Les Echos - 14.10.2019

(Ron) #1

44 // Lundi 14 octobre 2019 Les Echos


Publicis fait la preuve par l’absurde du
manque d’investisseurs « longs » en Bourse.

Le « marché » a toujours raison, assure l’adage boursier. Mais il a parfois ses
raisons que la raison ne connaît pas. Il est rare qu’une entreprise lui rappel-
le à deux mois de la fin de l’année qu’elle vise une meilleure marge d’exploi-
tation et une plus forte croissance du bénéfice net qu’il ne l’anticipe, et qu’el-
le voit son titre sanctionné en retour d’une coupe claire de 14,5 %. Publicis
en a pourtant fait l’expérience vendredi. C’est peu dire que le temps de cer-
veau disponible pour les gérants d’agences de publicité a diminué avec la
baisse de leurs ratios boursiers, de 25 à 35 % en deux ans et demi. Leur
croissance organique, qui suivait celle du PIB, s’en est dans le même temps
déconnectée, selon Barclays, alors que s’affirmait la disruption du secteur.
La progression des revenus est plus que jamais perçue comme le Graal,
une quête dans laquelle le numéro trois mondial de la communication, di-
rigé par Arthur Sadoun, fait figure de bouc-émissaire facile après la deuxiè-
me révision en baisse de ses prévisions en trois mois. Parti plus vite dans la
transformation numérique, il en subit plus tôt un coût qui lui vaut une dé-
cote absurde, de 30 à 45 % sur ses pairs, alors qu’il engrange les nouveaux
budgets et qu’il maintient la meilleure rentabilité du secteur. S’ils ne portent
pas leur regard plus au loin, les chevaliers de la Bourse qui tourne en rond
vont au-devant d’autres surprises.

Le Graal d’Arthur


« Happy again »? La saison des
publications pourrait marquer le
troisième trimestre d’affilée de re-
cul des bénéfices des 500 plus
grandes entreprises cotées améri-
caines. A près de 10 % en début
d’année, leur croissance escomp-
tée est tombée à 2 %. Or, l’amélio-
ration des profits va devenir de
plus en plus importante pour
l’évolution à venir des bourses
mondiales, estime Jean Boivin.
L’économiste en chef de Black-
Rock Investment Institute consta-
te que l’expansion des multiples
de valorisation (le ratio cours/bé-
néfices estimés à 12 mois), et non
la courbe des résultats, a été « le
principal facteur » de leur perfor-
mance cette année. Les marchés
parient d’après lui sur un « niveau
exagéré » d’assouplissement mo-
nétaire supplémentaire, ce qui
« laisse supposer une augmenta-
tion des multiples limitée dans le
futur ». Chanter sous la pluie ne
sera plus aussi agréable...

Les bénéfices n’ont pas fait la hausse des Bourses mondiales cette année.
Hasso, les poulains et le crocodile

SAP rajeunit sa direction pour poursuivre
sa mue vers le cloud.

« Quiconque réussit devrait contribuer au succès de la génération suivan-
te. » Le cofondateur et président du conseil de surveillance de SAP, Has-
so Plattner, tient encore parole, en intronisant sa troisième génération
de patrons au directoire de la première capitalisation technologique
européenne (140 milliards d’euros). Son nouveau tandem – une spécia-
lité maison – signe même un doublé de gouvernance, en offrant au
DAX sa première patronne – Jennifer Morgan – et son plus jeune boss –
Christian Klein –, deux poulains de l’intérieur. Bien aidé par un troisiè-
me trimestre meilleur que prévu, le départ surprise de Bill McDermott
a provoqué un torrent de larmes de crocodile à Francfort (+10 % pour
l’action). Vu la « disruption » numérique, les grands managers évitant
le combat de trop sont bien vus, comme l’avait déjà prouvé Dave Lewis
chez Tesco au début du mois. Seul aux manettes depuis 2014, le CEO
sortant a remotivé les troupes et musclé l’offre du leader historique
du progiciel de gestion à coup d’acquisitions (une trentaine de milliards
pour les plus marquantes). Le grand pivot promis vers le cloud n’a pas
encore enchanté tous les clients et actionnaires, comme
l’a signalé l’arrivée de l’activiste Elliott. La nouvelle génération n’aura
pas la tâche facile pour doubler la capitalisation boursière d’ici à 2023
comme il l’espérait, en améliorant les marges sans rogner trop sur
les investissements.

