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SAMEDI 26 OCTOBRE 2019 0123 | 31
L
e 2 octobre, la Fondation
Vuitton a ouvert une ex
position consacrée à la
designer Charlotte Per
riand. Elle occupe toutes les salles
du bâtiment de Frank Gehry, soit
près de 4 000 m^2. On y voit re
constituées la plupart des créa
tions les plus remarquables de
l’artiste, exercice d’autant plus
délicat – et donc onéreux – qu’il a
fallu, pour certaines, refaire à par
tir des documents existants des
éléments qui avaient disparu.
Quelle autre institution française
en serait capable aujourd’hui?
Très probablement aucune.
En 2016 déjà, le Musée d’Orsay
n’avait pas les moyens de faire ve
nir de Russie la collection Cht
choukine (Monet, Cézanne, Gau
guin, Matisse, Picasso...), ce qu’a
fait la Fondation Vuitton en atti
rant 1,2 million de visiteurs.
Le 10 octobre, la collection Pi
nault a entrouvert son chantier de
la Bourse du commerce, confié à
Tadao Ando. Ce que l’on en a vu
annonce un monument specta
culaire, avec, en son centre, le haut
cylindre de béton qu’Ando dresse
sous la verrière de la coupole et,
tout autour, trois anneaux super
posés de galeries, 3 000 m^2 d’espa
ces d’exposition, plus ou moins
vastes selon leur destination, de
l’installation à la photo et la vidéo.
La Bourse du commerce ouvrira
à la mijuin 2020. Le Centre Pom
pidou, qui était depuis son inau
guration, en 1977, la citadelle de
l’art vivant voulue par le prési
dent de la République qui lui a
donné son nom, ne dominera
plus le paysage du haut de son iso
lement. A l’est, côté Marais, rue du
Plâtre, se trouve, depuis
mars 2018, Lafayette Anticipa
tions, site de la Fondation d’entre
prise Galeries Lafayette imaginé
par un autre architecte de premier
rang, Rem Koolhaas. Et à l’ouest,
donc, la Bourse du commerce
- deux fondations privées enca
drant l’institution publique. Cel
leci devra apprendre à vivre avec
ses nouvelles jeunes voisines.
Le ministère en spectateur
Depuis octobre 2014, date de
l’inauguration de la Fondation
Vuitton, le paysage parisien de
l’art contemporain a donc été
transformé – et cela par des initia
tives privées. Aux trois citées,
s’ajoutera en 2023, si les délais pro
mis sont tenus, la fondation d’art
Emerige voulue par le fondateur
du groupe immobilier du même
nom Laurent Dumas : 5 000 m^2
sur l’île Seguin. Le projet est confié
à l’agence barcelonaise RCR,
auteure du Musée Soulages à Ro
dez. Le temps où l’actualité des ex
positions se jouait entre le Musée
national d’art moderne (MNAM),
au Centre Pompidou, et le Musée
d’art moderne de la Ville de Paris
(MAMVP) est donc passé. Il est si
gnificatif de cette mutation que la
Fondation Vuitton ait pour direc
trice artistique Suzanne Pagé,
auparavant directrice du MAMVP.
L’ouverture, en 1994, de la Fonda
tion Cartier de Jean Nouvel, boule
vard Raspail, apparaît rétrospecti
vement comme le signe (très)
avantcoureur de ce phénomène.
Une première remarque,
d’abord : un tel faceàface du pu
blic et du privé n’aurait aucun
sens aux EtatsUnis, où tous les
grands musées, à l’exception de la
National Gallery de Washington,
doivent leur existence aux mil
liardaires dont ils portent le nom
- Whitney ou Guggenheim à New
York, le Menil Collection à Hous
ton ou le Broad à Los Angeles – ou
qui ont réuni leurs moyens pour
les fonder – le Museum of Mo
dern Art et le Metropolitan à New
York. Mais le passé des musées
français est autre : indissocia
ble du pouvoir politique, qu’il
soit révolutionnaire, monarchi
que, impérial ou, plus modeste
ment, républicain.
Une deuxième ensuite, finan
cière et budgétaire. Les fonda
tions qui métamorphosent la vie
artistique parisienne exigent des
moyens qui semblent désormais
inaccessibles aux collectivités pu
bliques. La faiblesse de cellesci se
voit dès leurs budgets d’acquisi
tions. Celui du MNAM est infé
rieur ou au mieux – les bonnes
années – égal à 2 millions d’euros
par an. A titre de comparaison, à
la FIAC, la semaine dernière, un
Louise Bourgeois s’est vendu
1,75 million de dollars (1,57 mil
lion d’euros) et un Rauschenberg
1,7 million. Et, pour mémoire, un
triptyque de Bacon se vendait
142,4 millions de dollars en
2013, année où un Balloon Dog
de Koons dépassait 58 millions
chez Christie’s.
