Le Monde - 20.10.2019

(lily) #1

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D I M A N C H E 2 0 - L U N D I 2 1 O C TO B R E 2 0 1 9

On ne choisit pas


ses voisins


Du cheval qui importune


les proprios du gîte d’à côté aux vols


de raisin, les viticulteurs ont eux


aussi leurs problèmes de voisinage.


Des conflits qui se terminent


souvent devant les tribunaux


Ophélie Neiman

E


n adoptant un registre trivial, on pourrait dire que cette
histoire « pue la merde ». L’expression est certes inélé­
gante, mais elle retranscrit bien le problème qui sera jugé le
18 novembre par la cour d’appel de Colmar. Au centre de
l’affaire, Sésame, brave cheval de trait comtois, alezan aux
crins lavés, plus très jeune mais précieux.
Sésame est le cheval de Marie et de son frère Jean­Paul Zusslin,
vignerons du domaine Valentin Zusslin, en Alsace (à Orschwihr, dans
le Haut­Rhin). Les amateurs de vin connaissent le domaine, au moins
de réputation, car il est en train de devenir une référence pour ses
excellents crémants, ses rieslings très droits et ses pinots noirs aux
accents bourguignons. Bref, du très bon, certifié en biodynamie
depuis 1997. Avec le choix, depuis 2012, de travailler les sols à la trac­
tion animale. D’où l’arrivée de Sésame. Quand il ne laboure pas,
Sésame vit sa petite vie de cheval, dans un champ. En face d’un gîte
rural. C’est là qu’est l’os, hélas! Les voisins n’aiment pas Sésame. Ou
plutôt, ils n’aiment pas ses crottins, qui dégagent des odeurs qu’ils
estiment non compatibles avec leurs chambres d’hôte.
Pourtant originaires du village et habitués aux pratiques agri­
coles, les voisins du domaine Zusslin décident de porter l’affaire
devant le tribunal d’instance en juillet 2018. Ce dernier donne raison
aux vignerons. Les propriétaires du gîte font appel. Si la cour d’appel
n’a pas encore rendu son jugement, les voisins ont déjà été jugés par
l’opinion publique. Et ils ont perdu. L’affaire a été largement médiati­
sée, rangée aux côtés des procès loufoques comme celui du coq Mau­
rice, accusé de chanter trop fort sur l’île d’Oléron.
L’argument des demandeurs soulève néanmoins une vision
plus gênante : selon leur avocat, l’emploi du cheval ne se justifie pas
puisque les parcelles du domaine viticole sont mécanisables, et qu’il
existe des viticulteurs bio qui ne possèdent pas de cheval. Le bruit du
tracteur plutôt que l’odeur du crottin, donc. En soutien aux Zusslin,
une pétition intitulée « Bientôt plus de chevaux dans nos vignes? » a
déjà recueilli plus de 120 000 signatures. Le domaine, qui trouve cette
affaire un peu ridicule, retient surtout ces nombreuses manifesta­
tions de sympathie, qui les confortent dans leur choix.
Les problèmes de voisinage sont parfois moins cocasses. Au
choix, les vols de vendange. Des vignerons indélicats, en manque de
raisin, sont parfois tentés de se servir chez le voisin. Les vendanges
2018, particulièrement peu abondantes dans le Bordelais, ont ainsi
donné lieu à divers vols, de plusieurs centaines de kilos à Saint­Emilion
jusqu’à 6,5 tonnes de raisin (l’équivalent de 25 000 à 30 000 grappes)
dans une propriété en AOC bordeaux supérieur. La gendarmerie de
Gironde était, la même année, parvenue à démanteler « un réseau de
trafiquants de raisin » organisé par un château du Libournais.
Ça fauche partout. Même à Paris, les vignes municipales du
parc de Bercy ont été complètement ratissées avant la vendange offi­

