est pas nouveau, on le con-
naît. Il n’émet pas de carbone, mais il y
a de la soude! » HGCT nie toute toxi-
cité. « Il y a de la soude dans un seul de
nos produits, celui servant à faire des
colles, pas ceux destinés au béton »,
assure Julien Blanchard. La loi
impose à toute entreprise ayant des
allégations environnementales
d’établir pour ses produits des fiches
de déclaration environnementale et
sanitaire (FDES) et de les enregistrer
dans la base Inies, librement consul-
table. Mais celles de HGCT n’y figu-

rent pas, et « Les Echos » n’ont pu les
obtenir. « Nous ne sommes pas tenus
de les communiquer avant de vendre
au détail aux particuliers. Nous ven-
drons notre “ciment vert” en sac chez
Point. P en février 2020, la FDES sera
communiquée d ’ici là », j ustifie le d iri-
geant, qui invoque aussi des accords
de confidentialité avec les partenai-
res testant ses produits, dont Bou-
ygues et Eiffage.
Un grand cimentier classique
pourrait contribuer à y voir plus clair
sur le caractère vert de ce ciment.
LafargeHolcim songe, en effet, à se
lancer sur le créneaàu l’an pro-
chain.n

lHoffmann Green Cement Technologies


s’introduit en Bourse pour lever 50 millions d’euros.


lSursouscrite plus de deux fois, l’opération débutera


le 21 octobre à 18 euros l’action.


Myriam Chauvot
[email protected]


Les grandes manœuvres bas car-
bone ont démarré dans le ciment et
ses alternatives réputées « vertes ».
Du côté de ces dernières, la jeune
pousse française Hoffmann Green
Cement Technologies (HGCT), qui
a inauguré en novembre 2018 son
usine pilote en Vendée, teste l’appé-
tence pour la construction bas car-
bone en s’introduisant en Bourse.
Pourquoi se faire coter si vite, quand
d’autres font appel aux capitaux pri-
vés? « Pour la notoriété », résume le
cofondateur Julien Blanchard. Son
objectif de lever une cinquantaine
de millions est atteint. L’opération a
été sursouscrite 2,2 fois (un taux
dans la moyenne des introductions).
Elle débutera sa cotation le 21 octo-
bre à 18 euros l’action, dans le haut
de l a fourchette fixée, ce qui la valori-
sera à 246 millions après suralloca-
tion des actions offertes.
La société promet 80 % de réduc-
tion des émissions carbone, par rap-
port au ciment. Pour obtenir ce
résultat, elle remplace la cuisson à
1.450 degrés par une réaction chimi-
que, grâce à des activateurs. De quoi
susciter de grands espoirs... à confir-
mer. Car ni l’australien Wagners, qui
produit depuis vingt ans une telle
alternative au ciment, ni l’anglais
David Ball, qui l’a lancé il y a cinq ans
outre-Manche, n’ont décollé. Pro-
blème de modèle économique?


BTP


Conor O’Riain. Utiliser des résidus
des hauts-fourneaux e t des centrales
à charbon est séduisant mais, par
définition, la quantité est limitée.
D’autres substituts sont donc à
l’étude : le béton issu des démoli-
tions, ou encore les « argiles calci-
nées », cuites à une température
beaucoup plus basse que le clinker.
« L’argile calcinée commence à émer-
ger et nous sommes positionnés pour
ce type d’innovation, car contraire-
ment à une cimenterie nous ne fabri-
quons pas notre clinker », commente
Vincent Lefebvre, cofondateur de la
start-up cimentière Cem’In’Eu.

Une production conforme
aux normes en vigueur
Cem’In’Eu se déploie en France sur
un modèle alternatif. Jugeant le
monde de la construction trop
réglementé pour des produits déro-
gatoires, la start-up ne veut pro-
duire que du ciment conforme aux
normes en vigueur, mais elle cible
les petits clients et importe son clin-
ker d’un site turc géant, Medcem,
pour le travailler en France dans de
mini-broyeurs d’une capacité de
250.000 tonnes, loin des 800.000
tonnes d’un broyeur classique.
« Notre bilan carbone a été optimisé
et est contrôlé par un tiers indépen-
dant. Medcem, qui dessert le monde
entier, est une usine littorale ultramo-
derne ouverte en 2015 et performante
au niveau environnemental, contrai-
rement à certaines vieilles cimenteries
françaises. Le clinker est importé par
bateau p uis acheminé par voie fluviale
ou ferroviaire jusqu’au broyeur, lui-
même situé au plus près des clients »,
résume Vincent Lefebvre. Il en est
convaincu, d’autres types de ciments
apparaîtront. « Quand ils seront nor-
més, prédit-il, notre o util intégrera d es
composants minéraux de plus en plus
variés. » — M. C.

Une nouvelle norme
européenne, adoptée fin
2018, autorise à produire du
ciment à partir de divers
composants alternatifs.


Cap sur le bas carbone


HGCT teste l’appétence de la Bourse


pour le « ciment vert »


La jeune pousse française Hoffmann Green Cement Technologies a inauguré en novembre 2018
son usine pilote en Vendée. Photo Franck Gallen/Pix Machine

L’industrie cimentière, qui émet 5 %
du CO 2 mondial, n’a pas le choix : elle
a mis le cap sur le bas carbone. Et
cela passe par un changement de
composition du matériau. Car le
ciment classique est fait avec du
« clinker », un mélange d’argile et de
calcaire cuit à 1.450 degrés. Résultat :
une émission de 850 kg de CO 2 par
tonne de ciment.
Une nouvelle n orme européenne
a été adoptée en novembre 2018, qui
autorise, pour le ciment courant, à
réduire drastiquement la part de
clinker. Elle pourra tomber à 35 %,
en remplaçant ce composant pol-
luant par d’autres : du calcaire et


des cendres volantes (un résidu des
centrales à charbon), ou du laitier
(un résidu des hauts-fourneaux).
L’irlandais Ecocem, installé en
France près des sites sidérurgiques
d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer et à
Dunkerque, s’est spécialisé dans la
vente de laitier moulu et surveille ce
tournant avec attention. « La créa-
tion de ce nouveau ciment est intéres-
sante. Mais il va falloir attendre son
introduction e n France, cette année ou
en 202 0. Pour l’instant, la France ne le
permet pas encore », commente le
patron d’Ecocem pour l’Europe,


Le ciment classique


cuit à 1.450 degrés.


Résultat : une


émission de 850 kg


de CO 2 par tonne


de ciment.

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