Courrier international — n 1508 du 26 septembre au 2 octobre 2019 7 JOURS. 9
Exécutions
extrajudiciaires
VENEZUELA Quelque 18 000
Vénézuéliens ont été abattus par
les forces de l’ordre depuis 2016. Le
chiff re, établi par l’ONG Human
Rights Watch, est corroboré par
le ministère de l’Intérieur, qui a
fait état de 5 995 personnes tuées
en 2016, 4 998 en 2017, et environ
7 000 depuis. Un grand nombre
de ces exécutions, souligne
Runrun.es, sont officiellement
justifiées par une “résistance à
l’autor ité ”. Pourtant, ajoute le site
dissident, elles sont avant tout le
fait des “escadrons de la mort”
qui, souvent, sévissent contre des
habitants des quartiers pauvres
qui se sont détournés du régime
du président Maduro.
Une solidarité
qui fait des petits
R U S S I E
“Passons au
NOUS”, titre
la N o v a ï a
Gazeta l e
20 septembre.
“En défendant les
tiens, tu défends
tout le monde”, ajoute le journal
d’opposition, alors que la peine
du comédien Pavel Oustinov,
condamné à trois ans et demi de
colonie pénitentiaire dans le cadre
des manifestations préélectorales
de l’été, vient d’être commuée en
assignation à résidence. Et ce
n’est pas grave si la défense de
ces victimes des appareils policier
et judiciaire est principalement
organisée par les membres de leur
corps de métier, ajoute le journal.
Car “la solidarité de corps fi nit par
devenir solidarité pancitoyenne”.
Des pubs contre
la “gentriication”
PORTUGAL Une opportu-
nité pour les uns, une aberra-
tion pour les autres. Depuis le
19 septembre, une campagne de
pub “peu consensuelle”, rapporte
Público, est à l’œuvre dans le
quartier de l’Alfama, à Lisbonne.
Derrière celle-ci, la chaîne de
supermarchés Minipreço, qui,
pour ses 40 ans, propose aux
habitants d’étendre à leurs
fenêtres, à la place de leur linge,
des publicités. L’objectif est de
les aider à payer leurs loyers,
en hausse constante – alors
qu’entre 2015 et 2017, rappelle
l’agence de com Nossa, sur les
150 appartements qui ont été
achetés dans l’Alfama, un seul
était destiné à être habité, les
autres étant disponibles sur
Airbnb.
Tournesols
altruistes
BOTANIQUE La coopération
n’est pas le propre des êtres évo-
lués que sont les humains ou
les animaux. Les plantes aussi
savent collaborer. C’est le cas
en particulier des tournesols,
qui sont capables de partager
des nutriments sous la surface
du sol avec leurs congénères.
“Chaque plant réagit à son envi-
ronnement social”, r appor te
The Times, faisant écho à une
étude parue le 18 septembre
dans Proceedings of the Royal
Society B. Cette étude vient
alimenter un corpus croissant
de travaux de recherche démon-
trant que les plantes sont en
mesure d’interagir entre elles,
voire de communiquer.
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MILLIARDS D’EUROS, c’est le coût du plan climat présenté
le 20 septembre par la chancelière allemande, Angela Merkel.
Des mesures annoncées à quelques jours du Sommet Action Climat
convoqué par l’ONU et censées “diviser par deux les émissions
de carbone de l’Allemagne d’ici à 2030 et respecter ainsi les
engagements du traité de Paris signé en 2015”, indique la Deutsche
Welle. Les Verts ont accueilli ce plan assez fraîchement. “J e s u i s
très déçue”, a déclaré Annalena Baerbock, une des leaders du parti,
qui a décrit le plan comme “lent, négligé et sans engagement”.
dépôt de bilan eff ectif. C’est la mort lente
de Damoclès.
Et puis Thomas Cook s’est infl igé elle-
même des blessures. Les stratèges des
marques soulignent la nécessité d’une
clarté de l’identité, du message. On ima-
gine que même les salariés de Thomas Cook
auraient du mal à défi nir l’identité de leur
propre employeur. Compagnie aérienne
ou voyagiste? Long-courrier ou escapade
en Méditerranée? Traditionnel ou avant-
gardiste? Hipster ou Bidochon? On dira ce
qu’on voudra de Ryanair, mais au moins on
sait où on met les pieds.