Dans ces conditions, il serait
chimérique de prétendre se me
surer avec Bernard Arnault,
deuxième fortune mondiale, ou
avec François Pinault, qui n’est
« que » la trentième fortune mon
diale mais propriétaire de la mai
son de vente Christie’s, ce qui lui
permet de jouer sur plusieurs ta
bleaux à la fois. Par ailleurs, ce qui
est vrai de leurs collections l’est
tout autant de leurs architectures.
Ces fondations ont pour cons
tructeurs les stars de la discipline
(Ando, Gehry, Koolhas, Nouvel)
qui coûtent naturellement cher,
d’autant plus cher qu’ils construi
sent aussi aux EtatsUnis, à Abou
Dhabi ou en Chine.
On pourrait donc s’en tenir à ce
constat : à Paris, en matière d’art
vivant, le pouvoir est en train de
changer de mains, si ce n’est déjà
fait. La baisse des moyens de l’Etat
d’une part, la puissance crois
sante de grands groupes et de
grands patrons d’autre part expli
quent le phénomène, sur lequel le
ministère de la culture reste dis
cret, se bornant à se féliciter pu
bliquement d’opérations aux
quelles il assiste en spectateur.
Jadis, pour combler un vide en
matière d’art vivant, l’autorité
politique de Georges Pompidou
imposait la construction de Beau
bourg, confiée à deux architectes
devenus depuis des références in
ternationales, Renzo Piano et Ri
chard Rogers. A la fin du XXe siè
cle, pour combler le vide en ma
tière d’arts non occidentaux,
l’autorité politique d’un prési
dent de la République, Jacques
Chirac, a imposé la création du
Pavillon des Sessions au Louvre
et la construction du Musée du
quai Branly, confiée à Jean Nouvel
et achevée en 2006. Entretemps,
les septennats de François Mit
terrand ont été ceux du Grand
Louvre de Ieoh Ming Pei et de la
BNF de Dominique Perrault.
Aucun des trois derniers prési
dents ne s’est engagé dans un
projet muséal d’une quelconque
ampleur. Faute de moyens, d’am
bition ou d’intérêt ?
L’
extraordinaire soulèvement popu
laire qui secoue le Liban depuis une
semaine a de quoi troubler les ob
servateurs habitués à ne considérer le pays
du Cèdre que comme une chambre d’écho
des convulsions du monde arabe. Des villes
du Nord, à majorité sunnite, au Sud chiite,
en passant par l’Est chrétien, des centaines
de milliers de Libanais de toutes confes
sions manifestent quotidiennement et pa
cifiquement pour réclamer non seulement
le départ du premier ministre, Saad Hariri,
mais aussi celui de l’ensemble de la classe
politique jugée incompétente et corrom
pue, et un changement de « système ».
L’annonce d’une taxe sur les appels pas
sés via WhatsApp a été l’étincelle, jeudi
17 octobre. Son annulation n’a nullement
apaisé la colère des manifestants qui,
comme à Bagdad ou à Alger, protestent
contre le dysfonctionnement ou l’absence
de services fondamentaux comme l’eau,
l’électricité et la santé, contre un chômage
galopant, contre un Etat au bord de la
faillite et la corruption de dirigeants agrip
pés au pouvoir. Le balai que brandissent
certains protestataires symbolise claire
ment leur objectif : faire le ménage.
Dans le cas du Liban, il s’agit aussi d’une
révolte contre le confessionnalisme, ce sys
tème de partage du pouvoir né de la guerre
civile qui segmente la société, enferme les
citoyens dans des communautés et institu
tionnalise le clientélisme et le pillage clani
que de l’argent public. Dans les défilés, seul
le drapeau national rouge et blanc frappé
du cèdre est brandi, toute autre bannière
étant absente. Spectacle jusqu’ici inimagi
nable, les manifestants de Tripoli, fief sun
nite, manifestent en solidarité avec ceux,
chiites, de Tyr, attaqués par les gros bras
d’Amal, le parti chiite du président du parle
ment Nabih Berri.
Trente ans après la fin de la guerre civile,
nulle manifestation fractionnelle, mais le
soulèvement spontané sans leader ni con
signe partisane d’un peuple qui cherche à
reprendre son destin en main. Alors que le
pays célébrera, en 2020, le centenaire de la
fondation du Grand Liban, Etat séparé de la
Syrie née du démantèlement de l’Empire
ottoman et placée sous mandat français,
on assiste à la renaissance d’une nation.
Audelà de l’émotion et du bonheur de
ces heures historiques, où peuvent mener
ces grandes retrouvailles du peuple liba
nais? Pour l’heure, le dynamisme de la so
ciété civile se heurte à l’immobilisme de la
classe politique. Les réformes ambitieuses
promises par le premier ministre, dont la
baisse de 50 % du traitement des ministres
et des députés, une ponction sur les ban
ques et l’aide aux plus pauvres, n’ont con
vaincu personne. Jeudi, le discours à la na
tion du président Michel Aoun, dénué d’an
nonces concrètes, a été perçu
comme creux, et le pays reste paralysé.
