Voici doncdonald Trump menacé
d’une procédured’“i mpeachmenT”.Une
conversationtéléphoniquearendupossible
ce rêve quen’osaient caresser lesopposants
au président américain. La retranscription de
l’entretienau coursduquelDonald Trumpa
demandé àVolodymyrZelensky,son homolo-
gueukrai nien, d’enquêtersur le fil sdeJoe
Biden,aeuraisondes réticences de la prési-
dente de la Chambre desreprésentants.
Jusqu’ici, en fineconnaisseusedes arcanes
du Congrès, la démocrateNancy Pelosi refu-
sait de dégainer cettearmeàdouble tran-
chant.Àseplongerdansles archives du
Monde,on comprend seshésitations,comme
on entrevoitcequi l’amenéeàsauter le pas.
Lorsquelet ermeapparaît dans lescolonnes
du journal, le 15 mai1969, ce n’estpas un
président quiest menacé, mais un juge dela
Cour suprême.«Ensoi,le“crime”de
M.Fortasestbanal»,prévient Jacques
Amalric.«Éminencegrisede laMaison
Blanche»sous Lyndon Johnson, AbeFortas
estsoupçonnéd’avoir touché20000 dollars
de la part«d’unhommed’affairesvéreux »
dontil fut l’avocat. Unesommequ’ilareçue
alorsqu’ilétait devenu juge.Les républ icains,
fortsdelavictoir edeNixon fin1968,saisis-
sent l’ occasion pour se débarrasser dece pro-
gressiste. Dèsl’affaire ré véléeplane la
menacede«mettreenmarchela procédure
demiseenaccusation(impeachment)prévue
parlaconstitution»,explique lecorrespon-
dant duMondeàWashington.
C’estl’inconvénient d’un journaldusoir:
lorsque paraît sonarticle ,lej uge adémis-
sionné, évitantlap rocédured’impeachment.
Conformémentau souhaitdeRichardNixon,
qui«préfèreunesolutionàl’amiable»,releva it
15 mai 1969,la premièrefoisque “lemonde”aécrit
impeachment
Jacques Amalric. Le président s’en souvien-
dra-t-il quandils eramis encausedansle
scandale duWatergate?
C’estévidemmentcette affairequ’ont
aujourd’huient êteles opposants àTrump.
Sansvouloirétablir de parallèlehasardeux,
certains détailsdel’histoir erésonnent étran-
gement. La MaisonBlancheestdésormais
accusée d’avoir tentédefaire disparaître la
conversation entreDonaldTrump et
VolodymyrZelensky du systèmeinfor matique
surlequel ce type d’échangesest habituelle-
mentsauvegardé. Or,en1973, plus quela
tentati ve de misesur écoute du siègeduParti
démocrate, situé dans l’ immeubleWatergate,
c’estlef aitque Nixonait essayé de la dissimu-
lerqui afini parfaire sc andale.«L’affairedu
Watergaten’estpasliquidée,prévoitJacques
Amalric, le 8mai 1973.M.Nixonestacculé à
denouvellesexplications.C’estunvieuxrou-
tier dessentiersdupouvoir quinous
disaitdimanchesoir:“Non,jen’arrivepas à
croireàunimpeachment.Maisjepeux main-
tenanttrèsbienimaginerun discoursde
démission deNixon,dugenre:‘victimedela
calomnie,maissoucieux,avanttout, dubien-
êtredupays...’”»La source étaitclairvoyante.
Mais, avantd’enarriverlà, la bataillefut achar-
néeentrelapresse,WashingtonPosten tête,
et le camp présidentiel.«Neva-t-onpasse
lasserdecedéballage»,fait mine des’inter ro-
ger,le16mai 1973,lec orrespondantdu
Monde,citant des«nixoniens »selon lesquels
«l’affaireagitedavantagelepetitmonde de
Washingtonque l’arrière-pays».L’argument
n’apas pris uneride...Mais«lapresse fera
bonnegarde»,pari eJacques Amalric, dont
l’admiration pour sesconfrère saméricains
sonnecommeune profession defoi:«Ceux
quijugentcecomportement[delapresse]
“irresponsable”n’onttoutsimplementpas
comprisqu’unetelle pressen’aàêtrerespon-
sable devantrien d’autrequedevantce qu’elle
estimeêtrelavéritédesfaits.»C’estfinale-
mentlar etranscription deconversations,
notamment téléphoniques,deRichardNixon
quimènera, un an plus tard,aul ancementde
la procédure d’impeachment.N ancy Pelosi
s’en est-elle souvenueau momentdefranchir
le Rubiconla semainedernière?Nixon
démissionnera le 9août1974avant quel’im-
peachmentailleàson terme.
Misencause dans le cadredel’affaire Monica
Lewinsky,Bill Clinto nest le seulprésident
depuisAndrewJohnson,en1868, àavoir été
réellement«impeached ».«Cequineveut pas
direreconnu coupable»,précise, le 15 sep-
tembre 1998,Laure nt Zecchini ,correspon-
dant àWashington, dans un articleàvocation
pédagogiquequi révèle toutelacomplexitéde
la procédure.Pourfaire simple,c’est la
Chambre desreprésentants quiprononce
l’impeachment,il revient ensuiteauSénat,
transformé en tribun al,dej ugerle président.
Malgréune enquête àcharg eetl es men-
songesduprésident, Bill Clinto nneserapas
condamné. Le 14 février 1999,lej ournaliste
duMondePatricedeBeerannonce:«Le
Sénatadécidéqu’iln’étaitpascoupable de
parjurenid’obstructionàla justice.»«Après
cefiasco,ilfaudra sansdoutelongtempsavant
quelaChambrenevoteànouveau l’impeach-
mentd’un président»,conclut-il.Vingt ans
après, lesdémocrates ont décidé de prendre
le risq ue.
texteagnèsGautheron
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lasemaine