On a beaucoup dit qu’une entreprise telle
que Thomas Cook était trop grande pour
s’eff ondrer, mais sa taille excessive semble
être au cœur de ses problèmes. Il suffi t de
repenser à sa fusion surprise avec MyTravel
il y a un peu plus de dix ans. Thomas Cook a
19 millions de clients annuels et 22000 sala-
riés. Sur un marché agité, on peut réaliser
des économies d’échelle, mais aussi être
pénalisé par sa taille même.
C’est donc la fi n de partie, et les reproches
commencent à pleuvoir. Certains nostal-
giques déplorent la mort d’un voyagiste bri-
tannique emblématique, auquel ils étaient
très attachés sans jamais avoir fait appel à
lui, et des banques naguère renfl ouées se
voient reprocher de ne pas faire un seul
geste. Mais il est clair qu’on a atteint un
point de non-retour et qu’aucun renfl oue-
ment, aucune injection de liquidités ni
aucune recapitalisation ne pourrait rien y
changer. Un sursis est possible, mais cer-
tainement pas un retour en force.
Le moment est donc venu de dire adieu
à Thomas Cook, cette relique du temps des
brochures, et non des codes-barres. Ç’aura
été un très long voyage.
—Duncan Craig
Publié le 23 septembre
—The Times Londres
I
l est très pénible d’assister à l’ago-
nie de Thomas Cook. Qui n’éprou-
verait pas de sympathie pour les
22000 salariés, les touristes qui vont se
retrouver en rade à l’étranger – peut-être
même après avoir été chassés de leurs hôtels
- et les jeunes mariés dont la lune de miel à
10000 livres [11300 euros] tombe à l’eau?
Mais le plus étonnant est sans doute
que cette société ait survécu si longtemps.
Voilà un voyagiste qui a vu le jour [en 1841]
quatre ans après le couronnement de la
reine Victoria, alors qu’aujourd’hui on voit
déjà se profi ler le tourisme spatial.
À ses débuts, Thomas Cook proposait des
excursions d’une journée à 1 shilling pour
le mouvement antialcoolique. Une telle
société avait-elle une chance de survie dans
le paysage actuel du voyage, à l’heure du
discount, de la sursaturation, des consom-
mateurs infi dèles, des comparateurs de
prix, de la concurrence acharnée? Thomas
Cook ne s’est pas relevée des nombreux
coups durs qu’elle a essuyés : terrorisme,
vague de chaleur de 2018, faiblesse de la
livre, marché tout-puissant du low cost
aérien, essor de l’économie du partage,
fl uctuation des prix du pétrole, premiers
frémissements d’une écoconscience dans
les pays développés – sans parler du Brexit,
ce morceau de kryptonite lancé contre la
confi ance des consommateurs.
Le tourisme, plus que de nombreux autres
secteurs, est fondé sur la confi ance. Or
Thomas Cook a perdu celle de ses clients,
sur fond d’accumulation de dettes. En mai,
la société a déclaré des pertes de 1,5 mil-
liard de livres [1,69 milliard d’euros] sur le
semestre précédent. Une série d’alertes sur
les bénéfi ces s’est ensuivie. Il faut être un
client sacrément fi dèle pour chercher une
assurance qui couvre le “dépôt de bilan du
voyagiste” au lieu d’aller voir ailleurs. Dans
un marché touristique déjà nerveux, échaudé
par la faillite de [la compagnie aérienne bri-
tannique] Monarch Airlines en 2017, toute
menace de dépôt de bilan s’apparente à un
ÉCONOMIE
omas Cook, mort
d’un anachronisme
Le mastodonte et doyen du voyage
organisé a été placé en redressement
judiciaire, le 23 septembre.
Une issue logique, selon
ce quotidien britannique,
pour une entreprise
d’un autre temps.
La taille excessive de
omas Cook semble être
au cœur de ses problèmes.
↓ Dessin de Martirena,
Cuba.