38
lasemaine
Il est22heureset Yvon Berlands’ac-
corde unedesperados.La cravateadisparu,le
premierboutondelachemiseimmaculée est
discrètementouvert. Le professeur de méde-
cine,68ans,frais retraité de la présidence
d’Aix-Marseilleuniversité, sirote sa bière
debout, au goulot. Il est, depuisjuillet,lecandi-
datdeLaRépubliqueen marche(LRM)actif
mais virtueldans lacourse àlamunicipale
2020 .Àcejour,«leprofil le pl us acceptable»,
selonParis. Unnoviceen politiquequi apprend
àserrerles mainsinconnuesetàparleraux
journalistes.Maisnecomprendpas pourquoi
lesdirigeants de LRM hésitenttoujourssur le
casmarseillais. Et surlesienenparticulier.
Cejeudisoir17octobre, le MamaShelter
Marseilleest bondé. Petitfrèredu lieu parisien
du même nom, cethôtel branché, cachédans
un recoindu6earrondissement, accueillele
galad’uneassociation deluttecontre le cancer.
Unévénementaussicaritatifque mondain.En
entrant, Yvon Berlandtombedansles bras d’un
ami. Le sénateur LesRépublicains (LR) Bruno
Gilles,lui aussicandidatdéclaréàlamunicipale.
Chiraquien éploré,leparlementairedispute l’in-
vestitureLRàMartineVassal,patronnedu
département,qui peut seprévaloirdusoutien
de Gaudin.Ilvient deperdre au baby-foot et se
consoleavecunPerrier rondelle,laseule bois-
sonqu’ils’autorisedepuissa greffe du cœur,fin
2017.«Alors, Yvon,cette investiture?»,s’en-
quiert-il.«Ettoi,c’est pour quand?»,interroge
le «marcheur».Ledialoguefaitse gondoler
ceux quil’entendent.Danslefonddelasalle,le
DJ lanceJe danse le Mia,le tube d’IAM.«Je
crainsdégun,jev ousprends tous ici, un parun»,
promet lavoix d’Akhenaton.
Auphotocall,les femmes posent enrobesde
soirée,les sportifsgonflent lespectoraux et
la TeamYvon,cegroupedemilitantsqui
accompagne partoutlecandidatBerland,s’af-
fiche commeunpackjoyeux et déterminé.
Pourtant,lasemaine aété dure.Laplusdémo-
ralisante, peut-être, pour ce petitcommando de
campagne etsonleaderquiguettent depuis
juillet,fébriles,labénédictionparisienne.
«Onnepeutpas passernotre tempsàattendre.
Il ne nousmanquequel’investiture»,se plaint,
paumestournéesversleciel, Clément,avocat.
Arnaud, chargédel’associationLa Frenchtech,
et Christine, infirmière, acquiescent.Vin blanc
pour lesuns,cosmopolitan pour lesautres, au
comptoirduMama, l’équipetented’exorciserla
claque prisetrois jours plus tôt. Unefuite du
bureauexécutifde LRMafaitécrire à
La Provenceque lemouvementnechoisirait
pasdetêtedeliste.Maisseulementdes leaders
dans chacundes huit secteurs de Marseille.
Yvon Berlandetledéputé SaïdAhamada,seuls
candidatsofficiellement déclarés,ont encaissé.
Les«marcheurs»locaux, lassés d’attendre un
champion, se sont sentishumiliés.Depuis,Paris
rétropédale.
Profiltailléàlaserpe,yeux trèsbleusenfoncés
dans leursorbites,silhouetteentretenue,Yvon
Berlandapprécie peuqu’on le traite commeun
CDDde start-up.Ouqu’on lui conseilledes’allier
avecSamia Ghali, la sénatriceex-PS.«Jecom-
prends qu’enpolitique leschosessoient diffé-
rentes...Maisonn’est pas desperdreaux de
l’année, il ne fautpas tropnousmalmenernon
plus»,glissecepatrond’un servicedenéphrolo-
gie, président pendanthuitans de la plusgrande
université francophonedu monde. Dans le
brouhaha,lemandarinpointeson téléphone
portable.«J’aides SMSdeStanislas[Guerini,
déléguégénéral LRM]quimedisent queles
règles du jeu n’ontpas changé.Lacommissi on
nationale d’investiture nommera bienune tête de
list eàMarseille, commeàParis et àLyon.»
Deuxjoursplustard,dans un hôtelduVieux-
Port,Jean-MarcBorello lerassureraencore.
Membre du premiercercled’Emmanuel
Macronetdelacommission d’investiture
LRM, ce poidslourd du mouvementprésiden-
tielestenmission àMarseillepour«éclaircir
ÉPIS ODE
malaISE En marchE
au mama ShEltEr.
la situ ation».Unmessager duroiqui s’est
donné«trois se maines»pour réussireta
enchaînéles rendez-voustout aulongduweek-
end.Àcette première fournée, SaïdAhamada
n’apas étéconvié.«J’aieuBorello.Jeleverrai à
Paris, c’estplus pratique pour tout le monde»,
relativise le député LRMdes quartiersnord.
Samedi19octobre,l’élu apréféré s’offrir un
marathon de douze heuresdevisitedequar-
tiers. Dusudau nord, àpiedetentransportsen
commun.«Jenesaispas si nousauronsl’inves-
titure,maisonauratoutfaitpour»,lâche-t-il,
alorsque sonéquipedecampagne cavalepour
suivreses grandesenjambées. La veille, le par-
lementairearatél’anniversaire desvingt ans
desrappeursdu3eŒil, sescopains d’enfance
de la cité Félix-Pyat,eux aussid’originecomo-
rienne.«J’aivuleconcert de RichardFerrandà
la place»,ironisecemembredelacommission
desfinances.Àl’assemblée, il assure avoirfait
connaîtresacolèreàStanislasGuerini:
«Apprendrepar la pr esse ce quisepasse dans
la commission d’investiture de sonpropre
parti... C’estquoilemessage ?Que je parte
en dissidence commeVillani ?»,s’interroge-t-il.
AuMamaShelter, BrunoGilles,lui,adonnéun
scoopàYvonBerland.«J’aidemandé quela
commission nationaleLesRépublicains ne se
réunisse pas avantle7novembre»,confie-t-il.
Le 7novembre ?Ladatedesortie deLa Chute
du Monstre,brûlotde l’écrivainPhilippe Pujol,
prixAlbert-Londres 2014,qui ydézinguela
majoritésortante. Le sénateurensalive
d’avance.«Lelivre va fairemal»,assure-t-il.
En premierlieu,ill ’espère,àsarivaledes
Républicains,MartineVassal.Danstout
Marseille, on ditl’autrecandidateLRinquiète.
Commepourprévenirlamauvaiseimage,son
portrait,façonJocondesurfonddeVieux-Port,
afaitson apparitionsurtouslespanneauxde
la ville. Yvon BerlandcommeSaïdAhamada
n’onttoujours pasdephoto de campagne.L’un
commel’autreespèrent se fairetirer le portrait
d’iciàlami-novembre.Périodeàlaquelle LRM
apromis dese choisir unleader.
(À suivre...)
lA SÉRIEmarSEIllE,laguErrE Du trônE.
TexteGilles ROF
PRéCéDEMMEnT...SOPhIE GRECh,CAnDIDAT E
«BLOnDEETTATOUéE»DURn, SE PRéPARE À
PREnDRE LA TêTE DU 8EARROnDISSEMEnT DE
MARSEILLE,COnTRE LA SénATRICE-MAIRE
Ex-PSSAMIA GhAnDI.