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SAMEDI 26 OCTOBRE 2019
styles
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Notre journaliste a réalisé ce
trek avec Terres d’aventure.
Terres d’aventure propose
le trek vers le K2 et le col
de Gondogoro. Prochain
départ le 11 juin (24 jours,
à partir de 5 050 €).
Terdav.com
ou 0170829000.
Attention, classé 5 chaussu
res, le voyage demande
autour de sept heures de
marche par jour environ,
pendant quatorze jours, et
exige une très bonne condi
tion physique (on monte à
plus de 5 000 mètres, zone
dans laquelle le mal des
montagnes peut frapper),
plus une expérience de
cramponnage pour le pas
sage du col. Nous sommes
en haute montagne, et rien
n’y est sûr : le passage du col
n’est pas garanti, et un
échec (des jours de sécurité
autorisent deux tentatives,
trois au grand maximum)
oblige à repartir en sens in
verse au lieu de terminer la
boucle par la vallée de Gon
dogoro. Un guide français
accompagne le voyage.
La compagnie Qatar
Airways opère des vols de
ParisCDG1 via Doha, vers le
Pakistan. 2 vols quotidiens
pour Islamabad.
Renseignements sur
Qatarairways.com. De là, il
faut prendre un avion pour
Skardu, et un 4 × 4 pour re
joindre Askole.
C A R N E T
D E R O U T E
VOYAGE
askole (pakistan)
C
eux qui avaient la
chance de l’avoir « fait »
en parlaient d’un air
gourmand, comme
d’une merveille inaccessible. De
puis une dizaine d’années, le Ka
rakoram, massif montagneux
dans le nord du Pakistan, était
classé « rouge » par le ministère
des affaires étrangères, interdi
sant à ceux qui ne souhaitaient
pas y partir seuls l’un des plus
beaux treks du monde, le cin
quième d’après le classement du
Lonely Planet : trois semaines de
marche dans un univers pure
ment minéral, écrasant et su
blime à la fois, dominé par de gi
gantesques montagnes et mon
tant au pied du K2, le deuxième
plus haut sommet du monde
(8 611 m), pour passer ensuite le
mythique col du Gondogoro
(5 585 m). Depuis mai 2018, la zone
a été reclassée en « orange », et les
touropérateurs d’aventure ont
pu remettre à leur programme ce
trek exceptionnel.
L’aventure commence dans le
petit village d’Askole, effleuré par
les dernières vagues du glacier
Biafo, le troisième plus long du
monde. Ses quelques maisons en
torchis, sa rue principale, ses fem
mes écrasées sous de lourdes
charges de foin sont les dernières
traces de vie que nous verrons en
trois semaines. Le Karakoram est
la zone la plus jeune de l’Hima
laya. Tout y est acéré, élancé,
comme jeté vers les cieux. Pas
d’arrondis ici, pas de formes dou
ces ou érodées : les pics se succè
dent les uns aux autres, faces pla
tes et lisses, parfois rectilignes,
formes pyramidales se poussant
presque du coude pour mieux at
teindre les cieux.
Le but final est double : d’abord
le plateau de Concordia (4 500 m),
dominé par le plus important re
groupement du monde des plus
hauts sommets de la planète –
quatre 8 000 m : le K2, les Gasher
brum I (8 080 m) et II (8 035 m) et
le Broad Peak (8 051 m) ; ainsi que
dix 7 000 m –, puis le col du Gon
dogoro, qui débouche sur la val
lée du même nom. Les étapes,
d’une dizaine de kilomètres cha
cune, demandent cinq à
sept heures de marche quoti
diennes. Chacune se termine
dans un camp, éphémère et sou
vent rudimentaire, de tentes que
des porteurs, partis les premiers
lourdement chargés, montent à
chaque étape. Rien ne saurait être
écrit sur ce trek somptueux qui
ne prenne aussi en compte cette
donnée : tout ce que nous parcou
rons en ahanant, les porteurs pa
kistanais, pour la plupart issus de
la région montagneuse du Baltis
tan, le font avec des charges de
vingtcinq kilos sur le dos, parfois
de simples mocassins aux pieds,
et à une vitesse bien supérieure à
la nôtre.
La montée le long des glaciers
Biafo puis Baltoro est magnifique
pour les yeux et tuante pour les
pieds. Le terrain est dur. Il faut
avancer parmi des pierriers sur
lesquels le chemin se devine plus
qu’il ne se voit. Quelques passa
ges humides et boueux sont diffi
ciles même pour les mules. Par
fois, il faut passer sur un pont
plus ou moins solide, et avancer
audessus du flot impétueux des
rivières Braldu ou Panma. Mon
tées et descentes se succèdent au
gré des crevasses, égayées parfois
par la bouche d’une grotte gla
ciaire laissant passer une eau
verte et glaciale. Des morceaux
de glace blanche émergent,
comme de grosses meringues sur
un gâteau.
Chaque matin, le paysage est
plus austère que la veille. Le
brouillard, qui nous est tombé
dessus après trois jours de grand
beau temps et de grosse chaleur,
lui donne un aspect mystérieux,
fantomatique, une allure de ta
bleau de Caspar David Friedrich.
