Les Echos - 14.10.2019

(Ron) #1
Le président des Etats-Unis, Donald Trump (de face), le vice-Premier ministre chinois, Liu He et Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce,
se sont rencontrés vendredi 11 octobre à Washington. Photo Yuris Gripas/Reuters

que des « progrès importants ont été
réalisés dans de nombreux domai-
nes » mais que du travail restait à
faire. Aucune euphorie non plus
dans la presse officielle chinoise
samedi. Alors que l’agence « Chine
Nouvelle » note sobrement que les
deux parties ont convenu d’avancer
vers un accord final, le « Global
Times » estime que « des efforts sont
encore nécessaires pour trouver une
issue » et appelle à regarder les pro-
grès effectués à Washington de
manière « rationnelle et calme ».
« Le résultat final dépendra bien sûr
de la capacité des États-Unis à mar-
cher de concert avec la Chine e t à créer
les conditions nécessaires et suffisan-
tes pour aller de l’avant », prévient le

« Quotidien du peuple », pour qui la
Chine défendra toujours « ses inté-
rêts vitaux » et ne négociera pas sur
« des questions de principe ».
Les deux parties ont abordé les
discussions dans un climat de
défiance. Washington a annoncé
en début de semaine inscrire sur
liste noire huit entreprises chinoi-
ses spécialisées dans la vidéosur-
veillance et l’intelligence artifi-
cielle, en représailles à la
répression des Ouïghours, une
minorité musulmane du nord-
ouest de la Chine. Et un tweet de la
NBA, la ligue américaine de basket,
a créé ces derniers jours une mini-
crise diplomatique avec Pékin.
Mais Donald Trump, qui affirmait

ces d ernières semaines n e pas avoir
besoin d’un accord partiel d’ici
l’élection présidentielle de 2020, est
attaqué sur plusieurs fronts et il a
besoin de donner des gages, sinon
de faire diversion.

Montagnes russes
A la Chambre des représentants, l es
démocrates, d’abord, ont lancé
une procédure de destitution con-
tre le président, et maintiennent la
pression. Des élus républicains,
désormais, contestent aussi vigou-
reusement s a décision d e retrait des
troupes américaines au nord de la
Syrie, q ui ont permis à la Turquie de
mener une offensive contre les Kur-
des jusqu’ici alliés de Washington.

Les rapports se multiplient aussi
sur l’impact de la guerre commer-
ciale sur la croissance économique.
En début de semaine, la nouvelle
dirigeante du Fonds monétaire
international Kristalina Georgieva
a appelé à « agir », alors que l’insti-
tution va de nouveau réviser à la
baisse ses prévisions de croissance
mondiale.
L a Bourse de N ew York a terminé
la semaine en nette hausse ven-
dredi, e ntraînée par leur optimisme
autour des discussions commercia-
les. Les montagnes russes encais-
sées par les entreprises ces dix-huit
derniers mois sur le front commer-
cial devraient inciter celles-ci à être
plus circonspectesn

lLes Etats-Unis vont suspendre la hausse prévue mardi de droits de douane sur 250 milliards de dollars d’importations chinoises.


lLa Chine accepterait des concessions sur la propriété intellectuelle, les services financiers, et achèterait des produits agricoles.


Guerre commerciale : Washington et Pékin


à pas comptés vers un premier accord


Carole Dieterich
—Correspondante à New Delhi

Malgré des relations houleuses
entre l’Inde et la Chine, les diri-
geants des deux pays les plus peu-
plés de la p lanète s emblaient déten-
dus. A l’o ccasion d’un sommet
informel, d ont l’objectif é tait d’apai-
ser les tensions entre les deux
géants asiatiques, le Premier
ministre Narendra Modi a
accueilli, vendredi et samedi, le
président c hinois Xi Jinping dans la
ville côtière de Mahabalipuram.
Dans cette cité aussi idyllique
que symbolique – elle fut autrefois
un lieu clef dans l e commerce e ntre
l’Inde et la Chine – Narendra Modi
et Xi Jinping ont cumulé six heures
d’entretiens en tête-à-tête. Au c ours
de ces discussions, les sujets qui
fâchent ont soigneusement été évi-
tés pour parvenir à des déclara-
tions prônant l’apaisement.

Le Premier ministre indien,
Narendra Modi, a reçu le
président chinois Xi Jinping
pour un sommet informel
de deux jours et se sont mis
d’accord pour créer un
mécanisme de dialogue sur
leurs différends économiques.

« Nous avons décidé de gérer nos
différences avec prudence, pour
qu’elles ne se transforment pas en
différends », a déclaré Narendra
Modi saluant l’ouverture d’une
« nouvelle ère de coopération » entre
l’Inde et la Chine. Pour reprendre
l’image évoquée par Xi Jinping cité
par l’agence officielle chine nou-
velle : il est dans l’intérêt des deux
pays que le dragon et l’éléphant
dansent ensemble.