cielle. Le vol de raisin sur pied est parfois plus subtil, à coups d’une
grappe par cep, sur plusieurs hectares. Discret mais efficace. Les
gendarmes des vignobles où la moindre baie vaut de l’or multiplient
désormais les rondes et les surveillances en période de vendange. A
cheval, le plus souvent. Et personne alors ne critique leurs crottins.
Plus question de plaisanter quand le voisin est une école. Les
domaines viticoles qui jouxtent ces lieux sensibles ont l’habitude de
prévenir lors des épandages. Et prennent garde au vent, qui peut por­
ter les produits au mauvais endroit. Las, deux châteaux bordelais ont
été accusés, en mai 2014, d’avoir causé irritations et malaises chez des
écoliers et leur enseignante, lors de traitements des vignes avoisinan­
tes. Et contre les idées reçues, l’un des domaines était pourtant certifié
bio. En avril, le tribunal correctionnel de Libourne a relaxé les proprié­
taires des vignobles, en l’absence de « lien de certitude entre épanda­
ges et symptômes ». Les parties civiles font appel.
De nouveaux conflits se profilent : la définition de zones où il
serait interdit de traiter (zones de non­traitement) est une nouvelle
mèche prête à flamber. Dix mètres entre les épandages de vigne et les
habitations, propose le gouvernement. Cent cinquante mètres, répli­
quent les associations écologistes. Au cas par cas, déclare, crispée, la
FNSEA. Dans les grands crus bourguignons, où parfois les rangs de
vigne dépassent le million d’euros à l’hectare, et où moins d’un mètre
les sépare des maisons, ces zones tampons sont de haute importance.
La guerre des voisins a encore de beaux jours devant elle.

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CHANG-KI CHUNG POUR « LE MONDE »

« Enterré vivant » et « crypte maudite »



Et si on jouait à se faire peur? Les escape games, dont le prin-
cipe est de résoudre en équipe une énigme, grâce à des indices,
explorent volontiers le filon de la peur. Petit frisson avec Skeleton
Key, au Manoir de Paris, qui propose de pénétrer dans la crypte
où se trouve le caveau ancestral de la famille Saint-Germain
pour y délivrer le gardien de sa malédiction. Autre bravade, et
grande frayeur, chez Destination danger, où il revient de mettre
un pied, et pas seulement, dans son « Enterré vivant ». Chaque
joueur – c’est un escape game en duo – est installé dans un cer-
cueil, où il dispose d’une heure pour résoudre l’énigme et (re)ga-
gner le grand air. « Aucun remboursement en cas de claustro-
phobie ou de stress », avertit l’organisateur. Prêt à relever le défi,
« allongé, enfermé, seul, dans le noir et le silence »?
Skeleton Key, et sa « Crypte maudite », à Paris 10e. A partir de 111 euros
pour 3 personnes. Skeletonkey.fr. Destination danger, et son « Enterré
vivant », à Paris 12e. 70 euros en duo. Destinationdanger.fr



Vampires sur grand écran
> Les canines du vampire, et l’avidité de cette créature au teint
indéfectiblement blafard, sont légendaires. Cette sombre icône,
ni tout à fait morte, ni tout à fait vivante, et à laquelle la Cinéma-
thèque de Paris consacre exposition et rétrospective, a inspiré
de nombreux écrivains, cinéastes, peintres et photographes, de-
puis le célèbre roman Dracula, de Bram Stoker, à la fin du
XIXe siècle, jusqu’à la saga Twilight, de Stephenie Meyer. A
l’écran, on tremblera devant Le Vampire, de Jean Painlevé (1939),
Une messe pour Dracula, de Peter Sasdy (1969), Un vampire à
Brooklyn, de Wes Craven (1996), jusqu’au plus récent vidéoclip
Niemand, de Bertrand Mandico (2018). L’exposition a prévu un
parcours pour les plus jeunes (9 ans et plus) guidés, une fois par
mois, par la conteuse Ariane Pawin. Gousses d’ail et pieux vive-
ment recommandées.
Exposition « Vampires, de Dracula à Buffy » et rétrospective à la
Cinémathèque de Paris. Films, rencontres, conférences et spectacles
jusqu’au 19 janvier 2020. Cinematheque.fr

Danse avec les zombies
> Porte qui grince, pas qui résonnent, hurlements glaçants du
loup... Le Thriller de Michael Jackson inaugure ce bal des
zombies, décharnés mais pris d’un rythme endiablé. Spotify a
concocté cette playlist Halloween 2019, soit 83 titres éclecti-
ques pour se glacer le sang, avoir la chair de poule, claquer des
dents... et se mettre à danser comme un damné (ou prendre ses
jambes à son cou). Idéal pour réchauffer les soirées lugubres,
sinon pour animer les soirées thématiques et, pourquoi pas,
les goûters d’enfants. Du Cannibal autotuné, de Kesha, aux
prenantes Hells Bells, d’AC/DC, en passant par le générique de
« La Quatrième dimension », le psychédélique Voodoo Child, de
Jimi Hendrix, ou encore le plus classique Songe d’une nuit de
sabbat, d’Hector Berlioz.
« Halloween playlist 2019 », gratuit sur Spotify, après inscription :
Open.spotify.com

T E S T É E T A P P R O U V É

Trois idées pour se faire flipper avant Halloween


Marlène Duretz
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