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SAMEDI 5 OCTOBRE 2019 dossier spécial| 29
Des mesures fiscales pour les aidants
Des déductions fiscales ou des crédits d’impôt s’appliquent, sous réserve de répondre à des conditions précises
D
ans certaines situations,
il est possible de tenir
compte de l’aide appor
tée à un proche – versement d’ar
gent, hébergement sous son toit –
au moment de remplir sa déclara
tion de revenus.
Prise en charge des frais payés
pour un proche Si vous aidez un
proche en réglant directement
ses frais d’hospitalisation ou
d’hébergement dans une maison
de retraite, ou encore en lui ver
sant de l’argent pour couvrir cer
taines de ses dépenses, vous pou
vez déduire, sous certaines condi
tions, les sommes correspondan
tes de votre revenu imposable en
tant que pension alimentaire.
Peu importe qu’il y ait un enga
gement écrit ou une décision de
justice. Mais cette déduction n’est
possible que si vous avez une obli
gation alimentaire envers cette
personne : parent, grandparent
ou beauparent... Ainsi, vous ne
pouvez pas déduire l’aide appor
tée à un frère ou une sœur, à un
oncle ou une tante, ni à une per
sonne qui n’a aucun lien de
parenté avec vous.
Pour que la pension soit déduc
tible, il faut en outre que cette per
sonne soit incapable de subvenir
seule à ses besoins. Enfin, même
si vous n’avez aucun justificatif à
fournir à l’appui de votre déclara
tion de revenus, vous devez être
en mesure de prouver la réalité de
votre aide et l’état de besoin du
bénéficiaire pour le cas où le
service des impôts vous le de
manderait. Sous cette réserve, le
montant déductible n’est pas pla
fonné, et peut même atteindre
des sommes élevées si elles sont
justifiées. L’économie d’impôt
apportée par cette déduction dé
pend de votre taux marginal
d’imposition. Plus vous êtes im
posé, et plus l’effet sur l’impôt à
payer sera important.
Emploi d’un salarié au domi
cile d’un ascendant Les person
nes qui emploient une personne
au domicile d’un parent ou d’un
grandparent dépendant rem
plissant les conditions d’attribu
tion de l’allocation personnali
sée d’autonomie – APA – (même
s’il ne la perçoit pas) ont le choix
entre deux dispositifs distincts.
Soit bénéficier du crédit d’impôt
pour emploi d’un salarié à domi
cile, soit déduire les salaires
versés en tant que pension
alimentaire. Mais ils ne peuvent
pas faire les deux : l’administra
tion fiscale considère que, s’ils
optent pour le crédit d’impôt, ils
doivent renoncer à déduire les
autres frais supportés pour le
même ascendant et pas seule
ment ceux relatifs à l’emploi d’un
salarié à domicile. Cette option
est annuelle, et il est parfaite
ment possible d’adopter une atti
tude différente chaque année.
Le crédit d’impôt représente la
moitié des dépenses suppor
tées : salaires, charges comprises
ou factures réglées directement
aux organismes prestataires.
Ces dépenses sont retenues dans
la limite d’un plafond qui
tient compte non seulement
des dépenses engagées à votre
propre domicile mais aussi de
celles engagées au domicile
de votre ascendant.
Ce plafond de 12 000 euros par
an est majoré de 1 500 euros par
enfant à charge, par membre du
foyer fiscal âgé de plus de 65 ans
ou par ascendant de plus de
65 ans pour lequel vous deman
dez à bénéficier de l’avantage,
dans la limite de 15 000 euros. Il
est augmenté de 3 000 euros au
titre de la première année où
vous employez un salarié en di
rect – c’estàdire sans passer par
les services d’un organisme de
services à la personne. Soit un
plafond de dépenses qui peut at
teindre 18 000 euros, la première
année, et un avantage maximum
de 9 000 euros. Si vous n’êtes pas
imposable, ou si votre impôt est
inférieur au montant du crédit
d’impôt dont vous pouvez béné
ficier, le fisc vous remboursera la
totalité du crédit d’impôt dans le
premier cas, et la différence dans
le second cas.
Principal inconvénient du cré
dit d’impôt : il est commun avec
les frais engagés à votre domicile
et pris en compte dans le plafond
global des niches fiscales de
10 000 euros. Ce qui peut être
rédhibitoire pour les ménages
qui ont déjà atteint le plafond
du crédit d’impôt avec leurs
propres dépenses ou celui du
plafond des niches fiscales, à
travers un investissement loca
tif ou des travaux dans leur
résidence principale.