// Budget de l’Etat 2019 : 39 0,8 milliards d’euros // PIB 2018 : 2 .350 milliards d’euros courants
// Plafond Sécurité sociale : 3 .377 euros/mois à partir du 01-01-2019 // SMIC horaire : 10 ,03 euros à partir du 01-01-2019
// Capitalisation boursière de Paris : 1.684,85 milliards d’euros (au 09-10-2019)
// Indice des prix (base 100 en 2015) : 104 ,86 en août 2019 // Taux de chômage (BIT) : 8,2 % au 2e trimestre 2019
// Dette publique : 2 .322,3 milliards d’euros au 3e trimestre 2018

=
Les chiffres de l'économie

Just singin’ in the rain


crible


EN VUE


Abiy Ahmed


V


endredi matin les radios cher-
chant les « papabile » pour le
prix Nobel de la paix évo-
quaient le nom de Greta Thunberg.
Peut-être parce qu’elle avait manqué de
peu celui de physique. Bref, on ne voyait
pas trop le rapport. Déjà que la veille, le
jury de Stockholm avait, en littérature,
douché nos espoirs de voir enfin sacré le
grand Kundera, au moins il n’a pas raté
Abiy Ahmed. Le Premier ministre
éthiopien au pouvoir depuis avril 2018
réussit après vingt ans de guerre un rap-
prochement s pectaculaire avec
l’Erythrée. A 43 ans, comme tout diri-
geant quadragénaire qui se respecte, il
est le roi du « en même temps ». Abiy a
donc aussi fait progresser la démocratie
dans ce pays à la tradition autoritaire,
libéré des milliers de prisonniers politi-
ques. Le fils d’un « parent 1 » musulman
et d’un « parent 2 » chrétienne (habi-
tuons-nous dès maintenant à la novlan-

gue qui nous attend) a grandi dans une
maison sans électricité ni eau courante.
S’il a attendu l’âge de 10 ans pour décou-
vrir l’asphalte et l’électricité. Pour le
reste, il a brûlé les étapes. A peine ado, à
15 ans, il s’engage dans la lutte armée
contre la dictature de Mengistu, ce qui
le conduira à une carrière politique
après la chute du potentat en 1991.
L’opérateur radio progresse dans
l’armée pour participer à la fondation,
en 2008, de l’Agence nationale du ren-
seignement. En 2015, il est ministre
des Sciences. Le Nobel devra lui donner
de l’énergie sur cette route difficile à
l’instar de la plupart des voies africai-
nes. La paix érythréenne doit encore
être consolidée, et la démocratie renfor-
cée dans un Etat qui se traîne encore à la
128 e place dans l’indice de démocratie
2018 de « The Economist ». Lorsque l’on
se prénomme « Révolution », rien n’est
impossible.

La Bourse de Paris s’enthousiasme



  • La place de Paris a connu ven-
    dredi sa meilleure séance depuis
    plus de deux mois. Elle a profité du
    double espoir d’un compromis
    entre les Etats-Unis et la Chine s ur le
    commerce et d’un rapprochement
    des positions de Londres et Bruxel-
    les sur la sortie du Royaume-Uni de
    l’Union européenne. Le CAC 40 a
    gagné 1,73 %, montant à
    5.665,48 points, dans un volume
    d’échanges nourri de 4,58 milliards
    d’euros. Sur la semaine, il a
    engrangé 3,23 %, sa meilleure per-
    formance hebdomadaire depuis la
    mi-mars. L’indice, qui progresse de
    19,76 % depuis janvier, approche de
    nouveau ses plus hauts niveaux de
    l’année, non loin d es s ommets de fin
    2007. L es banques ont été soulagées
    par les signaux encourageants sur
    le Brexit. BNP Paribas a pris
    4,72 %, Crédit Agricole SA
    4,52 %, Société Générale 5 ,27 % et
    Natixis 6 ,27 %. Le secteur de la
    sidérurgie, sensible aux soubre-
    sauts commerciaux, a également
    fini en forte hausse. ArcelorMittal
    a gagné 5,87 % et Aperam 5 ,68 %.
    Tout comme le fabricant de semi-
    conducteurs STMicroelectro-
    nics (+7,06 %). Renault a pris
    5,12 % après la confirmation de la
    révocation de son directeur géné-
    ral, Thierry Bolloré. Publicis a
    plongé de 14,51 % et touché un plus
    bas depuis sept ans après un aver-
    tissement sur ses résultats.

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