Dans un pays où les armes ne sont jamais
loin, où les animosités sont persistantes et
les dirigeants politiques virtuoses dans
l’art de se coopter et de se maintenir au
pouvoir, l’issue de ce soulèvement inédit
reste incertaine. La force du mouvement
populaire, son ardeur à dépasser les barriè
res confessionnelles doivent réjouir tous
les démocrates et les défenseurs d’un Liban
fort et indépendant des clans qui exploi
tent ses divisions pour perpétuer leur pou
voir et leur prospérité. Personne ne com
prendrait qu’après une insurrection aussi
profonde et unitaire – des scènes de frater
nisation avec les soldats dépêchés pour ra
mener l’ordre sont observées –, le pays, dé
sormais réconcilié avec luimême, rede
vienne comme avant.
POUR LE CENTRE
POMPIDOU, IL SERAIT
CHIMÉRIQUE DE SE
MESURER AVEC
BERNARD ARNAULT
LIBAN :
RENAISSANCE
Les nouveaux lieux D’UNE NATION
de pouvoir de l’art vivant
AUCUN DES TROIS
DERNIERS
PRÉSIDENTS NE
S’EST ENGAGÉ DANS
UN PROJET MUSÉAL
D’AMPLEUR
Tirage du Monde daté vendredi 25 octobre : 185 563 exemplaires
CULTURE|CHRONIQUE
p a r p h i l i p p e d a g e n
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MLm311. Sulémn u Mongzn u Mon nono22593/2000C81975—SaMedi2SepteMbre 2017.N u ê vnu séémn . dsonl n Fncmé ool n, blgqu Luxmoug. De “TwcinémaD’auTeilighT” aula mueur,De
mlz d mod2septembre 2017 N
VIN o^311
(^7) L’ivressedes cendresEn Caliles stigmates des incendiesravageurs dont l’Etaten octobrefornie, le raisin garderaasouffert
(^8) sur son engagement. Une vieLe philosophe chpas les sentimentsfondateur deUN APÉRde sagesse, qui n’empêcheJean VanierOAVEC...L’Arche,rétien,revient d’embûchesEntretiensAlgorithmes,
games», vidéo...les entreprisesPour recruter,soumettentles candidats«escape
àune batterienouveau genrede tests d’un 4
d’embûches
FONDATEUR2,50 €DIRECTEUR–FJEUDRANC^73 :JÉRÔME FENOGLIOEMI7DÉCEMBRE 2017WWW.LEMONDE.FR―E:HUBERT BEUVE-MÉRYÉTROPOLITAINEANNÉE– N^22675 O ARGENT &PLACEMENTSRETRAITE :COMMENTLA PRÉPARERSUPPLÉMENT
▶Le chanteur est mortdans la nuit du6décembrede Marnes-la-Coquette,àl’âgede7,àson domicile4ans5au
Sa carrière, commencéeles époques, les modes et,en1959, et la mise en scènede saIl aura ét▶àleur manière, la France.de plusieurs générationsvie racontentélabande-son
HUIT PAGES SPÉCIALESLES RÉACTIONSPAGE 17
Le président américainapréven uplusieursdirigeants de la régionde sa décision,être officialisée mercrediPAGES 2-3quidevait
DiplomatieIsraëlveut transférerl’ambassade:Trump
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Le CIOaccusé de triche massiet organisée. Le Kremlinaaussitôt dénoncé uncomplot occidental.Certains sportifs russesseront cependant admisasanctionné le pays,ve
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InternationalLa Russiedes Jeux d’hiverpour dopageexclue
Politique
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Politique
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JOHNNYYDAY
FRANÇAISEIDOLE
France.et,
WEEK•END
MAGAZINESPÉCIALXAVIERLUXE
BEAUVOIS:LE CINÉMAÀVIF
IDÉES
4,20€FONDATEURDIRECTEURSAMEDI-FRANC2DÉCEMBRE 2017EMÉTROPOLITAINEWWW.LEMONDE.FR―:HUBERT BEUVE-MÉRY (^73) :JÉRÔME FENOGLIOANNÉE- NEO 22671
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quinzesont mord’une distributionalimentaire,le 19 novembre▶Les habitantsfemmesteslors
Salairesles inégalités hommes-femmes:comment sefabriquent
▶gagnaient, en 2016, 12 %loguessi l’écarfres, les cadres masculinsSelon les derniers chif-de plusféminines, mêmeque lettendàdurs homo-iminuerL’uniring constadans la suitgalités▶la soet nertie de l’unifont queversitaire Anne Bo-«apparaissente queedelacs’aggraversitces iné-arrièretdèsé»verl’emploi des cadres, cedifférentiel se retrousions les plusmême dans les profes-▶dansSelon l’Association pourtous les secteurs,féminiséesve▶énarques critiquent leurécole,DÉBATSla paritCAHIER ÉODans une tribune, des–PAGES14-15épquin’applique pas–PAGES4ET 7rônée par l’Etat
UNIQUEMENT EN FRANCEMÉTROPOLITAINE, EN BELGIQUEET AULUXEMBOURG
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Repor▶dsontBoulaalam,’unequinzealimentaire,modistributionffftagrtemmeemmeeseàoùSidilorss
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