Ces derniers auront alors plu
tôt intérêt à déduire les salaires
versés en tant que pension ali
mentaire. Dans la mesure où
l’économie d’impôt qui résulte
de cette déduction est propor
tionnelle à leur taux marginal
d’imposition, elle sera toujours
inférieure à l’avantage procuré
par le crédit d’impôt (puisque
son taux est de 50 % alors que la
tranche la plus élevée du barème
atteint 45 %). Mais, en contrepar
tie, s’ils prennent en charge
d’autres dépenses que les frais
d’emploi d’une personne chez
leur ascendant, ils pourront éga
lement les déduire de leurs reve
nus imposables.
Hébergement d’un proche sous
votre toit Vous pouvez déduire
de votre revenu imposable, à titre
de pension alimentaire, les frais
engagés pour l’hébergement
d’un proche sous votre toit. S’il
s’agit d’un parent ou grandpa
rent sans ressources ou qui ne
perçoit que l’allocation de solida
rité aux personnes âgées ou l’allo
cation supplémentaire d’invali
dité, ou qui a plus de 75 ans et des
revenus qui ne dépassent pas
10 418,40 euros (16 174,59 euros
s’il s’agit d’un couple), vos frais de
nourriture et d’hébergement
peuvent être évalués forfaitaire
ment, les autres dépenses restant
déductibles pour leur montant
réel et justifié. Pour l’imposition
des revenus de 2018, ce forfait
était fixé à 3 500 euros, mais rien
ne vous empêche de renoncer à
ce forfait, et déduire davantage si
vous pouvez justifier de la réalité
de vos dépenses.
Si vous hébergez en perma
nence sous votre toit une per
sonne envers laquelle vous n’avez
aucune obligation alimentaire,
vous ne pouvez, en principe, rien
déduire pour couvrir vos frais.
Toutefois, si cette personne a plus
de 75 ans et des revenus qui ne dé
passent pas 10 418,40 euros par an
(16 174,59 euros si vous hébergez
un couple), vous pouvez déduire
tous les avantages en nature que
vous lui consentez : nourriture,
logement... Ces avantages sont
déductibles pour leur montant
réel, mais dans la limite de
3 500 euros par an et par per
sonne recueillie. Ce plafond n’est
pas proratisé si la personne n’a
été hébergée qu’une partie de
l’année ou a fêté ses 75 ans en
cours d’année. Mais vous ne pou
vez pas déduire plus si vous esti
mez que les avantages consentis
sont plus élevés.
Dernière possibilité en cas
d’hébergement sous votre toit
d’une personne invalide (titu
laire de la carte d’invalidité ou de
la carte « mobilité inclusion »
portant la mention invalide) :
vous pouvez la compter comme
étant à votre charge pour le calcul
de l’impôt sur le revenu.
Cette prise en charge est possi
ble quels que soient son âge, son
lien de parenté avec vous et le ni
veau de ses revenus. Elle vous
permet de bénéficier d’une part
supplémentaire de quotient fa
milial, voire d’une part et demie
en plus si vous avez déjà deux
autres personnes à charge. En
contrepartie, vous ne pouvez pas
déduire de pension alimentaire.
Vous devez donc choisir entre la
majoration du quotient familial
et la déduction d’une pension
alimentaire.
nathalie cheyssonkaplan
La retraite peut être impactée
Pour venir en aide à un proche, on peut être amené à suspendre
son activité, avec des conséquences sur sa pension future
A
pporter son aide à un pro
che amène souvent son
lot de difficultés sur le
plan professionnel : elle peut con
duire les aidants à suspendre leur
carrière, temporairement ou défi
nitivement. Plusieurs dispositifs
visent à compenser cette situation
pour leur future retraite. Mais at
tention, ils ne jouent que lorsque
l’aidant a un lien familial avec la
personne aidée : époux, parte
naire de pacs ou concubin, ascen
dant, descendant ou collatéral jus
qu’au 4e degré (frères, sœurs, ne
veux, nièces), y compris les ascen
dants, descendants ou collatéraux
de l’autre membre du couple.
Le premier dispositif impropre
ment appelé « assurance vieillesse
des parents au foyer » (AVPF) per
met à ceux qui ne travaillent pas,
ou seulement à temps partiel, et
qui ont la charge permanente d’un
proche lourdement handicapé,
d’être affiliés « gratuitement » au
régime général de la Sécurité so
ciale pendant cette période, quel
que soit le niveau de leurs revenus.