Un mécanisme de dialogue
Concrètement, l’Inde et la Chine se
sont surtout mises d’accord sur la
création d’un mécanisme de dialo-
gue qui devra s’attaquer aux ques-
tions commerciales et d’investisse-
ment. Un sujet particulièrement
cher à New Delhi, son déficit com-
mercial avec la Chine s’élevant à
53 milliards de dollars.
Pas un mot en revanche sur
l’épineuse question du Cachemire
qui était pourtant dans tous les
esprits. « Les sujets controversés
n’ont délibérément pas été soulevés :
la Chine et l’Inde se sont mises
d’accord, elles sont en désaccord »,
juge Srikanth Kondapalli, profes-
seur spécialiste de la Chine à l’uni-
versité de Jawaharlal Nehru à New
Delhi. Les messages sur le Cache-

mire ont été passés ultérieurement
par d’autres canaux, estime-t-il.
Quelques jours à peine avant ce
sommet informel, l’Inde et la Chine
avaient encore eu de vifs échanges
à ce sujet. Xi Jinping réaffirmant
son soutien aux « droits légitimes »
sur le Cachemire de son allié pakis-

tanais. Ce à quoi New Delhi avait
immédiatement répliqué qu’il
ne revenait pas « à d’autres pays de
commenter les sujets internes à
l’Inde ».
Islamabad bénéficie du soutien
diplomatique de Pékin aux Nations
unies sur la question du Cache-
mire, que l’Inde e t le Pakistan se dis-
putent depuis des décennies. La
révocation brutale de l’autonomie
de la région himalayenne par New
Delhi au début du mois d’août avait
profondément agacé Pékin qui en
revendique également certaines
parties.

« Une passe difficile »
« Les relations sino-indiennes
traversent une passe difficile et ce
sommet n’a pas changé leur nature
conflictuelle et concurrentielle »,
estime a insi Harsh Pant, c hercheur
à l’Observer Research Foundation
de New Delhi.
Xi Jinping s’est ensuite envolé
pour le Népal voisin où la Chine
développe de plus en plus d’infras-
tructures dans le cadre de ses nou-
velles routes de la soie. Une visite
que New Delhi surveille assuré-
ment de près dans un pays dont
l’Inde est traditionnellement le
principal allié.n

New Delhi et Pékin cherchent l’apaisement


Il a dit


« Nous avons décidé
de gérer
nos différences
avec prudence,
pour qu’elles
ne se transforment
pas en différends. »
NARENDRA MODI
Premier ministre indien
Photo Nicholas Kamm/AFP

RETROUVEZ«L’ÉDITOECO»
À7H45DULUNDIAUVENDREDI

SUR


en bref


Le Premier ministre éthiopien


Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix


Le Nobel de la paix a récompensé vendredi le Premier ministre
éthiopien Abiy Ahmed, artisan d’une réconciliation spectacu-
laire avec l’ex-frère ennemi érythréen et père de réformes suscep-
tibles de transformer en profondeur un pays longtemps livré à
l’autoritarisme. Le dirigeant éthiopien est récompensé « pour ses
efforts en vue d’arriver à la paix et en faveur de la coopération inter-
nationale, en particulier pour son initiative déterminante visant à
résoudre le conflit frontalier avec l’Erythrée voisine », a expliqué la
présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen.
Après le gynécologue congolais Denis Mukwege distingué con-
jointement avec Yazidie Nadia Murad l’an dernier, il est le
deuxième Africain d’affilée à remporter le Nobel de la paix.


« Il y a eu beaucoup
de frictions entre
les Etats-Unis
et la Chine,
mais maintenant,
c’est un festival
d’amour. »
DONALD TRUMP
Président des Etats-Unis

Véronique Le Billon
@VLebillon
—Correspondante à New York
Frédéric Schaeffer
@fr_schaeffer
—Correspondant à Pékin


Une accalmie. A l’issue de deux
journées de discussions à Washing-
ton, le président américain Donald
Trump et le vice-Premier ministre
Liu He ont fait un pas vendredi vers
un premier accord pour résoudre
les différends commerciaux entre
les deux pays. La concession améri-
caine est toutefois à ce stade la plus
précise : Washington va suspendre
la hausse de 5 points (de 25 à 30 %)
des droits de douane sur quelque
250 milliards de dollars d’importa-
tions chinoises, qui était prévue ce
15 octobre, a annoncé le représen-
tant américain au Commerce,
Robert Lighthizer. En contrepartie,
la Chine ferait des concessions sur
la propriété intellectuelle, les servi-
ces financiers, et achèterait des pro-
duits agricoles.
Les Etats-Unis et la Chine sont
« très près » d’enterrer la hache de
guerre, a estimé le président améri-
cain. « Il y a eu beaucoup de frictions
entre les Etats-Unis et la Chine, mais
maintenant, c’est un festival
d’amour », a-t-il poursuivi. Tempé-
rant les déclarations de Donald
Trump, le secrétaire au Trésor
Steve Mnuchin a de son côté indi-
qué qu’il restait du travail à faire
avant de s igner un accord. Si ces tra-
vaux aboutissent, le président amé-
ricain et son homologue chinois Xi
Jinping doivent se rencontrer au
forum de Coopération Asie-Pacifi-
que, prévu le 16 novembre au Chili.
Il n’y a pas, à ce stade, d’annonce sur
la dernière vague de droits de
douane prévue le 1 er décembre, qui
doit porter sur 160 milliards de dol-
lars d’importations chinoises.


Grande prudence à Pékin
La partie chinoise est également
restée très prudente. Avant de quit-
ter Washington, Liu He a déclaré


BILATÉRAL


MONDE


Lundi 14 octobre 2019Les Echos

Free download pdf