aprèsavoir reçu,le 7septembredernier,
le Lion d’oràlaMostradeVenisepour son nouveau long-
métrage,Joker(en salle le9octobre),Todd Phillips s’est
assis dans uncoin. Le cinéastevoulaitcomprendrecequi
venait de sepass er.Comment, dans une manifestation où
les productions des multinationales américaines seretrou-
vent rarementautableau d’honneur,son filmavait-il pu
recevoir unetelle distinction?Aumilieu des autresréali-
sateurssélectionnés danscetteédition dufestivalvénitien,
Todd Phillips se savait dif férent,lui quiamis en scène des
comédies : RoadTrip(2000),Retouràlafac(2003),
Starsky&Hutch(2004),Ve ry BadTrip(2009)–lameilleure
comédie américaine des années 2000 –,WarDogs(2016).
Un genreplébiscitépar le public, maisregardé de hautpar
lesfestivals.«Jemesuisfait une autreremarque,ajoute-t-il.
J’aicommencémacarrièreaudébut des années 1990, et
il m’apparaissait logique de progresser d’un filmàl’autre,
de passer despaliers.Toutesproportionsgardées,jevois
une grande différenceentrele Martin Scorsese d’Alicen’est
plus ici,celuidudébut des années 1970, et le maîtrequi
continue de produiretoujoursdeschefs-d’œuvre.Sivous
necomprenez pas que c’est enréalisantdes films que
Todd Phillips
joue so nJoker.
avec“Joker”,son nouveaufilm,
leréalisateurde“veryBad trip”
développeun registresomBre,
auxantipodes dugenrequiafait
son succès.saversion du psycho-
patheclownesque,interprétépa r
Joaquinphoenix,aoBtenule lion
d’oràlamostradevenise.
Texte
Samuel BLUMenfeLd
Photos
MatthieudeLBreUVe
vous progressez, vous necomprenez pas grand-chose. »
Le soir de laremise des prixàVenise,Todd Phillips a
regardé lecheminparcouru.nonpas depuis son premier
long-métrage, mais depuis l’enfance.Quand sonpère avait
quittéledomicileconjugal, le laissantseul avec sa mèreet
ses deux sœurs, le futurréalisateur avait récupérél’appareil
photodeson géniteur.Unhéritagefortuit, puisqu’il s’agis-
sait d’un objet oublié. Phillips l’avait conservé, puis un jour
utilisé,pour ne plus jamais l’abandonner.Une vocation était
née. Lesclichés de ses camarades delycé epris tout au long
de sa scolarité, assemblés dans un album quiracont ait la
noirceur de l’adolescence,avaientpermisàToddPhillips
d’êtr eacceptéàl’école de cinéma denewYorkUniversity.
Pour yentrerilf allaitréaliser un film, iln’en avait pasles
moyens, ourédiger un scénario, mais iln’écrivait pas
encore.restaientces photos d’adolescents dépressifs qui
lui ontouvertles portes de l’école.L’étudiantaarrêt ésa
scolaritéenmilieu decyclepour réaliser son premier docu-
mentaire,Hated,consacréaumusicien punk GG Allin.Un
travail qui montrait autantlec ôtésombredecet artiste, au
comportementviolenteta ux excèssur scène, quecelui du
cinéaste.«Jen’avais pas d’autrechoix que determiner
158
legoût