Il en est de même pour ceux qui
prennent un congé de soutien fa
milial pour s’occuper d’un mem
bre de leur famille handicapé ou
en perte d’autonomie. Cette affi
liation leur permet de continuer à
acquérir des droits pour leur re
traite : trimestres d’assurance et
report d’un salaire forfaitaire sur
leur compte. En plus de cette vali
dation gratuite, les aidants peu
vent prétendre à une majoration
de leur durée d’assurance, mais
uniquement pour les périodes
postérieures au 1er janvier 2015. Les
conditions d’octroi de cette majo
ration sont assez restrictives. Pour
en bénéficier, il faut s’occuper d’un
adulte handicapé (âgé d’au moins
20 ans) de manière permanente et
à temps complet. Autrement dit,
l’aidant ne doit exercer aucune
activité professionnelle et il doit
vivre sous le même toit que la per
sonne handicapée.
La majoration est d’un trimestre
par période de prise en charge de
30 mois civils entiers consécutifs,
dans la limite de 8 trimestres au
total. Les périodes inférieures à
30 mois ne donnent le droit à rien,
même « en cas de décès de la
personne handicapée survenu
entretemps » ou lorsque l’aidant
fait liquider sa retraite et que
les 30 mois ne sont pas atteints,
indique la circulaire de la Caisse
nationale d’assurancevieillesse
(CNAV), qui précise les modalités
d’attribution de cette majoration.
Son attribution se fait lors de l’ins
truction du dossier de retraite de
l’aidant. « Il incombe par consé
quent à l’aidant de recueillir et de
conserver l’ensemble de ses
justificatifs, dès le début de la prise
en charge », conseille la circulaire
de la CNAV.
« A titre dérogatoire, les person
nes qui ont interrompu leur car
rière pour s’occuper d’un membre
de leur famille handicapé ou qui
ont aidé leur enfant handicapé peu
vent aussi obtenir le versement de
leur retraite à taux plein dès 65 ans,
contre 67 ans pour les autres assu
rés », explique Pascale Gauthier,
associée chez Novelvy. Contraire
ment à ce qui est prévu pour la ma
joration de durée d’assurance, il
n’est pas exigé que l’aide soit ap
portée de manière permanente, ni
que l’aidant et la personne handi
capée vivent sous le même toit.
S’il s’agit de l’aide apportée à un
enfant handicapé, le parent n’est
pas obligé de cesser, de réduire ou
d’interrompre son activité profes
sionnelle dès lors que l’aide appor
tée à l’enfant est compatible avec
son emploi du temps. En revan
che, lorsqu’il s’agit de l’aide appor
tée à un adulte, il faut avoir inter
rompu son travail pour bénéficier
de ce dispositif dérogatoire. Dans
les deux cas, il faut en outre que
l’aide ait été apportée pendant au
moins 30 mois consécutifs.
n. c.k.
SANS OBLIGATION
ALIMENTAIRE
VISÀVIS DE
LA PERSONNE QUE
VOUS HÉBERGEZ,
PAS DE DÉDUCTION
FISCALE POSSIBLE
Une obligation
alimentaire complexe
Concernant surtout les petites retraites,
elle exige que les descendants aident
leurs parents sur de nombreux postes
L
e code civil pose le principe
d’une obligation alimen
taire réciproque entre as
cendants et descendants en ligne
directe. Cette obligation porte non
seulement sur les « aliments » pro
prement dits, mais aussi sur tout
ce qui est nécessaire à la vie : loge
ment, habillement, frais de mala
die... « Même lorsqu’ils n’ont qu’une
petite retraite, les parents hésitent
souvent à faire jouer cette obliga
tion alimentaire. Ils ne veulent pas
être à la charge de leurs enfants. La
question se pose généralement
lorsqu’ils entrent en Ehpad, leur
pension de retraite n’étant alors pas
suffisante pour couvrir les frais
d’hébergement », explique Flo
rence Fresnel, avocate à Paris.
Faute d’accord, appel au juge
Cette obligation joue entre pa
rents et enfants, mais aussi entre
gendre et bellefille et beauxpa
rents. « Mais attention, le décès du
conjoint ne met pas fin à l’obliga
tion. Le survivant continue à avoir
une obligation alimentaire à
l’égard des parents de son conjoint
décédé tant que les enfants du cou
ple sont toujours en vie », poursuit
l’avocate. S’il se remarie, le survi
vant sera alors redevable – mais
aussi créancier – d’une obligation
alimentaire envers ses anciens
comme ses nouveaux beauxpa
rents. En revanche, même si le
code civil ne le précise pas, la juris
prudence considère que le divorce
met fin à l’obligation alimentaire
envers les beauxparents, même si
les enfants du couple sont tou
jours en vie.
