Courrier international — no 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019 ASIE. 33
de la façon de régler une crise de gou-
vernance chinoise qui met en jeu d’im-
portants intérêts américains. Il est clair
qu’un tel dialogue n’était pas souhaité par
Pékin. À mon avis, Pékin n’acceptera pas
ce mécanisme d’ingérence américain, à
moins d’y être contraint. Néanmoins il
est souhaitable que la crise hongkongaise
contribue à faire émerger, à la faveur de
l’inévitable confrontation entre la Chine
et les États-Unis, un mécanisme de dia-
logue susceptible de diminuer les erreurs
de jugement et le prix des affrontements
entre les deux parties. Face à l’essor ful-
gurant de la Chine ces vingt dernières
années, les élites américaines ont tou-
jours souhaité l’établissement d’un tel
mécanisme, et Pékin a fait semblant de
le comprendre, le prétendu dialogue stra-
tégique entre les deux parties n’étant en
fait qu’un simple leurre.
L’opposition entre les États-Unis et la
Chine réside selon moi dans le fossé cultu-
rel qui les sépare. Le miracle économique
chinois aurait été inimaginable si Hong
Kong n’avait pas aidé la Chine à surmon-
ter les obstacles que lui posaient son igno-
rance du reste du monde et ses difficultés
de communication il y a quarante ans. De
nos jours, beaucoup de Chinois de Chine
populaire l’ont complètement oublié ou n’en
ont pas conscience. Mais si la crise de Hong
Kong ne trouve pas de solution, celle qui
se développe en Chine ne fera qu’empirer.
La crise hongkongaise n’a jamais été une
crise concernant les seuls Hongkongais,
elle est liée à la capacité des gouvernants
chinois à entretenir des relations avec le
monde extérieur. Dans un contexte très
tendu où la confrontation [la guerre com-
merciale] entre les États-Unis et la Chine
met en péril le pouvoir, la crise hongkon-
gaise devrait obliger les dirigeants du Parti
communiste chinois à regarder ce problème
en face, sous peine de ne jamais parvenir
à se tirer de ce mauvais pas.
—Liang Jing
Publié le 16 septembre
IMAGE :SPENCERTUNICK
V
MANIERE` DE OIR
Pres sion
démo graphiquesurlaplanète
MONDE
diplomatique
LABOMBE
HUMAINE
Après l’explosion
du XXe siècle,
la population mondiale
s’eff ondrera-t-elle?
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—Radio Free Asia (e x t r a i t s)
Washing ton
L
e mouvement hongkongais de pro-
testation contre la loi autorisant
les extraditions vers la Chine est
devenu le gros point noir du paysage poli-
tique chinois en 2019. Il a non seulement
plongé Hong Kong dans des affrontements
sans fin, mais également fait entrer les
autorités pékinoises dans la crise poli-
tique la plus grave depuis le 4 juin 1989
[massacre du mouvement pro-
démocratique de Tian’anmen].
Xi Jinping a brusquement décou-
vert qu’une gestion inappropriée
de la crise hongkongaise pouvait
mettre en danger sa position au
sommet. Il ne s’y attendait pas
et, surtout, jamais il n’aurait cru
que ce mouvement pouvait donner aux
États-Unis une nouvelle carte à jouer
contre la Chine.
Or les élites du gouvernement américain
en ont tout de suite saisi l’importance, et
c’est dans ce contexte que le Congrès amé-
ricain s’est empressé de mettre à l’ordre
du jour un projet de loi sur les droits de
l’homme et la démocratie à Hong Kong. Un
projet capital, à la fois parce que cette loi
apporterait un soutien moral et politique
à la résistance de la population hongkon-
gaise, mais aussi parce qu’elle fournirait un
mécanisme concret permettant aux États-
Unis d’utiliser la carte hongkongaise pour
contrer la Chine [en examinant annuel-
lement la nature de ses relations écono-
miques avec le territoire].
Certes, on peut se demander pourquoi
Xi Jinping ne s’est pas emparé purement
et simplement de Hong Kong, pri-
vant ainsi les États-Unis de la pos-
sibilité de jouer cette carte. Cela
s’explique en partie par la grave
divergence de vues au sein des
instances dirigeantes du Parti
communiste chinois (PCC) sur
la manière de régler la crise hong-
kongaise, Xi Jinping n’osant pas assumer
seul les conséquences politiques de déci-
sions prises de manière arbitraire. On peut
aussi l’expliquer par le fait que Xi Jinping
a jugé possible de laisser traîner la ques-
tion de la crise hongkongaise au moins
jusqu’au 1er octobre [70e anniversaire de
la fondation de la République populaire].
Le dilemme de Pékin
En s’emparant de la question hongkongaise, le Congrès américain
a mis le doigt sur la difficulté de la Chine à entretenir des relations
avec le monde extérieur, analyse ce dissident installé aux États-Unis.
Pour ma part, je suis convaincu que les
États-Unis ont tiré les leçons de 1989 : lors
de la visite impromptue du diplomate Yang
Jiechi aux États-Unis, le gouvernement amé-
ricain a exprimé de façon claire et ferme
les limites qu’il entendait voir observer
dans la gestion de la crise hongkongaise.
Cela a contraint Xi Jinping à renoncer à
utiliser la force pour la résoudre.
La crise hongkongaise a fourni en fait à
Washington et à Pékin l’occasion d’enta-
mer un nouveau type de dialogue – autour
Hong Kong a permis
à la Chine de s’ouvrir
au reste du monde.
opInIon
↓ Dessin de Finn Graff,
Norvège.