NewHampshire, larésidenced’artistes his-
torique oùJames BaldwinrédigeasaChambrede
Giovanni,où LeonardBernsteincomposa sa
Messe,où JonathanFranzentermina ses
Corrections.L’ex-imposteuryécrit sa pièce
Daddy,ou plusexactementelle«jaillit»de lui.
On lui conseille detenter l’école d’artdrama-
tique deYale, il postuleavec le projet deSlave
Playet il est admis.
Bien qu’ellecommencesur une plantation, la
piècen’est pasune nouvelle évocation historique
de la traitedes Noirs.«Jenevoulais pas que les
gens puissentquitterlet héâtreensedisant“oh, ça
ne concerne pas notreépoque”»,explique le dra-
maturge. Grâceàundispositif narratif qu’on ne
peut pasdivulgâcher,c’est ef fectivementimpos-
sible :àlafindupremier acte, les violences de
l’esclavage sontcatapultées dans l’ici et mainte-
nant, où elles empoisonnentl’intimitésexuelle de
couples interraciaux dontlep artenairenoir n’ar-
rive plus àjouir.L’intersection duracisme et du
désir obsèdeHarris :«Nous désirons parfoisce que
nous haïssons, nous pouvons aimer l’oppresseur.A
contra rio, laxénophobie peut masquer un désir
refoulé. EnFrance, vousave zunsous-genredepor-
nographiegaymettant en scène des hommes arabes
qui tabassentetqui violent.L’Arabe effrayant
devientérotisé.»Il explique queSlave Playest une
métaphoredesarelation ambivalente avec des
Blancs dontild ésireles corps (ses premiersémois
érotiques furentinspirésparLouis Garrel dans
Innocents: TheDreamers,dit-il) mais qui l’onttrop
souvent effacé ou«objectifié».«Commentses épa-
rerd’un autrequi vous attireetvous nie dans votre
humanité?C’est la question de ma vie.»
L’amour et le sexe ne guérirontpas les blessures
de l’esclavage, ducolonialisme et de la ségréga-
tion, affirme l’auteur dramatique,pasdavantage
que la psychothérapie, dontils atirise férocement
le langage(«c’estcelui de l’oppresseur»).Jeremy
O. Harris ne prétendpasmontrer ni même
connaîtrelec hemin de laréconciliation, il espère
seulementfaireréfléchir des«personnes plus
intelligentes»que lui. Ce dontile st sûr ,c’est que
cetteréflexionpassepar la gêne.«À Yale, nous
répétionsSla ve Playau centred’uncercle d’étu-
diants, et j’étaisfasciné par lafaçondontils s’ob-
servaiententre eux, on aurait dit une piècedans
la pièce.Pourquoicertains sont-ils morts de rireau
momentoùd’autres aimeraientrentrer sousterre?
C’est une questionàlaquellechacundoit se
confronter. »ÀBroadway, cettepiècedans la
piècesej oue maintenanttous les soirsdans le
mur de miroirsqui fermela scène,confrontantle
publicàson reflet. Jeremy O. Harris appuie là où
ça fait mal, ettout le monde sevoit grimacer.