Lorsque les obligés ne parvien
nent pas à se mettre d’accord sur la
contribution de chacun, ils doi
vent alors saisir le juge aux affaires
familiales. Celuici peut être égale
ment saisi à l’initiative de la com
mission départementale de l’aide
sociale, si une demande d’aide so
ciale à l’hébergement a été dépo
sée, ou à celle de l’établissement de
soins. Il n’y a pas d’ordre de prio
rité entre les obligés alimentaires.
« C’est le juge qui apprécie de façon
souveraine et, au cas par cas, la
contribution de chacun, celui qui a
des revenus plus élevés que les
autres devant en principe payer
plus que les autres. Sauf s’il prouve
qu’il a aussi des charges importan
tes : jeunes enfants, emprunt, etc.
D’où l’importance de constituer un
dossier bien étayé faisant état de
l’ensemble de ses revenus mais
aussi de ses charges », conseille Flo
rence Fresnel.
n. c.k.
LES PLACEMENTS
Au cas où vous perdriez tout ou
partie de votre autonomie, ou
pour protéger un proche fragile,
il existe des placements spécifi-
ques qui versent un complément
de revenus. Tour d’horizon.
Les assurances dépendance.
Ce type d’assurance permet à un
souscripteur de se couvrir contre
le risque de dépendance,
moyennant le paiement d’une
cotisation annuelle. S’il perd en
autonomie, il recevra une rente
viagère, dont le montant est ga-
ranti à l’ouverture du contrat, et
parfois un petit capital pour faire
face aux besoins urgents (adap-
tation du domicile...). Dans le
cas contraire, le capital accu-
mulé est perdu pour lui, car con-
servé par l’assureur. Le montant
de la cotisation dépend de son
âge et du montant de la rente
garantie au moment de l’ouver-
ture du contrat. Attention, ces
assurances ne sont plus accessi-
bles après un certain âge
(70 ou 75 ans en général)
et fermées à ceux qui ont déjà
perdu en autonomie.
Les contrats avec rente survie.
Souscrits par le proche d’une
personne handicapée (physique,
psychique ou mentale), moyen-
nant un versement annuel, ils
ont pour but de garantir à la per-
sonne fragile une rente viagère
après le décès du titulaire du
contrat. La souscription peut
être réalisée par un parent en li-
gne directe (ascendant ou des-
cendant), en ligne collatérale
jusqu’au 3e degré (frère, tante,
nièce...), ou par des personnes à
charge ou vivant sous le même
toit. Les contrats rente survie
offrent un avantage fiscal : les
versements effectués dessus
ouvrent droit à une réduction
d’impôt annuelle de 25 % de
leur montant, plafonné à
1 525 euros (+ 300 euros par en-
fant à charge), soit une réduc-
tion maximale de 381,25 euros
par foyer fiscal. Bon à savoir : si
la personne handicapée décède
avant le souscripteur, le code
des assurances prévoit que ce
dernier récupère les primes ver-
sées (article L132-3).
Les contrats épargne
handicap. Concrètement, ce
sont des placements d’épargne,
et ils fonctionnent exactement
comme des assurances-vie. Ils
sont réservés aux personnes jus-
tifiant d’un handicap qui les em-
pêche de travailler dans des
conditions normales. A l’ouver-
ture, ils offrent le même avan-
tage fiscal que le contrat rente
survie (voir plus haut). Ils doivent
être souscrits au moins pendant
six ans pour ne pas perdre la ré-
duction d’impôts et impérative-
ment avant la liquidation des
droits à retraite. Attention, en
cas de souscription d’un contrat
de rente survie et d’un contrat
d’épargne handicap, le plafond
de déduction s’applique à l’en-
semble des contrats conclus.
Bon à savoir : l’option épargne
handicap peut être activée sur
une assurance-vie classique.
MIEUX VAUT
RECUEILLIR DES
JUSTIFICATIFS
DÈS LE DÉBUT
DE LA PRISE EN CHARGE,
ET LES CONSERVER
CRÉDIT D’IMPÔT POUR
EMPLOI D’UN SALARIÉ
À DOMICILE OU
DÉDUCTION DES SALAIRES
VERSÉS, IL FAUT CHOISIR