TRANSVERSALES. 37
de dollars [362 millions d’euros]
sur une période de vingt ans dans
le développement de carburants
alternatifs. United Airlines a quant
à elle annoncé qu’elle consacrerait
annuellement 2 milliards de dollars
[1,8 milliard d’euros] au dévelop-
pement d’appareils moins gour-
mands en carburant, et qu’elle
travaillait en collaboration avec
des producteurs de biocarburants.
La néerlandaise KLM a même
lancé une campagne incitant les
passagers à prendre moins sou-
vent l’avion. Elle recommande
notamment d’opter pour les appels
en vidéoconférence et d’explo-
rer d’autres options de trans-
port, comme le train, pour les
courts déplacements.
Willie Walsh, le patron d’IAG,
admet qu’il n’existe pas de solu-
tion simple permettant aux com-
pagnies aériennes d’agir à court
terme. “Le secteur doit donc utiliser
une partie de ses recettes pour encou-
rager les innovations. Évidemment,
nous accepterons seulement d’in-
vestir dans les domaines suscep-
tibles d’avoir un impact réel sur la
réduction des émissions de CO 2 ”,
ex plique-t-il.
Certaines compagnies comme
IAG croient que les carburants de
substitution dits “à faible teneur
en carbone” constituent l’une des
solutions les plus prometteuses. Ils
ont une empreinte carbone plus
faible que les carburants conven-
tionnels et peuvent être utilisés
pour alimenter les appareils exis-
tants. On pense notamment aux
biocarburants, fabriqués à partir
de plantes, de déchets ou d’algues,
et au carburant synthétique, une
substance qui ressemble au kéro-
sène et qui peut être produite à
partir d’énergies renouvelables.
D’autres placent leurs espoirs dans
les appareils à propulsion élec-
trique ou hybride.
Or parmi ces technologies,
seuls les biocarburants sont uti-
lisés commercialement à l’heure
actuelle. Et ils le sont à très petite
échelle. AltAir Fuels, une entre-
prise située en Californie, vend
à United Airlines un biocar-
burant fait à partir de déchets
agricoles. United Airlines fait
également équipe avec Fulcrum
BioEnergy, une start-up spéciali-
sée dans la conversion de déchets
en biocarburants.
L’inconvénient des biocarbu-
rants, toutefois, c’est qu’ils sont
encore beaucoup plus chers que
les carburants conventionnels, et
qu’il faudrait, pour en produire suf-
fi samment, faire face à d’impor-
tantes contraintes agricoles. On
en fabrique aujourd’hui à petite
échelle, mais il faudrait consa-
crer une superfi cie beaucoup plus
vaste aux cultures destinées à
être converties en biocarburants
pour qu’il y ait un eff et sensible
sur les émissions de CO 2 du
transport aérien.
Ainsi, de nombreux écologistes
ne considèrent pas les biocarbu-
rants comme une solution viable
à long terme, d’autant plus que
la croissance de la population
mondiale nous obligera, à l’ave-
nir, à consacrer davantage de
terres à la production alimen-
taire. Selon un récent rapport
du Groupe d’experts intergou-
vernemental sur l’évolution du
climat [Giec] de l’ONU, il faudrait,
pour limiter le réchauff ement
de la planète à 1,5 °C, convertir
jusqu’à 7 millions de kilomètres
carrés de terres arables, soit à
peu près la taille de l’Australie, à
la culture des matières premières
des biocarburants.
“Si l’on devait remplacer tout le
carburant consommé aujourd’hui
par les avions par des biocarburants
de première génération, il faudrait
que les habitants de la planète renon-
cent chacun à 2 100 calories par jour,
explique Mike Berners-Lee. Cela
représente la quasi-totalité de l’ap-
port calorique dont a besoin la popu-
lation mondiale... Ce n’est donc pas
une solution viable.”
Les compagnies aériennes ont
fait des progrès notables dans la
réduction des émissions en amé-
liorant l’effi cacité de leurs appa-
reils. United Airlines, par exemple,
dit avoir augmenté son effi cacité
énergétique de 45 % depuis 1990,
notamment grâce au développe-
ment d’une fl otte plus économe
en carburant.
Ces gains ne suffi sent cepen-
dant pas à compenser la hausse
du trafic mondial. D’après les
chiff res de l’Union européenne,
les émissions de CO 2 qu’engendre
le transport aérien en Europe
ont augmenté de 26 % entre 2013
et 2018. Par ailleurs, selon l’IATA,
le nombre de passagers annuels
devrait doubler d’ici à 2037, pour
atteindre 8,2 milliards.
Les appareils électriques et
hybrides pourraient aussi per-
mettre de réduire sensiblement
les émissions de dioxyde de car-
bone. Plusieurs géants de l’indus-
trie, comme Boeing et Rolls-Royce,
travaillent à la conception d’ap-
pareils à propulsion électrique
et d’appareils hybrides qui fonc-
tionnent grâce à une association
de carburant et de batterie.
Cette année, au Salon du
Bourget, la start-up israélienne
Eviation a dévoilé un modèle de
taxi aérien à propulsion électrique
appelé “Alice”, qui peut transpor-
ter 9 passagers sur une distance
allant jusqu’à 1 050 kilomètres.
Des transporteurs
à bas coûts notent que
leurs vols engendrent
peu d’émissions par
rapport à d’autres.
Bien plus
que prévu
●●● Le dioxyde de
carbone émis par les vols
commerciaux a augmenté
de 32 % entre 2013 et 2018,
révèle une étude de
l’International Council
on Clean Transportation
(ICCT) rendue publique ce
mois-ci. Cette organisation
- qui a mis au jour le
scandale Volkswagen
des moteurs truqués –
a estimé que, rien qu’en
2018, le transport aérien
(passagers et
marchandises confondus)
avait émis 918 millions de
tonnes de CO 2. “Soit 2,4 %
des émissions mondiales
de CO 2 provenant de
l’utilisation de combustibles
fossiles”, écrivent les
auteurs. “Les émissions
dues aux vols commerciaux
augmentent 70 % plus vite
que ce que prédisaient
les Nations unies”,
rapporte The Guardian.
Cette augmentation
“est aujourd’hui plus rapide
que nos gains d’effi cacité,
ce qui s’explique par la
demande des habitants
des pays en développement
qui souhaitent profi ter
tout autant que les pays
riches des avantages
des vols aériens”, reconnaît
un porte-parole de
l’Association du transport
aérien international.
↙ Dessin de Hajo
paru dans A s - S a fi r , Beyrouth.