Le Monde - 26.10.2019

(Wang) #1
J’ai immédiatemen tpensé àcet enfant qui était
venu,probablementpourlap remièrefoisdes avie,
découvrir un hémicycled’élus régionaux et faire
l’expérience de la Républiq ue française.J’imagine
qu’il étaitfier que sa mamanpuisse l’ accompagner
avec sa classe. Queva-t-il garder de ce mome nt?
Très probab lemen tune souffrance pour toute

sa vie,caron n’humiliepas un emèredef amille
devant sonenfan tsans conséquence.Cettescène
aeuu ne résonan ce pa rticulièrepourmoi.
Le 8décembr e2015,j’ avais ét éinvitée àparler de
laïcit éàl’Assemblé enationaledevantung roupe
de dé putés.Àl’époque,j’étaispeut-êtr eencoreun

peunaïve,mais je n’avais pasdut outimaginéque
cela pouvait êtr eunp iège.Quelques minutes après
avoirpris la parole et m’êtreprésentée,je sens,dans
le regard des dé putésprésentsdans la salle,que
quelque chose ne va pas.Je leur demande si c’est à
cause demonfoulard?Et là,unemoitiérépon doui
et un eautre, non.Je leur expliq ue que jeport ece

foularddepuis la mort de monfils,en signeded euil,
qu’il n’arien àvoiravecunvoile islamique.Je suis
française,néeauM aroc,dereligion musulmane,mais
je n’ai jamaisport élevoile .Pourtantaum omen tde
quitter l’Assemblé e,deuxhommes,dont je ne veux
pasrévéler l’ide ntité,vi ennent m’agresserenme
criantdessus que jen’avais«pasledroitdeparler

delaïcit éavecunvoilesurlatête»et que j’étais
«lahonte dela France».Je m’en souvienscomme
si c’était hier.Ils avaientquasimentlab aveaux
lèvres. Sans monoffici er de sécurité,je croisqu’ils

àtitre personnel

cettevoix quiporteunmessagedetolérancedans lesécoles réagit à
l’incident du11 octobre.lorsd’une assemblée plénière du conseil régional
de bourgogne-Franche-comté,Julien odoul,élu du rassemblement national,
aviolemment prisàpartie une mère,accompagnatrice scolairevoilée.

Latifa ibnZiaten, mère de La première victime
du djihadiste mohammedmerah.

proposrecueillisparGrégoireBiseau

Quandj’aivulavidéo la première fois,


j’ai étéchoquée,comme toutlem onde.


m’aurai entfrappée.C’estpourquoi,aprèsl’incide nt
au conseil régional de Bourgogne-Franche -Comté,
j’ai immédiatemen tcherché àentrerenc ontact
avec cettemèredef amillevoilé e,parleb iais de
Facebooketd es réseaux sociaux...mais jen’ai pas
réussi. Je voulais luiexprimer ma solidaritéetl ui
rappelerque le comportement de ce Julien Odoul,

ce n’est paslaR épublique,ce n’est paslaF rance.
Qu’il ne faut pasprendre ce monsieur au sérieux.La
semainedernière,commetoutesles semaines,j’étais
dans uncollège,devant des tr oisièmes,pour parler
de laïcité,detolérance et de laRépubliq ue.Comme
d’habitude,jeleur parlecoiffée demonfoulard.À

chaque fois,j’insistesur l’importanc edur egar dque
l’on port esur lesautres. Un élève m’abeaucoup
touchéeenmedisant:«M ais,madame,jenelevois
mêmepasvotrefoulard,jevousvoisvous.»Je lui
ai demandé si jepouvais le serr er dans mesbras.
Pourtant,j’avais pris la décision qu’unefoispassé le
procès d’ Abdelk ader Merah,le frèredel ’assassin de

monfils,j’ enlè veraimon foulard. Je l’avais annoncé à
mesproches.J’étais décidée.Mais ce jour d’ avril 2019,
àl’issue duprocès,quandmon avocat m’aprise
dans sesbras,il afait tomber monfoulard,sansle
faireexprès.Et,de lui-même,il me l’aremis sur la
tête .Puis,en quittantlet ribunal,j’ai étébousculée
parune cohuedej ournalistes,etmonfoulardest

retombé. Cettefois,c’estmonfils qui
l’aramassé etme l’aremis sur latête.
Je me suis dit que c’étaitprobab lement
un signe.Depuis,je ne le quitteplus.

lasemaine

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