Autour de nous, les monts se suc
cèdent : Paiju Peak, Cathedral
Peak (6 247 m), dont le sommet
évoque vaguement la silhouette
de NotreDame de Paris, les tours
de Trango (6 286 m pour la plus
haute), gigantesques parois de
granit, terrifiant Graal pour les
grimpeurs. Il est courant de voir,
d’un côté ou de l’autre, dans un
tourbillon neigeux, se déclencher
une avalanche.
Une écharpe de nuages
Le plateau de Concordia n’offre
aux yeux que sommets enneigés
et cimes imposantes. Au loin le
Chogolisa (7 665 m), le Crystal
Peak (6 252 m), le Marble Peak,
plus proches des hauteurs plus
évasées du Broad Peak, derrière
les élancements des Gasherburm.
Et, incontestable vedette des
lieux, le triangle presque parfait
TOUT CE QUE
NOUS PARCOURONS
EN AHANANT,
LES PORTEURS PAKISTANAIS
LE FONT AVEC DES CHARGES
DE VINGTCINQ KILOS
SUR LE DOS, PARFOIS
DE SIMPLES MOCASSINS
AUX PIEDS, ET À UNE
VITESSE BIEN SUPÉRIEURE
À LA NÔTRE
au pied
du k2
L’un des plus
beaux treks
mène au K2,
au Pakistan,
la montagne
la plus
dangereuse
du monde.
Longtemps
classé en « zone
rouge » par
le ministère
des affaires
étrangères,
il est à nouveau
accessible.
Aux marcheurs
aguerris...
Glacier
Biafo
PAKISTAN
CHINE
Askole
Skardu
Hushe
Plateau de
Concordia
K2
(8 611 m)
Gasherbrum I
(8 080 m)
Broad Peak
(8 051 m)
Col du
Gondogoro
20 Km
tera alors aux malchanceux qu’à
refaire le chemin en sens inverse.
Ceux que le dieu des cimes aura
bénis ne seront pour autant pas
au bout de leurs peines. La des
cente de l’autre côté du col, vers la
vallée de Gondogoro, est presque
plus dure que la montée. C’est un
(très) long éboulis au flanc de la
montagne, sous la menace per
manente de chutes de pierres. Là
encore, des cordes sont nécessai
res, sur lesquelles on se déplace
avec un mousqueton et un nœud
autobloquant. Il faut faire vite,
puiser dans ses dernières forces
avant de rejoindre, trois heures
d’inquiétude plus tard, une plus
sûre moraine. En bas, deux lacs
jumeaux, l’un bleu, l’autre vert,
miroitent côte à côte.
De l’autre côté du col, le paysage
change du tout au tout. Il s’adou
cit, prend des allures alpestres. On
y voit des bouquets de fleurs vio
lettes et roses, des asters, des
edelweiss. Au camp de Huis
prung, où enfin il est permis de
s’arrêter, les glaciers de Trinity et
du Gondogoro se rejoignent, et le
Laila Peak (6 096 m), dont la flè
che s’élance avec la pureté d’un
dessin géométrique, se reflète
dans les eaux de la rivière. C’est
ensuite la paisible descente vers le
village d’Hushe. La civilisation se
fait d’heure en heure plus pré
sente. Dans des champs cultivés,
des femmes (surtout des fem
mes) travaillent dès potronmi
net. Les chèvres se multiplient, et
des bœufs font leur apparition. En
approchant d’Hushe, le vrombis
sement d’un moteur se fait enten
dre. Nous savons alors que nous
sommes bien redescendus.
hubert prolongeau
du K2, au cou souvent enrubanné
d’une écharpe de nuages. Son
camp de base (accessible après
huit à dix heures de marche sup
plémentaire) abrite le mémorial
dressé pour ceux qui ont voulu le
vaincre et n’en sont jamais reve
nus. Montagne la plus dange
reuse du monde, le K2 fait lourde
ment payer leur audace à ceux qui
entreprennent de le gravir :
378 personnes y sont parvenues,
et 85 y ont trouvé la mort.
Mais le vrai clou du trek se situe
quelques heures de marche plus
loin : l’ascension du col de Gondo
goro, égale en difficulté et en ver
tige à celle d’un sommet. Le dé
part se fait en début de nuit, à
22 heures, pour que la neige soit la
meilleure possible. La lune, pres
que pleine, baigne le décor d’une
lueur laiteuse. Après une marche
nocturne d’une heure sur le gla
cier, ce sont 800 mètres de déni
velé à gravir, souvent sur des pen
tes très raides. La majeure partie
du parcours est d’ailleurs effec
tuée avec un Jumar, cette poignée
bloquante très utilisée en spéléo
logie, accroché à des cordes fixes.
Au fur et à mesure de l’avance, le
soleil se découvre et caresse le K2,
qu’il peint en rose pale, triangle
lumineux qui accompagne le
grimpeur. Au sommet, les plus ra
pides assistent à la montée de
l’aurore sur la chaîne, les plus
lents prenant en cours de route le
spectacle, ce qui n’en atténue nul
lement la magie. Ce passage du
col est le grand moment du
voyage. Il en est aussi le plus aléa
toire. Le mauvais temps et sur
tout une neige trop peu gelée
dans laquelle on s’enfonce peu
vent en interdire l’accès. Il ne res
A gauche : la descente
dans la vallée
du Gondogoro.
Cicontre : les sherpas
au pic Paiju.
Cidessous : au fond
le K2 (à gauche)
entouré de nuages
et le Broad Peak
(à droite) depuis le
plateau de Concordia.
PHILIPPE BARTHEZ